On ne badine pas avec l’amour, Musset
Analyse sectorielle : On ne badine pas avec l’amour, Musset. Rechercher de 54 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Armelle BARRET • 23 Mars 2025 • Analyse sectorielle • 2 373 Mots (10 Pages) • 41 Vues
Extrait analysé : On ne badine pas avec l’amour, Musset, acte I scène 2
Le baron (Perdican entre d’un côté, Camille de l’autre.)
Bonjour, mes enfants ; bonjour, ma chère Camille, mon cher Perdican ! embrassez-moi, et embrassez-vous.
Perdican
Bonjour, mon père, ma sœur bien-aimée ! Quel bonheur ! que je suis heureux !
Camille
Mon père et mon cousin, je vous salue.
Perdican
Comme te voilà grande, Camille ! et belle comme le jour.
Le Baron
Quand as-tu quitté Paris, Perdican ?
Perdican
Mercredi, je crois, ou mardi. Comme te voilà métamorphosée en femme ! Je suis donc un homme, moi ? Il me semble que c’est hier que je t’ai vue pas plus haute que cela.
Le Baron
Vous devez être fatigués ; la route est longue, et il fait chaud.
Perdican
Oh ! mon Dieu, non. Regardez donc, mon père, comme Camille est jolie !
Le Baron
Allons, Camille, embrasse ton cousin.
Camille
Excusez-moi.
Le Baron
Un compliment vaut un baiser ; embrasse-la, Perdican.
Perdican
Si ma cousine recule quand je lui tends la main, je vous dirai à mon tour : Excusez-moi ; l’amour peut voler un baiser, mais non pas l’amitié.
Camille
L’amitié ni l’amour ne doivent recevoir que ce qu’ils peuvent rendre.
Le Baron, à maître Bridaine.
Voilà un commencement de mauvais augure, hé ?
Maître Bridaine, au baron.
Trop de pudeur est sans doute un défaut ; mais le mariage lève bien des scrupules.
Le Baron, à maître Bridaine.
Je suis choqué, — blessé. — Cette réponse m’a déplu. — Excusez-moi ! Avez-vous vu qu’elle a fait mine de se signer ? — Venez ici, que je vous parle. — Cela m’est pénible au dernier point. Ce moment, qui devait m’être si doux, est complètement gâté. — Je suis vexé, piqué. — Diable ! voilà qui est fort mauvais.
Maître Bridaine
Dites-leur quelques mots ; les voilà qui se tournent le dos.
Le Baron
Eh bien ! mes enfants, à quoi pensez-vous donc ? Que fais-tu là, Camille, devant cette tapisserie ?
Camille, regardant un tableau.
Voilà un beau portrait, mon oncle ! N’est-ce pas une grand’tante à nous ?
Le Baron
Oui, mon enfant, c’est ta bisaïeule, — ou du moins la sœur de ton bisaïeul, — car la chère dame n’a jamais concouru, — pour sa part, je crois, autrement qu’en prières, — à l’accroissement de la famille. C’était, ma foi, une sainte femme.
Camille
Oh ! oui, une sainte ! c’est ma grand’tante Isabelle. Comme ce costume religieux lui va bien !
Le Baron
Et toi, Perdican, que fais-tu là devant ce pot de fleurs ?
Perdican
Voilà une fleur charmante, mon père. C’est un héliotrope.
Le Baron
Te moques-tu ? elle est grosse comme une mouche.
Perdican
Cette petite fleur grosse comme une mouche a bien son prix.
Maître Bridaine
Sans doute ! le docteur a raison. Demandez-lui à quel sexe, à quelle classe elle appartient, de quels éléments elle se forme, d’où lui viennent sa sève et sa couleur ; il vous ravira en extase en vous détaillant les phénomènes de ce brin d’herbe, depuis la racine jusqu’à la fleur.
Perdican
Je n’en sais pas si long, mon révérend. Je trouve qu’elle sent bon, voilà tout.
Texte 5 On ne badine pas avec l’amour Ac 1 Sc 2
Introduction
Appartenant au genre littéraire du drame romantique, la pièce de théâtre d’Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, est publiée en 1834. Elle ne fut jouée qu’en 1861 à la Comédie Française, soit quatre ans après la mort du dramaturge.
Le premier acte marque les retrouvailles entre Perdican et Camille, deux cousins qui ont vécu, ensemble, enfants, au château puis ont été séparés et ont suivi une éducation différente.
Conformément aux vœux de la mère de Camille énoncés dans son testament, le Baron, père de Perdican, souhaite marier les jeunes gens.
Maître Blazius, le précepteur de Perdican, et Bridaine, le curé du village doivent mettre ce mariage en œuvre.
La scène 2 de l’Acte I fait partie de la scène d’exposition.
Problématique
En quoi cette scène d’exposition révèle-t-elle des informations essentielles sur le caractère des personnages, l’intrigue qui va se nouer et le genre de la pièce de théâtre ?
Plan linéaire
Dans un premier temps, nous analyserons comment ces retrouvailles intimes en public sont décevantes.
Dans un deuxième temps, nous mettrons en lumière le refus de Camille et ses effets sur le Baron. Enfin, dans un dernier temps, nous montrerons que les deux jeunes gens sont diamétralement opposés.
I – Des retrouvailles décevantes
De « Perdican entre d’un côté, Camille de l’autre » jusqu’à « Excusez-moi »
1) L’extrait commence par une didascalie: Perdican et Camille entre en scène de part et d’autre. Le texte nous suggère donc déjà une opposition éventuelle.
2) le Baron les accueil avec affection, on le voit dans l’utilisation des expressions hypocoristiques («mes enfants», «ma chère Camille», «mon cher Perdican») et son enthousiasme est souligné par l’utilisation de l’impératif présent («embrassez moi, et embrassez vous»).
3) mais les réponses de Camille et Perdican sont aux antipodes.
Ainsi si Perdican est enthousiaste: on le voit avec la ponctuation expressive et la tournure exclamative «que je suis heureux» , et l’utilisation des phrases nominales «Bonjour, mon père, ma sœur bien-aimée! Quel bonheur!» traduisent sa spontanéité et sa joie sincère.
Mais la réponse de Camille est plus sèche et convenue, sans sentiments «Mon père et mon cousin, je vous salue».
Perdican clame son admiration pour sa cousine toujours avec de a ponctuation expressive et la tournure exclamative «Regardez donc, mon père, comme Camille est jolie ! » .
Son enthousiasme est tel qu’il ne répond que très brièvement aux questions du Baron (« Mercredi, je crois, ou mardi », « Oh ! mon Dieu, non ») qui ne se préoccupe que d’informations factuelles (une date de retour, un long trajet, la chaleur) pendant que lui Perdican n’a d’yeux que pour Camille.
Ces retrouvailles lui font redécouvrir sa cousine et son émotion est palpable (« Comme te voilà métamorphosée en femme ! Je suis donc un homme, moi ? »)
On peut même voir sa surprise avec l’utilisation de tournures exclamatives (« Regardez donc, mon père, comme Camille est jolie ! » )
La remarque « que c’est hier que je t’ai vue pas plus haute que cela » nous permet de prendre la mesure du changement : les jeunes gens se sont quittés enfants et se retrouvent adultes.
À l’enthousiasme de Perdican et du Baron Camille reste silencieuse. Le premier mouvement s’achève donc sur un déséquilibre d’émotions entre les personnages au point que Camille n’obéit pas à l’invitation du Baron d’embrasser Perdican. Elle répond « Excusez-moi », comme pour échapper à ce baiser et affirmer son choix.
II – Le refus de Camille
De « Un compliment vaut un baiser » à « les voilà qui se tournent le dos. »
Le deuxième mouvement commence avec la Baron qui tente de dédramatiser la situation et de rapprocher Camille et Perdican en utilisant une pirouette «Un compliment vaut un baiser».
Il utilise même l’impératif pour les rapprocher : « Embrasse-la, Perdican.»
Pour ne pas brusquer Camille, Perdican se sert d’un syllogisme pour envisager d’abord une relation amicale : « Si ma cousine recule quand je lui tends la main (première partie du syllogisme), je vous dirai à mon tour : Excusez-moi (deuxième partie); l’amour peut voler un baiser, mais non pas l’amitié (troisième partie) ».
Camille demeure toutefois inflexible comme en témoigne l’adage énoncé au présent de vérité générale, « L’amitié ni l’amour ne doivent recevoir que ce qu’ils peuvent rendre ». La double négation (l’amitié ni l’amour) et le vocabulaire lié au devoir (devoir, rendre) permettent à Camille de refuser un baiser, quelle qu’en soit la raison. Et en utilisant le présent de vérité générale Camille ne laisse transparaître aucune émotion car le propos vise une portée universelle.
L’échange qui s’ensuit entre le Baron et maître Bridaine constitue un aparté. Le premier s’inquiète de ce refus par l’interrogation nominale : « Voilà un commencement de mauvais augure, hé ? ». Mais le curé apparaît plus optimiste : s’il convient que « trop de pudeur est sans doute un défaut », il exprime toute sa confiance dans le sacrement du mariage pour gommer les différences «Le mariage lève bien des scrupules».
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