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Caligula de André Durand de comptoir littéraire

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d’obliger tous les sujets à «déshériter leurs enfants et tester sur l’heure en faveur de l’État», et de les faire mourir arbitrairement, usant de son pouvoir absolu pour les obliger à vivre dans la pleine conscience de leur destinée mortelle. Mais, à Caesonia, sa «vieille maîtresse», il reconnaît qu’il veut «mêler le ciel à la mer, confondre laideur et beauté, faire jaillir le rire de la souffrance», transformer le monde («Alors enfin les hommes ne mourront pas et ils seront heureux»), l’invite «à un procès général, au plus beau des spectacles» : «Il me faut des coupables. Et ils le sont tous [...] Juges, témoins, accusés, tous condamnés d'avance». Et Caesonia accepte de le suivre dans ce qui pour elle est folie.

Acte lI

Les patriciens se plaignent des avanies multiples et vexatoires que leur fait subir «depuis trois ans» «le plus insensé des tyrans», et sont prêts à une sédition. Cherea se joindrait à eux «pour retrouver la paix dans un monde à nouveau cohérent», mais leur demande d’attendre, d’aller dans le sens de Caligula : «Organisons sa folie.» Hélicon, avec son ironie habituelle, soutient les folies de l’empereur qui s’amuse de la peur des patriciens, de la douleur de Lepidus dont il a fait tuer le fils, de celle de Mucius à qui il prend sa femme. Il décrète la famine car, dit-il : «Je n’ai pas tellement de façons de prouver que je suis libre». Il donne un aperçu du «petit traité de l’exécution» où il a écrit : «On meurt parce qu'on est coupable. On est coupable parce qu'on est sujet de Caligula. Or tout le monde est sujet de Caligula. Donc tout le monde est coupable. D’où il ressort que tout le monde meurt.» Il institue un «ordre du Héros civique» qui «récompensera ceux des citoyens qui auront le plus fréquenté sa maison publique» [son bordel]. À Mereia, qu’il soupçonne de prendre un contre-poison, il impose violemment un poison. Caesonia fait avouer au jeune poète Scipion, dont Caligula a fait tuer le père, la volonté de le venger, mais l’invite aussi à comprendre le meurtrier. Caligula le fait parler d’un de ses poèmes, et s’exalte avec lui dans l’évocation de la nature ; mais Scipion, s’étant rendu compte que ce ne fut qu’un jeu, exprime sa haine, évoque la solitude dont doit souffrir Caligula, le touche de sa main sur laquelle l’autre pose la sienne pour lui asséner finalement que la seule «douceur» qu’il ait dans la vie est «le mépris».

Acte III

Annoncé par Hélicon et Caesonia, Caligula se présente aux patriciens en Vénus grotesque, leur faisant répéter une prière sarcastique, et verser une obole. Scipion lui reproche d’avoir blasphémé, même si lui-même ne croit pas aux dieux ; mais Caligula revendique le droit d’exercer sa liberté en s’égalant aux dieux, en se faisant «destin», en pratiquant «l’art dramatique». À Hélicon qui veut le prévenir du complot fomenté contre lui, l’empereur, tout en se mettant du rouge sur les ongles du pied, oppose son intérêt pour la lune, et lui demande de la lui apporter. Il retourne de la même façon un vieux patricien qui le prévient lui aussi. S’adressant à son image dans son miroir, il décide de «poursuivre la logique. Le pouvoir jusqu’au bout, l’abandon jusqu’au bout […] et il faut aller jusqu’à la consommmation !» C’est qu’il reçoit Cherea, qu’il invite à lui parler avec sincérité ; celui-ci lui avoue vouloir sans haine sa disparition car, dit-il : «J’ai envie de vivre et d’être heureux», et il attend sa sentence ; mais Caligula, qui détient sur une tablette la preuve de sa trahison, la fait fondre à la flamme d’un flambeau.

Acte IV

À Cherea, qui voudrait le voir participer au complot, Scipion avoue qu’il ne peut agir contre Caligula : «Quelque chose en moi lui ressemble […] Il m’a appris à tout exiger.» Hélicon demande à Cherea de demeurer sur place où sont amenés par des gardes deux patriciens ; la conjuration étant découverte, ils craignent d’avoir à subir la torture et d’être mis à mort ; Cherea les incite au courage que Caligula apprécie. Mais voilà qu’en ombre chinoise et sur «une musique aigre», il apparaît fugitivement en danseuse, les ayant, selon Caesonia, «invités à communiquer avec lui dans une émotion artistique» et à apprécier le spectacle. Hélicon affronte le vertueux Cherea, et déclare que lui, l’esclave que Caligula a affranchi, empêchera qu’on touche «celui qui a souffert sans compter, et qui saigne tous les jours de mille nouvelles blessures». Caesonia annonce : «Caligula souffre de l’estomac. Il a vomi du sang», et les patriciens y vont de leurs souhaits de rétablissement, pour lequel l’un promet une offrande, un autre sa vie. Caligula, qui se présente en parfaite santé, accepte l’une et l’autre ! Il sort, et Caesonia annonce sa mort à Cherea, mais celui-ci y voit un «grand malheur» ; Caligula réapparaît pour reconnaître : «Eh bien ! c’est raté». Pour Caesonia, la maladie de Caligula, c’est qu’il a «trop d’âme». L’empereur, qui se se dit «le seul artiste que Rome ait connu, le seul […] qui mette en accord sa pensée et ses actes» mais ajoute : «Je n’ai pas besoin d’une œuvre : je vis», tient un concours entre poètes dont le sujet imposé est «la mort. Délai : une minute.» Mais, bien avant, il les interrompt tous de son sifflet, et les rejette, les considérant comme des ennemis ; seul le poème de Scipion l’émeut par sa connaissance des «vraies leçons de la mort». Cherea déclarant : «Le moment est venu», Scipion va vers Caligula, qui le repousse ; aussi, lui qui lui «ressemble tant», va-t-il partir «très loin», lui demandant seulement : «Quand tout sera fini, n’oublie pas que je t’ai aimé.» Caligula repousse aussi Caesonia qui pense que «cela peut être si bon de vivre et d’aimer dans la pureté de son cœur». Pour lui, ne compte que la poursuite de «l’essentiel», et il dit : «Je ne suis bien que parmi mes morts». Pourtant, il s’attendrit un moment avec elle, pour mieux vilipender la «bêtise» de ceux qu’il a «moqués et ridiculisés», reconnaître cependant «la loyauté et le courage de ceux qui veulent être heureux», pour s’étonner, lui dit-il, de «cette sorte de tendresse honteuse pour la vieille femme que tu vas être», «le seul sentiment pur que ma vie m’ait jusqu’ici donné», ce qui ne l’empêche pas, parce qu’il a choisi «le bonheur des meurtriers», parce que l’amour (même celui pour Drusilla) ne lui est «pas suffisant», d’étrangler Caesonia qui se «débat faiblement». Seul avec lui-même dans son miroir, il regrette de n’avoir pas eu la lune, que l’impossible n’ait pas été ; il avoue sa peur, sa lâcheté ; il reconnaît qu’il n’a «pas pris la voie qu’il fallait, je n’aboutis à rien. Ma liberté n’est pas la bonne». «Des bruits d’armes et des chuchotemts s’entendent», et il est frappé par les conjurés, mais hurle : «Je suis encore vivant».

Analyse

Genèse

Camus travailla sur ‘’Caligula’’ pendant treize ans avant sa représentation.

En 1935, il avait fondé une troupe d’amateurs, le ‘’Théâtre du Travail’’, qui voulait toucher le public ouvrier, puis, en 1937, une autre, le ‘’Théâtre de I'Équipe’’, dont le «manifeste» disait qu’il «demandera aux oeuvres la vérité et la simplicité, la violence dans les sentiments et la cruauté dans I'action». On croit entendre Antonin Artaud, et peut-être Camus avait-il lu, mais on I'ignore, le roman que celui-ci avait publié en 1934, ‘’Héliogabale ou l’anarchiste couronné’’ (un empereur romain fou), et qui annonçait son «théâtre de la cruauté». Il adapta et mit en scène ‘’Les frères Karamazov’’ de Dostoïevski (où il jouait le rôle d'lvan, I'intellectuel athée, le nihiliste qui file vers la folie après avoir incité à tuer le père). Il traduisit ‘’Othello’’ de Shakespeare (où le mécanisme incontrôlable de la passion conduit à la tragédie de la jalousie aveugle). En 1936, il lut ‘’La vie des douze Césars’’ de Suétone où l’empereur Caligura lui apparut comme un tyran d'une espèce relativement rare, c'est-à-dire un tyran intelligent, aux mobiles à la fois singuliers et profonds, le seul à avoir tourné en dérision le pouvoir lui-même. En lisant I'histoire de ce grand et tragique empereur histrion, il le voyait déjà sur une scène. Il nota dans ses carnets qu'il projetait d'écrire ‘’Caligula’’ pour la troupe du ‘’Théâtre de l’Équipe’’.

La première esquisse de la pièce datait de 1937, alors qu’il avait vingt-quatre ans : elle était lyrique, nietzschéenne et ambiguë.

En 1939, il avait terminé une première version qui suivait de près le texte de Suétone, mais portait aussi la marque de ses préoccupations, était presque romantique, très mélancolique, car il s’identifiait complètement à Caligula et envisageait de tenir lui-même le rôle. Comme sa santé était alors précaire, et qu’il savait d'expérience ce que représente un amour de la vie, une fureur de vivre qui voudrait ne pas avoir de limites mais se heurterait aux barrières de la maladie, la pièce est une sorte de méditation active et mimée sur l'horreur de la mort et de la solitude, sur le refus de s'accommoder de I'oubli et des consolations

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