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formelle des élèves réalisée (dans le cas paradigmatique du concours par exemple), les différences individuelle ne seraient plus que le produit de l’inégalité des dons. Contre cette position théorique, les auteurs entreprennent un travail de redéfinition et de caractérisation de l’inégalité scolaire, du capital, et de la culture scolaire, pour exhiber les mécanismes de reproduction des privilèges sociaux qui sous-tendent l’apparente égalité des élèves de l’université. Il s’agit de démontrer que les chances objectives de réussite scolaire sont le produit de la possession plus ou moins importante de capital culturel, que la culture scolaire est la culture intériorisée des élites, et l’ethos bourgeois la norme du jugement universitaire. Il n’y aurait donc pas de corrélation malheureuse entre l’appartenance à certains milieux sociaux et l’accès à l’université, mais l’organisation systématique par l’université de la reproduction de la domination des héritiers au sein même de l’université.

1 Cahiers du Centre de sociologie européenne, publication de l’Ecole pratique de hautes études, Mouton et C°, Paris 1964.

Séminaires de formation à la recherche ENS-LSH | Méthodes quantitatives 2004-2005

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L’ouvrage est organisé en trois moments. Il s’agit tout d’abord de réinscrire l’étude des étudiants dans une sociologie des inégalités, par un travail de redéfinition des catégories d’inégalité, de capital et de transmission. Les auteurs exposent ici les mécanismes qui sous-tendent la corrélation statistique entre le milieu social d’origine et la réussite scolaire. Mais, ce travail conduit à la rencontre d’un problème sociologique majeur : dès lors que les étudiants ne sont un groupe que faussement homogène, travaillé par la différenciation liée à la possession inégale de capital culturel intériorisé, à quelles conditions peut-on faire du milieu étudiant un objet sociologique ? Où réside l’unité du milieu étudiant ? Il s’agit donc dans une deuxième partie de montrer que l’unité du milieu étudiant est l’unité de la signification qu’ils accordent à leurs pratiques, l’homogénéité du rapport symbolique qu’ils entretiennent avec leurs études, l’adhésion à ce qui est appelé « l’idéologie irréaliste ». Mais faire la sociologie de cette représentation mystifiée des études suppose de déterminer les fonctions et les effets de celle-ci sur les étudiants et la reproduction des privilèges, et d’analyser les modalités d’adhésion à cette idéologie en fonction de l’origine sociale des étudiants. Le lieu même de l’unité du milieu étudiant doit donc, dans un troisième temps, être repensé à l’intérieur d’une sociologie des inégalités dont les caractéristiques et les catégories ont été déterminées dans la première partie.

Mais quel peut -être l’intérêt d’un tel ouvrage dans le cadre d’une réflexion sur les parcours scolaires improbables, et plus précisément, sur les étudiants issus de milieux sociaux fortement dotés en capital symbolique et pourtant engagés dans des parcours d’échec scolaire ? Si notre projet partage avec celui des auteurs l’intérêt pour l’étude des héritiers et des modalités de leur inscription dans l’univers scolaires, il semble néanmoins se construire à rebours de la démarche de Bourdieu et Passeron. Tentative de construction d’une sociologie de l’improbable, cette démarche s’inscrit en opposition aux postulats d’un sociologie bourdieusienne du probable posant que l’inégalité devant l’école est la traduction de l’inégalité de la possession de capital culturel, et que le parcours scolaire exprime directement le niveau de capital culturel possédé. La question des conditions de transmission du capital culturel dans les familles, et des conditions de la conversion de ce capital en disposition scolaire forment le cœur d’une sociologie des parcours scolaires improbables, quand elles sont périphériques voire négligeables dans le cadre d’une sociologie bourdieusienne et passeronnienne du probable. Notre objet suppose néanmoins de définir les catégories de réussite et d’échec scolaires, de capital, et d’héritiers, et rejoint en cela le travail de Bourdieu et Passeron. De plus, faire des parcours scolaires improbables un objet sociologique implique de construire cet objet en opposition aux parcours scolaires probables. C’est donc à partir de l’analyse du probable, de l’attendu, et du prévisible qu’il nous faut examiner les conditions de la mise en échec de la prévision. Enfin, si l’ouvrage ici étudié informe significativement notre travail, l’attention portée aux parcours scolaires improbables permet d’interroger le travail de Bourdieu et Passeron, et de circonscrire précisément les bornes du champ de validité de leur théorie de la reproduction.

Chapitre 1 : Le choix des élus

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Le point de départ de l’argumentation est le constat de l’inégale représentation des classes sociales dans l’enseignement supérieur. Mais si ce constat est commun à la sociologie traditionnelle de l’école et aux auteurs, Bourdieu et Passeron s’opposent à elle sur trois points. Les inégalités devant l’enseignement supérieur ne peuvent être réduites à l’inégalité de l’accès ces études, elles continuent de différencier les élèves et de jouer au sein même

Nous avons reproduit la division en chapitre de l’ouvrage, et nous avons ajouté des numéros de paragraphe destinés à clarifier la progression des arguments à l’intérieur de chaque chapitre. Nous avons par ailleurs accordé une place inégale à chacun des chapitres, à l’avantage du premier en raison de sa plus grande complexité et richesse théoriques, et de son intérêt plus direct au regard d’un travail sur les parcours scolaires improbables. C’est essentiellement dans ce chapitre que les auteurs définissent les catégories nécessaires à une sociologie de l’inégalité, centrales dans le cadre d’une sociologie des parcours atypiques.

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des universités. Les inégalités des parcours scolaires ne sont pas uniquement le produit de la possession inégale de capital économique, mais aussi et principalement de capital culturel intériorisé. Enfin, l’université n’est pas un lieu neutre socialement où se rejouent malheureusement des distinctions de classe, mais le lieu même de la reproduction des privilèges et de la préservation des intérêts des héritiers. Le travail de Bourdieu et Passeron est donc d’abord un travail de redéfinition des catégories d’inégalité et de capital, dans le but de faire apparaître les mécanismes qui sous-tendent la corrélation entre les inégalités d’origine sociale et les parcours scolaires.

1 : Les auteurs démontrent donc dans un premier temps que, si les inégalités devant l’école se marquent dans l’inégalité de l’accès à l’enseignement supérieur, elles apparaissent aussi à l’intérieur de l’université. Ainsi, l’inégalité devant l’école est d’abord l’inégalité des chances d’accès à l’université. Mais, plus qu’une inégalité il s’agit en fait d’une véritable élimination des classes défavorisées. Ainsi les classes les plus défavorisées ont moins de 5 chances sur 100 d’accéder à l’enseignement supérieur, quand les enfants de cadres supérieurs et de professions libérales ont 60 chances sur 100 d’y faire leurs études. De plus, cette différenciation des chances objectives d’accéder à l’enseignement supérieur (ES)3 contribue à produire chez les individus des perceptions différenciées de l’université, selon que celle-ci apparaît comme un avenir « impossible », « possible » ou « normal ». Les chances objectives deviennent donc des perceptions subjectives de l’école qui sont au principe des stratégies scolaires des individus. Les défavorisés s’auto-éliminent, les héritiers s’auto-consacrent. Nous pouvons faire deux remarques. Tout d’abord cette thèse est un argument majeur contre les théories sociologiques (notamment boudonienne) faisant de la différence entre les calculs d’intérêt effectués par les individus en fonction de leur origine sociale la cause des inégalités dans la réussite scolaire. Ces stratégies individuelles différente ne sont pas la raison de l’inégalité dès lors qu’il est posé que qu’elles sont le produit de l’intériorisation de l’inégalité objective des classes devant l’école. Enfin, les auteurs montrent que l’élimination des défavorisés est permise par l’intériorisation de leur situation objective. Les parcours scolaires atypiques pourraient donc être le produit d’une méconnaissance de la situation objective. Le décalage entre les espérances subjectives et les chances objectives de réussite pourrait être au principe du déclassement et de la promotion, les individus ayant intériorisé des normes d’action scolaire ne correspondant pas à leur situation de classe objective. Mais le phénomène d’élimination ne doit pas masquer l’existence de phénomènes de restriction dans le choix des études et de retard scolaire à l’intérieur même de l’université. Le piétinement dans les études, ou le choix forcé

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