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Le Chat Noir, d'Edgard Poe

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prit possession de moi (y’a-t-il pire maladie que l’alcoolisme!) et à la longue, même Pluton, qui devenait vieux alors, ce qui le rendait un peu grincheux, même Pluton se mit à souffrir des effets de mon mauvais caractère.Une nuit, revenant chez moi, très soûl, de l’un de mes repaires en ville, j’imaginai que le chat évitait ma présence. Je l’attrapai, lorsque, effrayé par ma violence, il m’infligea une légère blessure sur la main avec ses dents. La furie d’un démon s’empara aussitôt de moi. Je ne me contrôlai plus. Mon âme originelle sembla, tout d’un coup, s’envoler de mon corps; et une cruauté diabolique et imbibée de gin fit trembler chaque fibre de mon corps. Je sortis mon canif de la poche de mon gilet, le dépliai, me saisis de la pauvre bête par la gorge, et délibérément je lui arrachai un oeil de ses yeux de son orbite! Je rougis, je brûle, je frissonne, tandis que je relate cette condamnable atrocité.

Lorsque, au matin, je repris mes esprits - quand le sommeil eut chassé les vapeurs d’une nuit de débauche - je ressentis une sensation mêlée d’horreur, de remords pour le crime dont je m’étais rendu coupable.

Peu à peu, le chat guérissait lentement. L’orbite de son oeil perdu présentait, il est vrai, un aspect effrayant, mais il ne semblait plus en souffrir. Il revint à la maison comme d’habitude, mais, comme il fallait s’y attendre, il fuyait à ma vue avec une extrême terreur. Il restait assez de mon vieux coeur, pour me sentir d’abord affligé par l’évidente antipathie que me témoignait la créature qui m’avait autant aimé auparavant. Mais ce sentiment fit bientôt place à l’irritation.

Puis vint, comme pour ma chute finale et irréversible, l’esprit de la PERVERSITE.

Un matin, de sang froid, je glissai une corde au cou du chat et le pendit à la branche d’un arbre. Je l’ai pendu parce que je savais qu’en agissant ainsi, je commettais un péché, un péché mortel.

La nuit du jour où cet acte cruel fut commis, je fus sorti de mon sommeil par le cri du feu. Les rideaux de mon lit étaient en feu. La maison entière flambait. C’est avec grande difficulté que ma femme, un domestique, et moi-même, nous fûyames de cet incendie. La destruction était totale. Toutes mes richesses sur terre furent détruites, et je m’abandonnai tout entier au désespoir.Les murs, à l’exception d’un seul, s’étaient écroulés. Cette exception consistait en une cloison, pas très épaisse, qui se tenait environ au milieu de la maison, et contre laquelle était appuyée la tête de mon lit. Autour de ce mur une foule dense s’était rassemblée, et beaucoup de personnes semblaient en examiner une portion particulière avec la plus fine et grande attention. Les mots « étrange! », « singulier! » et autres expressions similaires, excitèrent ma curiosité. Je m’approchai et vis, la silhouette d’un chat gigantesque. L’impression était rendue avec une précision vraiment extraordinaire. Il y avait une corde autour de l’animal.

Quand je vis cette apparition , car je ne pouvais pas la considérer autrement, mon émerveillement et ma terreur étaient extrême.

Bien que j’ai volontiers eu recours à ma raison, pour rendre compte de ces faits surprenants, ils n’en ont pas moins laissé une forte impression sur mon imagination. Pendant des mois je ne pus me débarrasser de l’image du chat. J’en vins au point de regretter la perte de l’animal, et de chercher autour de moi, parmi les lieux vils que je fréquentais alors habituellement, un autre animal de la même espèce, et plus ou moins de la même apparence, pour le remplacer.

Une nuit, tandis que j’étais assis, à moitié hébété, dans un antre plus qu’infâme, mon attention fut soudain attiré par un objet noir, reposant au sommet d’une de ces immenses barriques de Gin, ou de Rhum, qui constituaient le principal mobiler du lieu. Je regardais fixement le sommet de cette barrique depuis quelques minutes, et je fus surpris par le fait que je n’avais pas plus tôt aperçu l’objet qui se trouvait dessus. Je m’en approchai, et le touchai avec la main. C’était un chat noir, un très grand chat, largement aussi grand que Pluton, et lui ressemblant beaucoup excepté une chose. Pluton n’avait pas un poil blanc sur aucune partie de son corps; alors que ce chat avait une tache de blanc imprécise qui recouvrait presque toute sa poitrine.

Quand je le touchai, il se leva aussitôt, ronronna bruyamment, se frottant contre ma main, et eut l’air ravi de mon attention. Là se trouvait la créature que je recherchais. Je demandai tout de suite au propriétaire de l’acheter; mais celui-ci n’en demandait rien, il ne savait rien de lui et ne l’avait jamais vu.

Je continuai à le caresser et, quand je m’apprêtai à rentrer chez moi, l’animal manifesta l’envie de m’accompagner. Je lui permis de le faire et me baissais pour le caresser tout en avancant. Quand il arriva chez moi, il se laissa domestiquer tout de suite, et devin aussitôt un des animaux favoris de ma femme.

Pour ma part, je sentis bientôt naître en moi une aversion à son égard. Il se produisait exactement le contraire de ce que j’avais prévu; mais je ne sais pas coment ni pourquoi cela se produisait: son amour évident pour moi ne faisait que me dégoûter et m’ennuyer. Peu à peu, ces sentiments de dégoûts et d’ennui se transformèrent en une haine amère. J’évitais la créature; une certaine honte, ainsi que le souvenir de mon précédent acte de cruauté m’empêchèrent de me prendre à lui physiquement. pendant des semaines, je ne le frappai pas, ou en aucune sorte je ne l’agressai violemment; mais petit à petit, insensiblement, je me mis à ressentit pour lui un indicible mépris, et silencieusement, à fuir comme la peste son odieuse présence.

Ce qui ajoutait sans doute à ma haine de la bête, ce fut la découverte, alors que je rentrai chez moi un matin, qu’il lui manquait un oeil comme Pluton. Mais ce détail le rendait encore plus cher aux yeux de ma femme qui, comme je l’ai déjà dit, possédait, au plus haut ddegré, cette humanité de sentiment qui fut jadis mon trait distinctif, et la source de mes plaisirs les plus simples et les plus purs.Mais, contrairement à mon aversion pour ce chat, son penchant pour moi sembla grandir. Il suivit chacun de mes pas avec une opiniâtreté qu’il serait difficile de faire comprendre au lecteur. Quand je m’asseyais, il s’allongeait sous ma chaise, ou me couvrant de ses infâmes caresses. Si je me levais pour marcher il se mettait entre mes jambes, me faisant presque tomber, ou, plantant ses longues griffes acérés dans mon habit, ils grimpait sur ma poitrine. Lors de ces moments-là, bien que j’avais envie de le détruire d’un coup, je me retenais de le faire, en partie à cause du souvenir de mon crime précédent, mais surtout, il faut que je vous l’avoue, par peur absolue de la bête.

Cette peur n’était pas tout à fait une peur du diable; pourtant je serais bien en peine de la définir autrement. J’ai presuqe honte d’avouer (oui, dans ma cellule de prisonnier, j’ai presque honte d’avouer) que la terreur et l’horreur que l’animal m’inspirait, était amplifiée par une des chimères les plus simples qu’il fût possible de concevoir. Ma femme avait attiré mon attention, plus d’une fois, sur la marque de poils blancs dont j’ai parlée, et qui constituait la seule différence visible entre l’étrange bête et celle que j’avais détruite. Le lecteur se rappellera que cette marque, bien que large, était à l’origine très imprécise; mais, lentement, presuqe imperceptiblement, et que ma Raison rejeta longtemps comme pure imagination, celle-ci prit, à la longue, un contour de plus en plus net et précis. A présent elle représentait un objet que je n’ose nommer; ceci, surtout, que je haïssais, que je craignais, ce monstre dont je me serais débarassé si j’avais osé, c’était maintenant, vous dis-je, l’image hideuse, horrible de la POTENCE! Oh, terrible et lugubre machine de l’Horreur et du Crime, de l’Agonie et de la Mort!

Et alors j’étais vraiment misérable parmi les plus misérables de l’Humanité! Et une bête, dont j’avais détruit avec mépris le compagnon, une bête était pour moi, un homme façonné à l’image de Dieu, était la cause de tant de malheur intolérable! Hélas! ni le jour, ni la nuit, ne connus-je plus la bénédiction du Repos! Durant le jour, la créture ne me laissa plus de répit et durant la nuit, je me mis, chaque heure, à partir de rêves de frayeur indicible, à sentir le souffle chaud de la chose sur mon visage, et son poids énorme; un Cauchemar incarné dont je n’avais nul pouvoir de me libérer, pesant éternellement sur mon coeur!Sous la pression de tels tourments, la faible part du bien en moi succomba. Des pensées infernales devinrent mes seules compagnes, les pensées les plus sombres et les plus diaboliques. Mon humeur habituellement changeante se transforma en haine de toutes choses et de l’humanité entière; tandis que, des soudains, fréquents et incontrôlables accès de furie auxquels je m’abandonnai aveuglément, ma femme, sans se plaindre, était la la plus fréquente et la plus patiente victime.

Un jour elle m’accompagna, pour une course domestique, dans la cave du vieux bâtiment que notre pauvreté nous obligeait à habiter. Le chat me suivit sur les marches raides et en me renversant presque, me rendit fou de colère. Soulevant une hache, et oubliant, dans ma colère, la peur puérile qui avait jusqu’ici retenu ma main, je portai un coup à l’animal qui, bien sûr, aurait été instantanément

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