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Violence d'Etat Et Transmission Du Traumatisme Entre Générations

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e ses souffrances ne seront pas publiquement reconnues, et en premier lieu par les tyrans, condition majeure à l’effacement du traumatisme collectif.

Dans un premier temps, nous étudierons les théories psychanalytiques de la transmission, puis dans un second temps, nous étudierons les enjeux pathogènes du silence des coupables et du monde sur les générations descendantes de survivants à travers l’exemple du génocide arménien.

I- Les théories psychanalytiques de la transmission psychique inconsciente entre générations.

1- Les apports S. Freud sur la transmission et l’héritage.

Dans Totem et Tabou, Freud développe sa théorie de l’héritage archaïque de l’humanité : depuis le meurtre originaire du Père de la horde primitive par les fils, il y aurait transmission inter-psychique du sentiment de culpabilité et des interdits que sont le meurtre et l’inceste, et ce de génération en génération. Ces prohibitions furent autrefois imposées de l’extérieur à une génération antérieure, maintenues de génération en génération par la tradition, transmises par l’autorité paternelle et sociale. Elles sont devenues partie organique de la voie psychique et partie intégrante de l’inconscient des générations ultérieures. Freud distingue deux voies de transmission : l’une passant par la culture et la tradition, l’autre formée par cette partie organique de la vie psychique des générations ultérieures. De là il posa l’existence d’une hérédité phylo-génétique , mais « la tendance à transgresser persiste dans l’inconscient » ; bien qu’intégrés à la vie psychique les tabous, les prohibitions suscitent toujours un désir inconscient de transgression. Puis dans Le Moi et le Ca , il postule « l’existence d’une psyché collective où s’accomplissent les mêmes processus que ceux ayant siège dans l’âme individuelle. Un sentiment de responsabilité a persisté pendant des millénaires, de génération en génération et se rattache à une faute si ancienne que les hommes n’en conservent plus le moindre souvenir ».

Il note une condition à l’acquisition d’un héritage psychique et développe l’idée de l’épi-génèse : les dispositions psychiques dont l’individu a hérité nécessitent d’être activement acquises par lui-même, l’héritage ne pouvant être conçu passivement, « ce que tu as hérité de tes pères, acquiers-le pour le posséder » (vers de Goethe de Faust). Ainsi Freud théorise l’existence psychique de la transmission inrtgénérationnelle. Se trouvent noués les deux statuts que doit assurer l’individu pour exister : il existe à la fois comme être singulier, comme psyché individuelle, et comme héritier d’un ensemble intersubjectif, d’une psyché collective.

Puis Freud introduit l’idée d’une formation de l’inconscient dans la transmission du refoulement : les faits psychiques réprimés, nécessitant pour ce le déploiement d’énergies psychiques, ne peuvent disparaître sans laisser de traces. Rien ne peut-être aboli qui n’apparaisse, quelques générations après, comme énigme, comme signe-même de ce qui n’a pu être transmis dans l’ordre symbolique. Ainsi ce qui se transmet c’est ce qui fait manque, c’est le négatif, d’où la formulation de Kaës : « négativité de la transmission ». Les générations ultérieures réussissent à s’assimiler le legs affectif de celles qui les ont précédées grâce à « l’appareil inconscient à interpréter », à créer du sens, qui permet une compréhension inconsciente des mœurs, cérémonies et préceptes. Cet appareil à interpréter est l’appareil inconscient de la transmission.

Dans Pour introduire le narcissisme, il évoque la double nécessité du sujet de l’héritage « d’être à soi-même sa propre fin » et d’être « le maillon d’une chaîne à laquelle il est assujetti sans la participation de sa volonté »mais qu’il doit servir et dont il peut escompter un bénéfice. Le sujet singulier se vit comme partie intégrante d’un groupe, d’une famille, d’une lignée, soit comme héritier de la chaîne intersubjective dont il procède. C’est sur cette chaîne que s’étaye sa psyché, et en premier lieu sur celle de ses parents. Dans cet article, Freud dégage les fondements narcissiques de la transmission entre et à travers les générations : il dévoile l’agencement de l’étayage mutuel du narcissisme de l’enfant et du narcissisme parental. Il voit dans le comportement tendre des parents « la reviviscence et la reproduction de leur propre narcissisme qu’ils ont depuis longtemps abandonné », car ils attribuent à l’enfant toutes les qualités, le projettent dans un avenir meilleur que ne le fût leur passé : « Il accomplirait les rêves de désir que les parents n’ont pas mis à exécution, il sera un grand homme, un héros, à la place du père ; elle épousera un prince, dédommagement tardif pour la mère(…)cette immortalité du moi, que la réalité bat en brèche, a retrouvé un lieu sûr en se réfugiant chez l'enfant. L’amour des parents (…) n’est rien d’autre que leur narcissisme qui vient de renaître (…)».

Ainsi Freud fait du manque, de l’absence, de la défaillance la condition de la transmission. Il y a nécessité pour le sujet à transmettre, résultat d’exigences pulsionnelles inconscientes.

Dans Psychologie des foules et analyse du Moi, Freud définit l’identification comme l’expression première d’un lien affectif. L’Idéal du Moi correspond à l’idéal familial, culturel… il est imposé de l’extérieur à l’enfant en même temps qu’il reçoit l’investissement du narcissisme primaire, et est formé à l’image de l’idéal parental. C’est donc le narcissisme parental qui se transmet. En même temps que se transmet l’idéal se transmet le Surmoi parental ( chargé de surveiller l’écart entre le Moi et l’Idéal du Moi), que l’enfant intériorise par identifications en abandonnant l’Oedipe. Son Surmoi apparaît comme l’héritier de l’intériorisation des figures parentales.

L’individu est le sujet d’un héritage archaïque inconscient (un Ca héréditaire où reposent les restes d’innombrables Moi) et du narcissisme de ses parents, avec ce qu’ils contiennent comme failles. La théorie freudienne démontre l’existence et le mécanisme clé de la transmission : les identifications.

Freud met en relief l’existence chez tout sujet d’un « fantasme de transmission », dont l’enfant est l’héritier avant l’acquisition du langage. La transmission de la culpabilité inconsciente (du meurtre du Père primitif) produit des fantasmes de transmission dans un but d’innocentation et d’appropriation, de subjectivation. Ce qui hante le sujet au plus profond de son Ca, c’est la culpabilité des fils héritée de cette préhistoire. Il s’agit d’un scénario conscient ou inconscient, construit ou reconstruit, où le sujet se désigne comme héritier d’un contenu psychique transmis par un autre, contemporain ou ancêtre. Il donne une version singulière de la transmission, décrivant les rapports entre le sujet héritier, le sujet transmetteur et l’objet transmis : il s’organiserait pour que le sujet se représente sa propre position de sujet dans la génération, se défende et à la fois se saisisse de quelque chose qui en même temps lui appartient et lui est étranger. L’importance médiatrice du fantasme se fait sentir quand la transmission achoppe à trouver une représentation. C’est le cas des transmissions du traumatique qui obstruent les processus de pare-excitation et de symbolisation. Dans ce cas le fantasme de transmission concerne des objets aliénants peu transformés ou peu transformables. Dans le système de filiation narcissique, les événements traumatiques s’inscrivent dans une chaîne magique où ils s’accumulent, se répètent, restent extérieurs, impossible à intérioriser, au contraire de la chaîne symbolique où les événements prennent sens les uns par rapport aux autres. La chaîne magique se développe au dépens où à l’occasion des déficiences de la chaîne symbolique. C’est à partir de la dimension imaginaire et narcissique du lien de filiation que s’organisent les fantasmes de transmission. Ils ressaisissent l’organisation des liens institués, les places des sujets dans la filiation pour les rendre intégrables, symbolisables. Il tente de réduire le traumatique dans la transmission par un travail de transformation afin de rétablir la continuité du lien (intersubjectif, filial, généalogique) alors menacé. Ainsi, il se représentera le caractère étranger du contenu dont il hérite, s’éprouvant comme dépositaire d’une histoire venue d’ailleurs. Dans ce même mouvement, il tentera une appropriation de cet objet étranger par le fait même qu’il est désigné comme fruit d’une transmission.

La construction du fantasme de transmission participe d’un processus d’appropriation, de subjectivation d’une histoire étrangère, dans le même mouvement qui conduit le sujet à s’en dessaisir. Sa fonction est défensive, consistant à répondre au traumatisme et à tenter de le traiter.

2- Violences d’Etat et transmission transgénérationnelle du traumatisme.

Kaës étudia de près la question de la « négativité de la transmission ». Dans Violence d’Etat et psychanalyse , il déclare, en suivant la piste de Freud, que « ce qui se transmet, dans la transubjectivité

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