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Introduction A La Poésie Moderne

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elle, revendiquée également par Alfred de Musset qui se vante d’avoir « donné à ce qu’on nommait la Muse, au lieu d’une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du cœur de l’homme, touchées et émues par les innombrables frissons de l’homme et de la nature ».

La recherche d’une expression neuve

Le poète doit créer une forme propre, originale (il n’est plus question d’imiter les auteurs de l’Antiquité), qui soit en elle-même expression du sentiment ou de la pensée. Même si les formes poétiques semblent rester les mêmes (le poème est toujours structuré en strophes avec des vers réguliers), les poètes de la seconde moitié du XIXè ne vont cesser de dénoncer les artifices de la versification. C’est ainsi que Rimbaud, dans une lettre à Paul Demeny, affirme que « musique et rimes sont jeux, délassement », très éloignés donc de « l’inouï » qu’il veut faire entendre au prix d’un « long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens ». Mais c’est Verlaine qui exprimera le mieux, dans son Art poétique la recherche d’une écriture qui invente sa propre forme :

Que ton vers soit la bonne aventure Eparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym … Et tout le reste est littérature. Paul Verlaine Art poétique |

Verlaine oppose donc à la littérature officielle, académique, dans un parallèle ironiquement souligné par la rime, « l’aventure ». Il est à noter que cette définition ne fait intervenir aucun terme technique référant à la versification, ou même à la langue. La poésie n’est plus que sensations. Verlaine pousse ainsi à l’extrême, et dans le sens de la subjectivité la plus individuelle, les bouleversements que les romantiques, notamment Hugo, avaient introduits dans l’écriture poétique : libération du vocabulaire (Hugo avait affirmé hautement dans « Réponse à un acte d’accusation » des Contemplations : « j’ai mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire »), suppression des différentes contraintes qui remontaient à Malherbe (rétablissement de la possibilité du hiatus, de l’enjambement et du rejet, …) ; libération du rythme poétique par l’emploi fréquent du trimètre (alexandrin coupé en 4/4/4) au lieu du tétramètre classique : deux hémistiches de deux mesures chacun 3/3 // 3/3.

II Le renouvellement des formes poétiques

Le poème en prose

Les attaques des romantiques contre le « vers métrique » (segment de phrase caractérisé par des contraintes de longueur, d’accentuation et de rime) ont logiquement conduit à une évolution extrême avec le « poème en prose », rendu célèbre par les Petits poèmes en prose de Baudelaire et repris par tous les grands poètes ultérieurs (Rimbaud, Mallarmé, et presque tous les poètes du XXe siècle) mais créé en 1842 par Aloysius Bertrand et son Gaspard de la nuit ou « Fantaisies à la manière de Rembrandt[7]t et de Callot[8] ». Dans ce recueil Aloysius Bertrand pratique une écriture allusive et suggestive, qui emprunte à la poésie - mais sans recourir à la rime- ses moyens prosodiques (effets de cadences, de rythmes, …), et toujours dans des textes courts. Cette dernière caractéristique permet de différencier le poème en prose de la prose poétique (utilisée par exemple par Rousseau ou Chateaubriand), caractérisant des passages particuliers appartenant à de plus vastes ensembles en prose. Baudelaire propose une définition du poème en prose montrant le lien qui existe avec l’ambition romantique d’une quête de l’intériorité :

Quel est celui d’entre nous qui n’a pas, dans les jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? (Préface) | |

Le poème en prose présente trois caractères majeurs : la brièveté, l’effet de clôture et la possibilité du détachement par rapport à soi (grâce à la prose et à l’introduction du récit, alors que la versification lyrique tend à renvoyer le poète à sa propre intériorité).

L’affaiblissement du vers métrique

Concurrencé par le poème en prose, le vers métrique s’affaiblit parallèlement en perdant sa structure cadencée héritée de l’époque classique. Le poète le plus représentatif de cette décomposition du vers métrique (accomplie sans violence mais minant de l’intérieur les formes versifiées) est Verlaine. En effet, alors que le décasyllabe place habituellement la césure selon le rythme 4/6 ou 6/4, Verlaine rétablit l’égalité des hémistiches mais en imposant l’acceptation de l’impair en césurant le vers en 5/5. Il va même plus loin en plaçant la césure selon un rythme totalement déséquilibré mais s’appuyant encore sur l’impair : 1/9 ou 9/1. A ce degré de désarticulation, la forme canonique[9] du vers métrique est menacée : l’organisation accentuelle n’est plus reconnaissable, de ce fait l’oreille ne peut plus attendre un canevas rythmique régulier et la perception du vers comme forme structurante tend alors à disparaître.

L’apparition du « vers libre »

L’affaiblissement du vers métrique conduit tout naturellement à l’apparition, à la même époque du « vers libre », très utilisé par Rimbaud dans ses Illuminations et par les symbolistes (Maeterlinck, Verhaeren), avant d’être repris par presque tous les grands poètes du XXe siècle. Il s’agit toujours d’un vers (segment d’expression) mais qui n’obéit plus aux trois caractères qui définissent habituellement le vers français : longueur déterminée, accentuation fixe et nécessité de la rime. Le vers libre correspond alors le plus souvent à une unité de sens et de souffle.

Le verset

Le vers libre prépare l’apparition du « verset » abondamment pratiqué par Claudel, chez lequel il hérite de son origine biblique qui en fait un prolongement du verbe[10] divin. Avec sa valeur originelle et fondatrice, il est un acte de parole, qui réengendre le monde dans le moment même où il est nommé. La pratique du verset permet d’entretenir une écriture pneumatique (terme affectionné par Claudel), c’est-à-dire qui mobilise les ressources du souffle. Le verset sera ainsi utilisé par les poètes d’inspiration religieuse ou cosmique[11] (comme Saint-John-Perse).

Exemple de verset claudélien :

Et toi entre toutes, pourvoyeuse, infatigable Thalie[12] ! Toi, tu ne demeures pas au logis ! Mais comme le chasseur dans la luzerne bleue Suit sans le voir son chien dans le fourrage, c’est ainsi qu’un petit frémissement dans l’herbe du monde A l’œil toujours préparé indique la quête que tu mènes ; Paul Claudel Cinq Grandes Odes |

La suppression de la ponctuation

La suppression de la ponctuation au début du XXe siècle consacre cette libération de l’écriture poétique. C’est ainsi qu’Apollinaire supprime toute ponctuation dans son recueil Alcools en 1913.

Rôle du lecteur et spatialisation du poème

La libération des formes poétiques a deux conséquences annexes mais déterminantes : l’importance donnée au lecteur et la spatialisation de l’écriture poétique, ce qui la place dans le voisinage des arts plastiques. L’absence de ponctuation, entre autres, oblige souvent le lecteur à opérer des choix syntaxiques afin de lever les ambiguïtés créées par des phrases dont les mots sont juxtaposés. D’autre part, la disposition graphique du poème acquiert une importance parfois essentielle : on peut ainsi penser aux Calligrammes d’Apollinaire mais aussi à tout jeu sur la disposition du texte dans la page (puisque, traditionnellement, chaque page ne peut comporter qu’un poème ; en poésie, le texte est une disposition de mots sur une surface blanche). On peut prendre comme exemple de l’importance accordée à la disposition des mots sur la page ce poème de Pierre Reverdy :

Sur chaque ardoise qui glissait du toit on avait écrit un poème La gouttière est bordée de diamants Les oiseaux les boivent Pierre Reverdy Les Ardoises du toit 1918 |

III Inspirations et finalités[13] de la poésie moderne

Intériorité et quête de l’essence

La poésie moderne repose sur une double vocation : explorer l’intériorité (sous des formes extrêmement variées) mais aussi trouver un sens au monde, en dévoiler le secret. Ce dernier aspect se retrouve chez les romantiques, et en particulier Victor Hugo, qui veut faire du poète un guide messianique[14] ; Mallarmé, pour sa part, tente de dévoiler l’essence des choses, d’abord grâce au traitement esthétique des choses puis en s’affrontant désespérément au néant de la réalité, ultime tentative qui aboutit à l’impasse du « coup de dés » qui « jamais/n’abolira/le hasard ». Enfin, André Breton définit en ces termes le projet surréaliste :

Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et

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