Albert Camus - L'Etranger (Demande En Mariage)
Documents Gratuits : Albert Camus - L'Etranger (Demande En Mariage). Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoirese subordonnées que celles impliquées par le style indirect. La coordination domine, c'est-à-dire qu'il n'y a ni construction, ni explication, ni hiérarchisation des contenus, comme s'il n'y avait pas de conscience à l'origine de ses phrases. Le vocabulaire est neutre et exprime des généralités. Meursault n'emploie qu'un substantif, surtout des pronoms, des adverbes élémentaires comme « oui », « non », « naturellement », des verbes passe-partout comme « faire », « vouloir » : aucune marque de l'affectivité du narrateur, aucun terme dont la coloration pourrait suggérer de sa part une prise de position. De plus, ce dialogue multiplie les verbes qui évoquent la parole : « a demandé » (l. 1), « ai dit » (l. 2), « ai répondu » (l. 3), « a-t-elle dit » (l. 6), « ai expliqué » (l. 6), « demandais », « dire », (l. 8), « a observé » (l. 8), « ai répondu », (l. 9), « a parlé » (l. 10), « ai dit » (l. 13), « s’est demandé » (l. 13), « a murmuré » (l. 15), « a déclaré » (l. 18), « ai répondu » (l. 19).
B)
Ces brèves répliques dites par Meursault sont rapportées directement et se détachent ainsi du flux dialogué, mettant ainsi en valeur l’étrangeté du personnage principal mais aussi une sorte d'indécision de sa part: « Pourquoi m’épouser alors ? » (l. 5), « Non » (l. 9), « Naturellement » (l. 13). La première question souligne ce que l’attitude de Meursault a de paradoxal tandis que les deux réponses de Meursault remettent en cause la valeur traditionnellement accordée au mariage. Meursault se montre parfaitement cohérent : c’est parce que le mariage n’est pas « une chose grave » qu’on peut « naturellement » se marier avec l’une ou l’autre : « ... cela m'était égal... », une expression clé du personnage. Les choses, les êtres, sont interchangeables : « ... la même proposition venant d'une autre femme... ». Cette indifférenciation conduit à la passivité. C'est Marie qui prend l'initiative (elle pose les questions, elle agit), alors que Meursault se contente de répondre, d'accepter le mariage, parce qu'elle le veut. Ceci a un côté provocateur de la part de Meursault, mais est révélateur de ce que est Meursault. En fait, les conditionnels marquent que Meursault veut lui faire plaisir, c'est pourquoi il s'en remet à la volonté de Marie. L'indifférence de Meursault est profonde, on le voit bien dans ses réponses.
La négation : Meursault est un personnage dessiné négativement ; on ne connaît de lui que son indifférence aux jugements de valeur, exprimée sous une forme toujours négative : « cela ne signifiait rien », « sans doute je ne l'aimais pas », « cela n'avait aucune importance »... Meursault rejette tout dans le néant : le mariage, l'amour, les différences, alors que pour Marie le mariage est un engagement, une preuve d'amour, et non une formalité. Le mariage est un ancrage social : on signifie quelque chose à la société.
Le narrateur : malgré le je qui devrait permettre l'exploration de l'intimité, Meursault narrateur tient à distance Meursault héros, comme s'il s'agissait d'une autre personne : paradoxalement, le lecteur est dérouté par l'opacité du héros dont la vie intérieure reste secrète.
Le dialogue est ponctué par trois silences de valeur différente. Le premier marque la surprise de Marie devant le « non » par lequel Meursault refuse d’accorder la moindre valeur au mariage. Le second silence de Marie accuse une incertitude plus inquiétante : Meursault par son « non » refuse l’institution du mariage mais en acceptant d’épouser « naturellement » quelqu’un qui jouerait dans sa vie le même rôle que Marie, il remet en cause la singularité du lien amoureux. Le silence est le temps par lequel Marie prend la mesure de la singularité de Meursault : est-ce le mariage, est-ce l’amour même auquel il resterait étranger ? Le dernier silence, celui de Meursault, diffère des précédents puisque Meursault se tait non parce qu’il réfléchit comme Marie, mais parce qu’il n’a « rien à ajouter ». Pourtant ce n’est pas là sécheresse ou pauvreté. Ce laconisme s’accorde à ce personnage qui refuse les lieux communs, les idées toutes faites, les paroles convenues.
Le monde et les croyances de Marie sont réduits à néant par Meursault. Elle ne le comprend pas, il est bizarre. L'incommunicabilité conduit au silence, omniprésent dans le texte : « elle s'est tue et m'a regardé en silence ». C'est lui qui l'emporte sur la parole frappée d'inanité. Au début et à la fin, la demande en mariage est présente : « voulais me marier » / « voulait se marier ». Au fond, les réponses de Meursault n'ont rien changé à sa détermination. Marie est lucide sur l'avenir possible mais ceci ne l'empêche pas de le demander en mariage : Meursault refuse de faire un projet par son indifférence, Marie a un projet de vie personnel que Meursault refuse de construire par lui-même. C'est un des traits de l'homme moderne que veut désigner Camus. Il a de la peine à s'engager à cause de l'absurdité de la vie, il est privé de repères, il n'a pas d'avenir quelque part, comme si il n'avait plus de racines, il ne se connaît pas lui-même. Marie oblige Meursault à se définir, au point qu'elle-même se pose des questions. Mais Meursault est tout de même sincère, il est lui-même et il ne la ménage pas dans ses sentiments. Il est comme il est, il refuse les conventions sociales quelque part.
Mais le silence ne traduit l'incommunicabilité que sur le plan de la parole. Il y a un accord possible quand Marie renonce à comprendre (Meursault, lui, n'éprouve pas le besoin de parler, il ne fait que répondre aux questions et au monde).
Marie fait du mariage l’union qui couronne l’amour : elle lie le mariage à l’amour et ne comprend pas qu’on puisse se marier sans être amoureux. L’autre conception, sans doute défendue par Meursault, fait du mariage un rite sans valeur précise, parfaitement indifférent. Marie semble accepter cette conception à la fin de la scène mais au geste qu’elle fait, elle lui prend le bras en souriant, on voit bien que c’est parce qu’elle est heureuse de vivre avec lui qu’elle veut l’épouser.
Mais à cela Meursault reste stoïque et revêt un comportement étrange caractérisé par le terme « bizarre » marque l’étonnement de Marie face à la position adoptée par Meursault. La définition du terme bizarre marque ce qui s’écarte du goût, des usages reçus . Le mot est murmuré par Marie qui cherche à saisir la singularité de son amant sans réussir à préciser cette impression : la bizarrerie peut être aussi bien séduisante que repoussante. C’est par ce terme que Marie s’approche de ce qui fait l’étrangeté de Meursault qui reste à l’écart des institutions sociales (funérailles, mariage) qui ne sont pour lui que des rites artificiels auxquels il n’adhère pas. Mais ce refus n’est pas justifié par
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