DissertationsEnLigne.com - Dissertations gratuites, mémoires, discours et notes de recherche
Recherche

Les Bonnes De Jean Genet

Mémoires Gratuits : Les Bonnes De Jean Genet. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
Page 1 sur 42

Assistance publique) et abandonné à sept mois par sa mère, Camille Gabrielle Genet, Jean Genet est confié à l'Assistance publique, puis placé chez des paysans du Morvan (1918). En 1920, accusé de vol, il est envoyé à la maison de redressement de Mettray, s'en évade dix ans plus tard et s'engage pour cinq ans dans la Légion étrangère, ne tardant pas à déserter pour mener une vie errante (de 1930 à 1940) à travers l'Europe des ports et des bas-fonds (Barcelone, Tanger, Rome, Naples, Anvers). Emprisonné à Fresnes, il se met à écrire, poèmes et romans, à partir de ses expériences et de ses amours homosexuelles, la fonction de la poésie ayant été longtemps pour lui la transformation, par le truchement du langage, d'une matière réputée vile en un matériau considéré comme noble. C'est en 1942 que paraît son premier texte, Le Condamné à mort, et, en 1944, sa première pièce, Haute Surveillance, écrite à la prison de la Santé. Suivront Notre-Dame des Fleurs (1944), Miracle de la rose (1946), Pompes funèbres, Querelle de Brest (1947), le Journal du voleur (1949). Entre roman, journal, poème et autobiographie, ces livres rédigés dans l'urgence de l'expression imposent l'image d'un écrivain qui revendique sa marginalité sociale et sexuelle. Le style, d'une somptuosité baroque qui frôle parfois la préciosité maniériste, transfigure toutes les formes de la transgression que chante l'auteur. Le mauvais garçon devient personnage à la mode, soutenu par Cocteau aussi bien que par Sartre : argument de ballet ('Adame miroir, 1948), essai (Lettre à Leonor Fini, 1950), film (Un chant d'amour, 1950, dont la diffusion demeure clandestine), articles (le premier étant consacré à Jean Cocteau). Mais une fissure apparaît, et une « détérioration psychologique », à partir de la publication de l'essai que Sartre lui consacre en 1952, démontant, dans sa psychanalyse existentielle, les mécanismes de sa personnalité et de sa création : Saint Genet, comédien et martyr (premier volume des Œuvres complètes chez Gallimard) devient pour Genet un trop fidèle miroir dans lequel il se trouve piégé. En même temps que son œuvre est publiée « officiellement », et qu'il est, de ce fait, condamné à diverses reprises pour « attentat aux mœurs et pornographie », il délaisse alors la prose pour le théâtre. Il est joué par quelques-uns des plus grands metteurs en scène de l'époque. 5

Ainsi, Le Balcon, dont la première version date de 1956, est créé en anglais par Peter Zadek en 1957 ; Peter Brook crée la première version en français au théâtre du Gymnase, en 1960. Genet y donne, dans le lieu clos qu'est le bordel, une image sans fard de la société : l'évêque, le juge, le général, face à la révolution, se montrent tels qu'ils sont, des pantins, des rôles. Les Bonnes, inspirée très librement du fameux crime des sœurs Papin dans les années 1930, comportent aussi deux versions (1947, 1958), mises en scène par Louis Jouvet à l'Athénée en 1947, par Tania Balachova à la Huchette (1954), par le Living Theatre à Berlin (1965). Les Nègres (1958) est créé par Roger Blin, en 1959, au Théâtre de Lutèce. Les Paravents (publiée en 1961) est créée en allemand par Hans Lietzau à Berlin, puis mis en scène par Roger Blin au Théâtre de France en 1966, provoquant un énorme scandale dans une France encore traumatisée par la guerre d'Algérie. Trois « textes balises » : Comment jouer Le Balcon (1962), Comment jouer Les Bonnes (1963), Lettres à Roger Blin en marge des Paravents (1966) – apparaissent comme les textes théoriques majeurs du théâtre contemporain. Genet y analyse sa conception du théâtre comme métaphore vertigineuse de la vie et de la société : entre l'acteur, le comédien, le rôle qu'il joue et le spectateur, y a-t-il une autre vérité que celle du créateur ? Pour Les Nègres, il recommande aux acteurs noirs de jouer des blancs jouant à représenter des Noirs... seule façon de dénoncer la terrifiante comédie du colonialisme et du discours bien-pensant chargé de le légitimer. Les bonnes jouent à être madame terrorisant les bonnes... jusqu'à la révolte de celles-ci et au crime. Genet évolue ensuite vers une écriture encore plus directement engagée, intervenant par des articles de presse (sur le Vietnam en 1968, sur les Black Panthers américains, sur les immigrés en 1974, sur les massacres de Sabra et Chatila en 1982, qui déclenchèrent la rédaction de son dernier livre Un captif amoureux [posth. 1986]) et des conférences, prenant position en faveur des marginaux, des bannis, des opprimés. Solitaire et disponible, il se voulait sans autre adresse fixe que celle de l'éditeur de ses Œuvres complètes, malgré le Grand Prix national des Lettres qui le couronna en 1983. Ainsi, jusqu'à la fin, vit-il dans des chambres d'hôtel sordides, souvent près des gares, ne voyageant qu'avec une petite valise remplie de lettres de ses amis et de manuscrits. Le 15 avril 1986, rongé par un cancer de la gorge, l'écrivain fait une mauvaise chute la nuit dans une chambre d'hôtel parisienne et se tue. Jean Genet meurt comme il avait vécu, dans l'errance et la solitude. Il est enseveli au vieux cimetière espagnol de Larache au Maroc.

Argument de la pièce

Les Bonnes a été mise en scène par pour la première fois en avril 1947, Louis Jouvet et au Théâtre de présentée l'Athénée.

La pièce a été mal accueillie à sa création : la représentation n’a pas été applaudie et le metteur en scène s’est fait violemment critiquer. Ce ne sera pas la dernière fois : La Bataille des Paravents, pièce écrite en 1961 sur le thème de la guerre d’Algérie et représentée en 1966 au Théâtre de l’Odéon par la Compagnie Renaud-Barrault, restera dans l'histoire. Les deux bonnes sont Claire (la petite sœur, qui semble plus révoltée, excitée à l'idée de dominer son aînée dans le rôle d'assassine)

6

et Solange (l'aînée, qui paraît plus réservée, inquiète sur le comportement révolté de sa sœur, bien qu'elle y participe activement). Elles travaillent pour une riche femme avec qui elles entretiennent une relation assez floue. Les deux bonnes s’habillent même avec les robes de leur maîtresse nommée madame, lorsque les personnages mélangent leurs rôles. Ils perdent complètement leurs sens quand Claire joue le rôle de monsieur et Solange celui de madame dans une scène décrivant les ébats du couple. Un peu plus tôt, Claire (entendez l’action conjuguée Claire-Solange) avait rédigé une fausse lettre de dénonciation afin de faire emprisonner l'amant de madame (nommé monsieur). Les motivations des sœurs sont une vengeance, suite à une liaison entre monsieur et une bonne (il faut néanmoins préciser que monsieur est libéré, et qu'il donne rendez-vous à madame). Les deux sœurs tentent alors d’empoisonner madame en la faisant boire du tilleul, pour éviter de se faire démasquer, mais elle ne le boira finalement pas, malgré l'insistance de Claire. Lors de la scène finale, Claire joue le rôle de monsieur, et boit le tilleul empoisonné, mourant réellement, mais assassinant ainsi symboliquement sa maîtresse, après leur échec. En ce sens, la pièce exprime un malaise identitaire : Claire et Solange se sentent emprisonnées et réduites à leur condition sociale. On les considère comme de simples bonnes, et non pas comme de véritables êtres humains : les deux sœurs sont satisfaites de cela, particulièrement Solange qui le dénonce lors de son célèbre monologue, avant la scène finale clôturant le livre. Comme l'a bien précisé Jean Genet, la pièce n'est pas un plaidoyer pour les domestiques : il ne valorise dans son livre ni la bourgeoisie ni la domesticité. La pièce est, d’après l’auteur lui-même, destinée à établir un malaise chez le spectateur.

L’affaire des sœurs Papin

L'histoire serait inspirée d'un fait divers, les bonnes seraient en fait les Sœurs Papin bien que Jean Genet nie catégoriquement s'en être inspiré. Christine Papin (1905-1937) et Léa Papin (1911-2001), plus connues sous le nom des sœurs Papin, sont deux employées de maison, auteurs du double meurtre de leurs patronnes. Le 2 février 1933, la police du Mans découvre le cadavre de madame Lancelin et de sa fille, frappées à coups de marteau et de couteau. Très vite, Christine et Léa Papin, les deux bonnes au service des Lancelin avouent ce meurtre particulièrement odieux. Acte de folie ou tragique illustration de la lutte des classes ? Les deux bonnes étaientelles victimes de mauvais traitements ? Les enquêteurs ont cherché en vain à comprendre les motivations des deux sœurs. Ce fait divers tragique, qui deviendra « l'affaire Papin » avec le procès des domestiques « modèles », a éveillé l’intérêt de la France entière, des couches populaires aux milieux littéraires et intellectuels, parmi lesquels 7

les surréalistes qui sont fascinés par ce double meurtre et le jeune Jacques Lacan qui développe le thème de la psychose paranoïaque dans Motifs du crime paranoïaque : le double crime des sœurs Papin, réfutant la conclusion de l'expertise psychiatrique judiciaire. Cela dit, cet engouement s'est plus apparenté à une excitation généralisée, les uns exigeant la mise à mort, les autres niant la singularité de ce crime ou au contraire vantant sa valeur

...

Télécharger au format  txt (63.7 Kb)   pdf (425.8 Kb)   docx (33 Kb)  
Voir 41 pages de plus »
Uniquement disponible sur DissertationsEnLigne.com