Metamorphose De Jean, Rhinoceros

Il est remarquable que le langage de Jean va peu à peu se disloquer. Tout d’abord avec des problèmes syntaxiques (réplique 22 : « chaud, trop chaud ») où l’on remarque l’absence de déterminant et l’utilisation de l’infinitif.

Jean s’exprime le plus souvent en criant comme on peut le voir aux répliques 15, 18 et 24. Jean est marqué par des pulsions, « les marécages » à la réplique 24.

Les paroles de Jean deviennent de plus en plus incompréhensible, comme à la didascalie de la réplique 14 « d’une voix très rauque, difficilement compréhensible », de la réplique 21 « inouïs », ou de la réplique 22 « à peine distinctement.»

Béranger souligne l’intensité sonore avec à la réplique 1 « parler distinctement »

On retrouve d’ailleurs un crescendo sur le bruit.

3) Les éléments visuels

Les indications scéniques montrent que l’auteur veut donner des formes réalistes à Jean avec à la réplique 21 « Jean est devenue tout à fait vert. » et « La bosse de son front est presque devenue une corne de rhinocéros. ».

A la réplique 22, « Il fait tomber le pantalon de son pyjama » où par un simple geste, Jean se débarrasse de ses vêtements, donc de son humanité.

De plus, la gestuelle de Jean marque la perte des signes de la civilisation et exprime la sauvagerie en chargeant Béranger.

(Transition)

Ionesco utilise tous ces procédés pour la transformation de Jean mais aussi pour symboliser par opposition homme/rhinocéros et la civilisation/barbarie.

Cette transformation se fait à plusieurs niveaux.

II – La confrontation des deux personnages

1) L’opposition du discours

La rhétorique de Jean est marqué par le rejet de la civilisation humaine, comme le prouve la réplique 2 « démolissons tout cela » par un discours nihiliste (tout détruire), confirmée par les répliques 8 et 10.

Il condamne l’humanisme en le rejetant comme étant du passé comme le montre la réplique 12. Et il souligne qu’il adhère au système rhinocérique (réplique 16 et 20).

Jean adopte donc une position idéologique avec la défaite de la pensée et la défense de la barbarie.

Il retourne à la loi de la nature.

De l’autre Béranger qui a une idéologie différente. Il tente d’opposer l’animalité à la raison montré par la réplique 1 « Réfléchissez, voyons, vous vous rendez bien compte que nous avons une philosophie que ces animaux n’ont pas ». D’ailleurs, il rappelle la civilisation humaine et les valeurs de cette humanisation ainsi que le long cheminement avec par exemple à la réplique 9 : « l’être humain, l’humanisme ».

Béranger représente l’homme qui ne veut pas être animalisé.

Il se place sous le plan de l’amitié comme le souligne l’aparté à la réplique 29 : « Je ne peux tout de même pas le laisser comme cela, c’est mon ami ».

2) L’art du décalage

Le décalage né du fait que Béranger refuse que Jean va se transformer en rhinocéros, réplique 3 « Je ne vous prends pas au sérieux. », « vous faites de la poésie » et à la réplique 5 « Je ne savais pas que vous étiez poète ». C’est cette position qui va permettre le décalage.

Ionesco va jouer sur la double énonciation théâtrale, Béranger va utiliser le langage figuré comme à la réplique 15 « Perdez-vous la tête », ou à la réplique 21 « Je ne vous reconnais plus » et Jean le langage propre comme à la réplique 22 « Il fait tomber le pantalon de son pyjama ».

La communication devient impossible entre l’homme et le rhinocéros.

Béranger ne peut plus arriver à comprendre les phrases de son ami, marqué par les répliques 17 « Je ne comprends pas » et 25 « vous ne semblez plus m’entendre ! ».

La fracture entre les deux personnages devient donc irréductible.

Mais inversement, Jean comprend son ami comme le montre la réplique 26 « Je vous entends très bien ! Je vous vois très bien ! ». On retrouve donc un chiasme entre les répliques 25 et 26 : voir/entendre | entends/vois.

Il y a donc un personnage qui résonne et l’autre qui sent, un sur le plan moral et l’autre sur le plan physique.

En conclusion, on peut s’apercevoir qu’il y a une triple opposition