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Ronsard Fontaine

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ontaine de Bandusie, plus resplendissante que le cristal, bien digne de vin doux, sans oublier des fleurs, demain tu recevras l’offrande d’un chevreau, que son front gonflé de cornes naissantes destine à Vénus et aux combats : en vain ! car en ton honneur il teindra de son sang vermeil tes eaux glacées, cet enfant du troupeau folâtre ! Toi, l’affreuse saison de la canicule ardente ne peut t’atteindre, tu donnes une aimable fraîcheur aux taureaux las du soc, au troupeau vagabond. Tu deviendras, toi aussi, l’une des sources illustres, puisque je célèbre l’yeuse perchée sur le rocher creux d’où tes eaux bavardes bondissent et s’écoulent.

(Ce poème a suscité d’innombrables traductions, tant en vers qu’en prose. Celle que je propose ici s’efforce d’être précise, et en même temps de respecter concision et effets de rythme et de sonorités. On peut choisir d’utiliser plutôt les termes repris par Ronsard.)

I. Commentaire du texte d’Horace (Odes, III, 13)

Nous avons ici un poème court et dense, écrit en quatre strophes asclépiades B, composées de deux vers longs (12 syllabes, le vers asclépiade mineur) et deux vers courts (7 syllabes, le phérécratéen, puis 8 syllabes, le glyconique). Ces vers au nombre fixe de syllabes sont empruntés aux poètes lyriques éoliens, comme l’ensemble de la métrique des Odes (cf. L. Nougaret, Traité de métrique latine classique, ch. V). Mais la strophe asclépiade est une création d’Horace. Il emploie d’ailleurs assez peu ce schéma-ci qui convient à des poèmes plutôt brefs (quatre odes en I, 5, 14, 21 et 23, deux en III, 7 et 13, et une au livre. IV, plus tardif, 13) et dont le rythme sautillant comme le bruit de l’eau est ici particulièrement bienvenu. 1. L’invocation à la source (v. 1) Le premier vers est une invocation à la source, soutenue par l’interjection « o », et reprise par l’apposition, au vocatif elle aussi (« digne ») : le ton est à la fois vif et solennel. En même temps qu’elle reste un élément de la nature, la source est personnifiée. Bien que « fons » soit un mot masculin, la divinité des sources est une naïade, une nymphe des eaux, et « Bandusia » est féminin. L’ambiguïté est d’ailleurs marquée par la première tournure, où « Bandusiæ » est un génitif et non une apposition. Serait-ce un génitif de définition (le nom de la source) ? Cette construction apparaît en effet dès la fin de l’époque républicaine (cf. Ernout-Thomas, Syntaxe latine, § 56). Mais un génitif de possession est plus normal : le nom de la nymphe, le nom d’un lieu-dit, ou tout simplement, selon l’astucieuse hypothèse de Michele Feo (Sotto i lecci di Banzi, Pise, 2000), le nom du cours d’eau qui naît de la source ? Quelle est d’ailleurs cette source ? Plusieurs textes médiévaux évoquent une source de Bandusie liée au monastère de Banzi, près de Venouse en Apulie, patrie d’Horace. On connaît des villes grecques du nom de Pandosia. En latin, le terme sans rhotacisme de Bandusie ne peut être qu’un archaïsme. M. Feo propose une répartition entre Bantia, le nom latin classique de la ville de Banzi, et Bandusia, le cours d’eau « lié à Bantia », forme archaïsante. Le nom actuel du cours d’eau, Banzullo / dialectal Vanzùdde pourrait alors être non une dérivation de Banzi mais une métathèse de Banduzia. Séduisante interprétation, d’autant qu’Horace parle des bocages de Bantia (« saltus Bandinos ») à propos d’une aventure d’enfance (Odes, III, 4, 15). On a souvent trouvé plus vraisemblable que cette source familière que chante le poète (strophe 4) et à laquelle il fait une offrande (strophes 1-2) soit celle de son domaine de Sabine, qu’il décrit par ailleurs (Épître I, 16), et à laquelle il a pu donner un nom tiré de son enfance (cf. entre autres F. Villeneuve, Horace, I, Odes et Épodes, CUF, p. 122). L’objection majeure est que le cours d’eau de son domaine porte un nom, Digentia (aujourd’hui Licenza) et que celui-ci est cité par Horace (Épître I, 18, 104). La discussion reste ouverte. 2. L’offrande à la source (strophes 1 & 2) Les deux premiers vers sont une explosion de joie et d’admiration, rendue par la multiplication des dentales, dont une allitération (« dulci digne »), et l’assonance en i et o, dont un homéotéleute (« uitro » / « mero »), et par le rythme martelé, qui isole au premier vers les deux choriambes (« Bandusiæ », « splendidior », longue, deux brèves, longue), symétriques de part et d’autre de la coupe (Cf. Nougaret, Traité, § 281), et qui multiplie ensuite les mots de deux syllabes. Ces vers associent la qualité première de la source, sa luminosité, aux offrandes qu’elle mérite en fonction d’elle. Le qualificatif de la source, « splendidior uitro », pose question. F. Villeneuve (CUF) traduit « plus limpide que le verre ». On peut arguer que « liquidior » ne va pas avec la métrique, mais « splendidior » est nettement plus fort : ce n’est pas seulement la pureté transparente de l’eau qui est mise en valeur, c’est aussi sa brillance, quand elle reflète la lumière de mille scintillements (Horace utilise par ironie une expression équivalente, « perlucidior uitro », pour désigner l’« indiscrétion », Odes, I, 18). On peut aussi se poser des questions sur « uitrum ». Si la pâte de verre est une invention orientale qui remonte au moins au XVe siècle av. J.-C., si les Romains sont passés maîtres dans l’art de la verrerie, qu’en était-il vers 30 av. J.-C. ? Il semble que le verre soufflé ait été déjà découvert fin IIe-début Ier siècle av. J.-C., mais qu’il n’ait commencé à se répandre que justement vers l’époque d’Auguste. Il s’agissait alors surtout de flacons de la couleur naturelle du verre, c’est-à-dire d’un vert bleuté. Les vitres ne sont apparues qu’au Ier siècle ap. J.-C., le verre blanc, décoloré, n’a été de mode qu’ensuite. A l’époque de Virgile et d’Horace, il s’agissait donc encore de pièces rares donc précieuses, et dont la couleur évoquait bien l’eau. Horace parle de « uitreo ponto » (Odes, VI, 2, 3), Virgile de « uitrea Fucinus unda » (Énéide, VII, 759), et quand il évoque des « uitreis sedilibus » (Géorg. IV, 349), c’est parce que ces sièges divins sont au fond des eaux. Pour nous, le verre est devenu matière banale, il est donc permis d’actualiser la comparaison, et de donner à la source d’Horace la limpidité étincelante du cristal, ou même plus que cela, puisque le comparatif amplifie encore la beauté du cours d’eau. Les cadeaux que mérite une si jolie fontaine sont du vin doux non coupé et des guirlandes de fleurs, offrandes non sanglantes convenant bien à de jeunes divinités. Le 13 octobre, en particulier, à la fête des Fontanalia, on jetait des couronnes dans les sources (Varron, De lingua latina, VI, 22), et si Pausanias spécifie qu’on n’offrait pas de vin aux nymphes, ce ne devait pas être une règle générale. Ou bien peut-être y a-t-il là une pointe, et le poète amateur de bon vin qu’est Horace (Odes, I, 9 etc.) estimait-il justement que sa chère fontaine avait bien droit au même breuvage (pur puisque l’eau de la source le coupe automatiquement), « non sans » les fleurs qu’on lui offre d’habitude. Mais pour ses bienfaits qui ne sont explicités qu’ensuite, Horace préfère lui offrir plus encore, un sacrifice sanglant exceptionnel de petit bétail jeune comme on pouvait en faire aux divinités féminines. Est-on bien aux Fontanalia, comme l’ont admis la plupart des commentateurs ? Rien n’est moins sûr, car le troupeau se renouvelle de février à juin et les chevreaux sont déjà mûrs sexuellement six mois plus tard, entre juillet et novembre. Comme les cornes sortent très vite, dès les premiers jours, il s’agit encore ici d’un nouveau-né. On envisage donc plus naturellement à mon avis une fête de

printemps. K. Quinn (Horace. The Odes, 1980, p. 268), qui indique la poussée précoce des cornes, opte pourtant, assez bizarrement (comme L. & P. Brind’Amour dans Phœnix 27, 1973, p. 276 sq.), pour un sacrifice durant la canicule, en accord avec la troisième strophe. Il est vrai qu’Horace appelle encore « tener hædus » (« tendre chevreau ») une offrande des nones de décembre (le 5 décembre, Odes, III, 18), ce qui laisse une latitude à l’interprétation. On peut noter par ailleurs la gradation, l’opposition entre la possibilité de l’offrande (« digne ») et sa réalité (« cras »), et l’emploi du verbe spécifique, « donare », bien plus fort que dare. On remarquera aussi, et c’est important pour la suite, que la personnalité du poète dédicant s’efface complètement, par la tournure passive qui ne met en valeur que la source (« tu seras gratifiée d’un chevreau »). La structure du poème est ici exceptionnelle : non seulement un enjambement relie le premier vers de la deuxième strophe à la première, mais il se fait par un rejet à l’intérieur d’un groupe grammatical (cornibus primis : « par ses premières cornes »). Les deux premières strophes sont ainsi étroitement soudées, d’autant plus que dans la deuxième, les deux asclépiades ont leur base de deux longues isolées de façon identique par deux fortes coupes, qui détachent deux mots antithétiques (primis : la naissance et l’espoir, frustra : la vanité et la mort). Mais la première strophe a cependant une unité marquée par un jeu de sonorités inattendu : il n’existait pas de système de rimes en latin, mais on a ici des ablatifs homéotéleutes qui forment une structure analogue à des rimes croisées (o - ibus) : l’union du chevreau et de la source n’en est que plus forte.

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