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Le Travail Et La Technique

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un usage raisonné de la technique plutôt qu’à une condamnation sans appel qu’il faut se livrer ?

L’homme et le travail

"Le salaire du travailleur ne dépasse guère sa consommation courante et ne lui assure pas le salaire du lendemain; tandis que le capitalisme trouve dans l'instrument produit par le travailleur un gage d'indépendance et de sécurité pour l'avenir." Proudhon, Qu'est-ce que la propriété ?

Hegel, dans sa célèbre dialectique du maître et de l’esclave, a exposé une conception du travail qui n’a plus dès lors cessé d’exercer son influence. C’est dans la relation de domination et de servitude que s’ancre cette conception. Pour Hegel, l’homme ne devient proprement humain que lorsqu’il obtient la reconnaissance d’un autre homme, c’est-à-dire lorsque la certitude subjective qu’il a de lui-même se mue en vérité objective. L’homme veut être reconnu en tant qu’homme, autrement dit il veut prouver à l’autre que pour la lui, la vie purement animale, la vie des besoins, n’est rien. C’est pourquoi il est prêt à risquer sa vie dans une lutte à mort pour la reconnaissance. Bien évidemment, si l’un des deux protagonistes meurt, plus aucune reconnaissance n’est possible. Hegel affirme que dans cette lutte (qui n’est pas pour Hegel une simple abstraction mais un véritable moment historique et philosophique), l’un des deux adversaires, devant l’angoisse de la mort, abandonne le combat prouvant qu’il tient plus à la vie animale qu’à son statut d’humain, tandis que l’autre maintient son mépris pour la vie. Le premier devient l’esclave, le second le maître. L’esclave est donc contraint de travailler pour le maître. On voit donc que dans un premier temps, le travail est indissociable de la domination. Mais, et là réside l’originalité de Hegel, si le travail n’était pas primordialement fait « au service d’un autre », alors il ne se distinguerait pas du désir animal qui consomme l’objet, qui vise la jouissance. Or, le produit du travail de l’esclave lui est refusé, en tant qu’il est destiné au maître. Ce produit acquiert donc une autonomie à l’égard de l’esclave et c’est justement cette autonomie qui va faire que l’esclave pourra se reconnaître dans le fruit de son travail, et par là se reconnaître dans ce qui lui est extérieur, passer de la certitude subjective à la vérité objective, devenir humain. Le travail pour Hegel est donc culture ou formation (selon le double sens du mot Bildung), c’est un processus d’émancipation qui provoquera la disparition de la domination du maître.

Venons-en à Marx. Celui-ci hérite de Hegel la conception selon laquelle l’histoire procède par résolution successive de contradictions, chaque résolution produisant une nouvelle contradiction. Mais il s’oppose à l’idéalisme de Hegel, selon lequel c’est l’Esprit (Geist) qui se réalise dans l’histoire. Marx va défend au contraire un matérialismese concentrant sur les conditions concrète d’existence de l’homme. Sa thèse initiale est que le propre de l’homme, par quoi il se distingue de l’animal, est son travail, celui-ci s’inscrivant tout en le déterminant au sein d’une organisation sociale (organisation qui est donc matérielle). La société est toujours (esclavage, féodalisme, capitalisme), selon Marx, structurée par une lutte des classes (forme première de la contradiction) opposant les propriétaires des moyens de production et ceux qui sont contraints de travailler physiquement. Dans le capitalisme, l’opposition se joue entre bourgeois et prolétaires. La bourgeoisie exploite le travail des ouvriers qui n’ont à vendre sur le marché que leur propre force de travail. C’est justement sur celle-ci, extorquée à l’ouvrier, que l’entreprise capitaliste réalise du profit, de la plus-value. Le travail est alors aliénation. L’enjeu de la révolution ouvrière va donc devenir de modifier en profondeur le système économique en supprimant la propriété privée des moyens de production. Ajoutons que pour toute une tradition marxiste, le travail sera le paradigme de l’action humaine. Lukacs dira ainsi que le travail est la forme ontologiquement originaire de l’activité humaine.

Travail et technique dans la Grèce antique

« La disposition à agir accompagnée de règle est différente de la disposition à produire accompagnée de règle. De là vient encore qu’elles ne sont pas une partie l’une de l’autre, car ni l’action n’est une production, ni la production une action. Et puisque l’architecture est un art, et est essentiellement une certaine disposition à produire, accompagnée de règle, et qu’il n’existe aucun art qui ne soit une disposition à produire accompagnée de règle, ni aucune disposition de ce genre qui ne soit un art, il y aura identité entre art et disposition à produire accompagnée de règle exacte »Aristote, Éthique à Nicomaque.

Nous n’avons pas pour le moment exposé la conception que les Grecs avaient du travail parce que celle-ci a occupé un rôle très marginal voire inexistant dans la réflexion moderne. On doit à Arendt d’avoir mis en valeur ce qui en faisait la spécificité et l’intérêt. Arendt affirme que pour les Grecs, le travail était objet de mépris dans la mesure où il soumettait l’homme à l’ordre de la nécessité de la matière et aux commandements d’autrui. À la différence de la pensée moderne, la pensée antique considérait le travail comme ce qui était commun à l’homme et à l’animal, et donc non proprement humain. C’est non pas parce que le travail était réalisé par des esclaves qu’il était méprisé mais au contraire c’est parce qu’il était considéré comme aliénant que les Grecs justifiaient l’esclavage. S’opposaient alors au travail, la pensée, la politique ou encore la culture physique. La démocratie supposait de s’échapper du travail pour s’adonner aux activités publiques, à la gestion de la cité ; il supposait donc le loisir.

Ceci nous conduit à présent à traiter de la conception grecque de la technique (tekhnê) et plus particulièrement celle d’Aristote. Pour celui-ci, il faut opposer les choses soumises à la nécessité naturelle, qui sont objets de science (ou philosophie), et les choses contingentes, « qui peuvent être autres qu’elles ne sont ». Parmi ces choses, il y a celles qui sont fabriquées et sont œuvres de l’activité de production (poïesis) et celles qui sont l’œuvre de l’action (praxis). Il n’y a aucun recoupement entre les unes et les autres bien que toutes puissent être dites des dispositions accompagnées de règle. L’activité production, autrement dit la technique, possède une fin qui se distingue de l’activité elle-même et qui met fin à celle-ci : par exemple, la construction d’un bateau ne vise pas cette construction elle-même mais son produit, le bateau ; celui-ci une fois terminé, l’activité n’a plus lieu d’être. L’action quant à elle a sa fin en elle-même (cette fin lui est immanente) et aucune réalisation ne met fin à l’action : par exemple, agir par générosité ne vise rien d’autre que cette générosité même et cette action perdure au-delà de ces réalisations partielles. Est manifeste ici encore la hiérarchie qui structure la pensée grecque, la technique, liée à la matière, étant surpassée de très loin par la pratique éthique et politique.

Le progrès technique et la maîtrise de la nature

« Les notions générales touchant à la physique (…) m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. » Descartes, Discours de la méthode.

Le développement sans précédent des sciences et techniques à l’orée de l’âge moderne va susciter de nombreuses réflexions philosophiques ; ce progrès promet à l’homme une amélioration considérable de ses conditions d’existence via une maîtrise exercée sur son environnement naturel. Descartes ne dit pas autre chose lorsqu’il envisage les possibilités ouvertes par la science moderne. Si c’est une loi absolue que nous devions rechercher tout ce qui procure le bien à l’homme, alors on ne peut dit-il négliger cette science nouvelle qu’est la physique galiléenne. En effet, celle-ci à la différence de la philosophie spéculative, offre une connaissance pratique de la nature, de telle manière que tout comme l’artisan emploie les matériaux en vue de la réalisation de son ouvrage, les hommes sont en mesure d’user des corps naturels pour se rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature ». L’enjeu ici n’est pas la production

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