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La place de l'idéologie dans la logique totalitaire

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Par   •  6 Février 2018  •  Dissertation  •  2 923 Mots (12 Pages)  •  714 Vues

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La place de l’idéologie dans la logique totalitaire

Marx disait dans son ouvrage L’idéologie allemande que « les pensées de la classe dominante, sont aussi, a toutes les époques, les pensées dominantes ». Il présente alors le marxisme comme une science capable de remettre en cause cette « déformation intellectuelle de la réalité matérielle » qu’est « l’idéologie bourgeoise ». Il est ironique que par la suite, le marxisme soit devenu l’idéologie qui a soutenu le régime totalitaire de plus grande longévité de l’histoire. Nous observons alors un problème conceptuel. Il est difficile de définir ce qu’est une idéologie car elle cette définition sera toujours, selon Baechler « arbitraire ».

Dans cet exposé nous nous centrerons sur une définition étymologique, une idéologie est « la logique d’une idée », l’ensemble des suites logiques qu’implique la mise en place d’une idée de départ. L’idéologie comme concept a souvent été placée au centre de l’étude des régimes dits « totalitaires ». Totalitaires car ils mobilisaient l’ensemble de la société dans la formation de leur régime, l’Allemagne nazie et l’URSS marxiste-léniniste du XXe siècle. L’idéologie prend une forme totalement différente lorsqu’elle est impliquée dans la mise en place d’un régime totalitaire, et possède une dualité d’essence qui la rend totale. Cette dualité est remarquée par Raymond Aron dans son ouvrage Démocratie et totalitarismes. Elle est la finalité du régime totalitaire, c’est-à-dire un but qui nécessite des moyens pour y arriver, mais peut aussi être vue comme un moyen vers la mise en place et la perduration du régime.

Dans quelle mesure la dualité de l’idéologie en tant que moyen et fin lui donne-t-elle une place centrale dans la caractérisation et le fonctionnement d’un régime totalitaire ?

Nous étudierons tout d’abord, tout en définissant plus précisément une idéologie, dans quelle mesure celle-ci est un moyen mis en place pour atteindre plusieurs finalités. Puis, dans une deuxième partie, nous verrons qu’elle est aussi une finalité en elle-même, qui nécessite et justifie des moyens à sa mise en place.

  1. L’idéologie est un moyen vers plusieurs finalités

  1. L’idéologie est une loi inébranlable qui doit être respectée pour la mise en place d’une société meilleure
  • Dans son ouvrage Les origines du totalitarisme, Hannah Arendt donne une définition de l’idéologie à partir de l’étymologie du mot et de l’expérience totalitaire. Elle la définit alors comme la mise en place d’une prémisse – qui découle d’un raisonnement scientifique mais n’est pas scientifiquement démontrée – qui est alors placée en axiome d’une démonstration logique. Cette prémisse est l’idée, et sert d’instrument d’explication, par la logique qui en découle, de l’ensemble des évolutions historiques passées, présentes et futures. Elle « calcule » donc un devenir de l’histoire.
  • Nous utilisons ici l’exemple du nazisme, car il est moins complexe et développé que le marxisme, mais ceci est valable pour les deux. En s’appuyant sur les théories scientifiques vérifiées de l’évolution et de la sélection naturelle, le nazisme applique une prémisse non démontrée, l’idée : « L’histoire est déterminée par une lutte entre les races, celles qui ne sont pas assez fortes sont vouées à disparaître ». Un découlement logique de cet axiome serait « la race aryenne étant une race supérieure, elle doit détruire les autres races pour assurer sa suprématie ».
  • Lorsque l’idéologie calcule le devenir de l’histoire à partir de sa prémisse, elle visualise une société nouvelle, qui serait « meilleure ». L’apprentissage de l’idéologie à la population serait donc un moyen de lui faire connaître un devenir devenu « certain », et de lui faire prendre conscience de sa « supériorité scientifique », et sa « destinée ». Une fois que la population est prise dans la logique de l’idéologie, elle peut alors être mobilisée dans sa totalité pour la mise en place d’une société nouvelle.

L’idéologie est donc une prémisse dont la puissance logique permet de mobiliser une partie de la population dans la finalité de la mise en place d’un monde meilleur.

  • (De même ici, ceci est tout autant applicable au marxisme). Dans la continuité du découlement logique nazi, la « race aryenne » étant « supérieure », elle devrait prendre conscience de sa « supériorité », car un monde dominé par la « meilleure race » serait logiquement le meilleur monde possible. Par le biais du discours politique hitlérien, le but était de faire « prendre conscience » à la « race supérieure » de sa supposée supériorité.

L’idéologie est donc, dans sa définition et dans son utilisation par les deux régimes, un moyen de mobilisation par l’argumentation et la conviction d’une partie de la population, pour une finalité qui serait la mise en place d’une « société meilleure ». Mais pour remodeler la société, il faut accéder au pouvoir. L’idéologie est alors à nouveau un moyen d’accession et de maintien du pouvoir.

  1. L’idéologie est utilisée par un groupe pour accéder et se maintenir au pouvoir

  • Au-delà de la simple mobilisation d’une partie de la société, une idéologie totalitaire la soude, notamment par la mise en place d’un ennemi commun qui est montré du doigt. Il y a donc création d’une masse homogène.  En effet, en réunissant une grande partie de la population autour d’une pensée unique, elle crée un sentiment d’appartenance à un groupe, et donne pour mission à ce groupe la transformation de la société. Le fait d’avoir cette possibilité mobilisatrice d’un vaste groupe soudé lui permet de prendre le pouvoir, que ce soit par voie légale ou révolutionnaire. De cette façon, l’utilisation de l’idéologie par les dirigeants totalitaires est un moyen pour la mise en place du régime totalitaire, pour la prise de pouvoir.
  • En se basant sur les travaux de Houston Stewart Chamberlain, notamment Genèse du XIXe siècle, les dirigeants nazis identifient la race aryenne à l’ensemble des Allemands de racines chrétiennes, vaste majorité des Allemands. Ils les mobilisèrent en leur donnant pour mission la création d’un « monde parfait à leur image », les soudèrent en montrant du doigt des ennemis communs (surtout la religion juive). Ainsi, Hitler monta au pouvoir en Allemagne (dans un premier temps) par le biais d’élections législatives, grâce donc à une mobilisation massive en sa faveur. Il a utilisé l’idéologie pour mobiliser une majorité d’Allemands, ce qui lui a permis d’accéder au pouvoir
  • Une fois au pouvoir, les chefs – idéalistes mais pragmatiques – utilisent et modèlent l’idéologie en fonction de la conjoncture afin de se maintenir au pouvoir. En effet, leur légitimité à la tête de l’Etat totalitaire est très dépendante de leur rôle quasi-mystique de leadership. Ils sont les hommes qui doivent mener le groupe qu’ils ont créé vers la finalité qu’ils lui ont promis. Mais comme détenteurs de la vérité, ils peuvent la changer. Ils ont donc besoin de remodeler, voir faire légèrement varier l’idéologie au long de leur mainmise sur le pouvoir, pour s’assurer leur pérennité à la tête de l’Etat. Comme l’idéologie fonctionne de forme inverse, en partant de ce qui devrait être prouvé empiriquement, elle est facilement modelable. L’idéologie est ainsi un moyen pour les dirigeants de légitimer leur pérennité au pouvoir.
  • De par sa longévité, l’URSS a vécu de nombreuses interprétations différentes du marxisme au long de son histoire. C’est ce que Raymond Aron qui le soulève dans Démocratie et totalitarismes. Au sein de l’URSS, « le Parti, ou les quelques hommes qui le dirigent, se servent, selon les besoins, de telle ou telle formule doctrinale pour maintenir le pouvoir et créer une société dans laquelle ils occupent le premier rang […] ils se définissent par une combinaison de fanatisme doctrinal et d’extraordinaire flexibilité tactique ».

L’idéologie est donc un moyen de mise en place d’un régime totalitaire. Elle est utilisée par les idéologues pour créer une conjoncture qui les rende aptes à se hisser au pouvoir en s’appuyant sur le peuple, transformé en masse militante. Elle est ensuite utilisée et réinterprétée en fonction du contexte économique, politique et social pour assurer la pérennité au pouvoir des dirigeants. Mais le simple fait d’avoir un leader charismatique appuyé par une base militante ample ne fait pas d’un régime un régime totalitaire. En effet, de nombreux régimes autoritaires comme le franquisme en Espagne répondent, dans une certaine mesure, à cette caractérisation (voir distinction Linz). L’idéologie est essentielle dans ce régime dans la mesure où elle est aussi une finalité qui légitime par conséquent d’autres moyens.

  1. L’idéologie peut aussi avoir une place de finalité intrinsèque du régime et légitime par conséquent tous les moyens pour modeler la société à son image

  1. Le respect de l’idéologie devient essentiel pour sa propre mise en place et justifie tous les moyens de coercition mis en place
  • Dans une certaine mesure, l’idéologie et le régime à mettre en place sont confondus, on peut alors dire qu’elle est un moyen à sa propre finalité. En effet, l’idéologie débouche logiquement à la mise en place d’un régime nouveau, un régime qualifié de « parfait ». Il faut donc suivre l’idéologie au pied de la lettre pour pouvoir aspirer à atteindre cet idéal, un peu comme il faudrait suivre les dix commandements pour pouvoir aspirer à aller au paradis. C’est dans ce cadre que le remodèlement de la société à l’image de l’idéologie est revêtue d’un aspect mystique. Et comme dans le cadre de la religion au Moyen-Age, les opposants au système sont éliminés, et la « parole de Dieu » ou ici, « la nécessité de respect des règles idéologiques » servent de justificatif à l’instauration de moyens de terreur.
  • Nous pouvons en effet apprécier que la finalité que se propose le régime nazi est la mise en place de son idéologie sur la totalité du territoire européen, ou que la finalité du régime soviétique est la mise en place d’un régime international sans classes. La mise en place d’un régime en accord avec, et découlant de l’idéologie est donc le but du régime.
  • Ceci a une conséquence, et c’est la légitimation de tous les moyens de coercition. En effet l’idéologie ayant besoin de tous pour se mettre à l’œuvre, elle ne peut pas se permettre d’opposition politique, quelle qu’elle soit. De cette façon elle légitime le monopole de toutes les forces de coercition par l’Etat totalitaire et leur application arbitraire, dans la mesure où, comme celui-ci est basé sur l’idéologie, il a forcément raison. De plus, le caractère mystique de l’idéologie et l’implication des masses dans la mission de sa réalisation incite à la délation. Les relations d’amitié ou de confiance n’existent plus. Tout le monde doute de tout le monde. La terreur règne. (Nous pouvons même entrevoir une possibilité qu’une fois le processus lancé, l’idéologie comme moyen à sa propre finalité pourrait même devenir dans une certaine mesure autonome par rapport au leader).
  • L’idéologie comme finalité légitime alors la terreur policière et la délation. La terreur policière est « nécessaire » pour la mise en place de l’idéologie, car elle a besoin de faire une certaine unanimité dans le groupe qu’elle prétend mobiliser, et pour cela elle a besoin de « punir » les crimes qui ont été commis contre le régime. Mais la police n’a pas la possibilité de lutter contre toutes les possibles « conspirations contre le régime ». C’est pour cela que ces régimes poussent à la délation, et celle-ci a lieu dans des proportions excessives. En effet le régime fait ainsi d’une pierre deux coups en intégrant de plus en plus la population dans leur mission – celle de mettre en place l’idéologie coûte que coûte ; et en installant un environnement de peur dans lequel l’infraction de la loi idéologique est fortement dissuadée.
  • La terreur policière est très représentée par la Gestapo, dans de nombreux ouvrages sur l’occupation allemande en France, Un sac de billes de Joseph Joffo, par exemple. La délation, elle, est représentée en URSS par le personnage de Pavel Morozov, un jeune mouchard dont l’éloge a été fait une fois qu’il est mort dans les années 30.
  • L’idéologie comme finalité légitime aussi le monopole des moyens de propagande et de publicité par l’Etat totalitaire, tout comme la mise en place d’un contrôle de l’économie. Celui-ci a se doit d’informer la population de leur « mission », et pour cela, leur rappeler continuellement l’idéologie. Il doit aussi former les jeunes à cette mission. Tout cela dans le but d’avoir la société la plus apte possible à appliquer l’idéologie, et à s’éviter tout écart de la mission. C’est, dans une certaine mesure, la mise en place d’un lavage de cerveau dans la prévention de devoir utiliser des moyens de répression plus tard.
  • Sans doute la propagande de Goebbels et les jeunesses hitlériennes sont le meilleur exemple possible pour cet argument.
  1. L’idéologie devient, par son caractère véritable, universelle, et justifie ainsi une politique expansionniste violente
  • Nous avons vu que l’idéologie est tout d’abord basée sur des termes pseudo-scientifiques, ou en tout cas qui donnent l’impression de l’être. Nous avons aussi vu qu’elle se revêt d’un caractère mystique. L’idéologie est suivie par les sujets par certitude. Ils reçoivent une démonstration, certes bancale, mais ils y ajoutent une croyance en la validité totale de la démonstration. Cela implique que l’idéologie dit la vérité à tout moment. Comme élément véritable, il deviendrait donc universel.
  • Conclusion du Manifeste du Parti Communiste de Marx et Engels « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».
  • Par conséquent, la fin du processus logique de l’idéologie, comme finalité vraie et obligatoire du cours de l’histoire mondiale, doit être élargie au monde entier. Il y a donc la nécessité de mettre en place une politique d’expansion culturelle. Mais ce n’est pas suffisant. En effet, les idéologies totalitaires nécessitent, pour leur mise en application, la destruction de l’ennemi commun qui a été montré du doigt. C’est pour cela que ces régimes utilisent des moyens d’expansion violente pour la mise en place de l’idéologie.
  • Le rayonnement culturel de l’idéologie soviétique a été très fort, comme en témoignent les nombreux partis communistes en Europe au XXe siècle, tous membres de l’IO, et donc directement dépendants du Parti.
  • Besançon, dans Les origines intellectuels du léninisme met en évidence le caractère d’extermination de l’ennemi bourgeois qui est nécessaire à la mise en place de l’idéologie marxiste-léniniste. Il cite en effet Lénine : « Cacher aux masses la nécessité d’une guerre exterminatrice, sanglante et désespérée […] c’est se tromper soi-même et tromper le peuple. […]. La bourgeoisie est vaincue chez nous, mais elle n’est pas entièrement extirpée. ». Dans cette citation, Lénine pose en effet l’extermination violente de la bourgeoisie en tant que classe, dans la totalité du monde, pour éviter leur réapparition. Et ceci est pour lui le seul moyen vers l’application totale de l’idéologie marxiste, qui elle, est la finalité.

L’idéologie est définie par une dualité de nature. Elle est à la fois un moyen de mise en place d’un régime, par la légitimation du pouvoir et la possibilité de le maintenir qu’elle opère, et une finalité par la vision d’un monde futur, utopique qu’elle transmet. L’idéologie, comme le dit Besançon, préexiste aux totalitarismes. Mais elle en est l’élément central. Le régime totalitaire trouve sa logique dans l’idéologie, il existe grâce à elle. Dans cette mesure, elle est le moyen de mise en place du régime. Mais ceci peut être réalisé sans que le régime devienne pour autant totalitaire. C’est dans la dualité de nature de l’idéologie que le régime trouve son caractère le plus totalisant. Comme finalité intrinsèque, l’idéologie justifie et légitime un ensemble de mesures de répression et propagande, tout comme une politique expansionniste. Un régime de terreur, inébranlable dans sa légitimité, et appuyé par une grande base militante est alors mis en place. Et ceci est un régime totalitaire.

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