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Mémoires Gratuits : Xchjk. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresutrement dit, le doute naît-il d’un renoncement à la vérité ?
Tel est assurément la situation du « sceptique grossier » critiqué par Hume dans ses « Dialogues sur la religion naturelle » : le sceptique grossier doute de tout « ce qu’il ne comprend pas aisément » et « de tout ce qui, pour être prouvé et établi, demande un raisonnement élaboré ». Ce type de personnage doute, c’est évident ; c’est à dire que son esprit est dans un état où il « se pose la question de savoir si une énonciation est vraie ou fausse, et qu’il n’y répond pas actuellement » (Lalande). Mais si l’on se re-penche sur la phrase de Hume, on voit que le doute revêt ici une forme assez particulière : un tel personnage doute à la fois « parce qu’il ne peut réussir » à la question qu’il s’est posée et « parce qu’il y a renoncé » (Lalande). C’est donc un doute hybride qui naît d’un sentiment d’impuissance et d’une paresse intellectuelle, et découle d’un renoncement à la connaissance, autrement dit, à la vérité.
Tel semble aussi être le cas, dans un tout autre ordre d’idées, des révisionnistes. Non que comme les précédents, ils n’aient pas le courage de chercher à atteindre la vérité ; non, ce qui leur manque à eux, c’est au contraire, le courage d’affronter la vérité, qu’ils jugent blessante, inacceptable. C’est pourquoi ils proposent de réviser les théories prouvant l’existence des camps d’extermination et que nous suspendions notre jugement à ce sujet. Or, qu’est-ce que suspendre son jugement, sinon douter ? Les révisionnistes préfèrent douter, ils préconisent le doute et doutent eux-mêmes. Par refus de la vérité. Contrairement aux apparences, une telle position n’est pas très éloignée d’un renoncement à la vérité. C’est même, pourrait-on dire un très bon exemple de renoncement à la vérité, l’étymologie du verbe « renoncer » parle d’elle-même : du latin renuntiare, renvoyer, autrement dit, refuser.
Le fait que le doute découle d’un renoncement à la vérité semble vérifié. Mais qu’en est-il maintenant de l’opération inverse ?
L’action de renoncer à la vérité découle-t-elle de celle du doute ? Autrement dit, le renoncement à la vérité naît-il du doute ? Il n’est besoin que d’imaginer quelqu’un raisonner de la sorte pour saisir combien la situation serait illogique ; on en arriverait à des raisonnements de ce type : »je décide de douter. C’est pourquoi je vais me mettre à renoncer à la vérité ». Absurde.
Le doute ne peut donc pas être à l’origine d’un renoncement de la vérité. De cette certitude , on déduit que la relation entre l’action de douter et celle de renoncer à la vérité ne peut être définie par la réciprocité. Ainsi, la question « douter, est-ce renoncer à la vérité ? » admet avec cette acception du verbe être une réponse négative.
Mais si l’étude séparée ces deux situations nous amène à rejeter l’hypothèse de la réciprocité, elle met l’accent entre l’action de douter et celle de renoncer à la vérité, sur un autre type de relation : le doute découlerait nécessairement d’un renoncement à la vérité, autrement dit, le renoncement à la vérité impliquerait le doute. Cette hypothèse, il s’agit maintenant de la tester.
La question « douter, est-ce renoncer à la vérité pose dans un deuxième temps le problème de l’implication : le fait de douter est-il impliqué par celui de renoncer à la vérité ?
Le verbe être, quand il est employé au sens relatif, peut également signifier entre le sujet et le prédicat une relation d’implication, c’est à dire que le second est la conséquence nécessaire du premier. Autrement dit, ici, le fait de douter est-il généré par celui de renoncer à la vérité ?
A cette étape de la réflexion, on serait tenté de répondre « oui ». En effet, on a découvert, en étudiant le problème de la réciprocité, deux situations très différentes où cette implication est pourtant également bien vérifiée, ce qui laisse penser qu’elle est toujours vraie. Mais ne faisons pas d’un cas particulier un cas général ; avant d’avancer quoique que ce soit, il convient d’examiner si on peut opposer à ces deux « preuves » des contre-exemples.
Force nous est de reconnaître que le cas de Descartes constitue en la matière un contre-exemple magistral. Chez lui en effet, le doute naît d’un besoin de connaissances certaines, indubitables : il met en doute toutes les idées qu’il a reçues pour faire table rase, puis examiner une à une leur véracité, de sorte qu’il aura reconnu par lui-même leur fausseté ou leur justesse. Ces idées, ainsi démontrées, sont devenues des connaissances. On voit donc que chez Descartes, c’est la recherche de la vérité qui engendre le doute, et non pas le renoncement.
Cependant, il convient de préciser quelque chose : Descartes a une façon très particulière de douter, tellement particulière d’ailleurs qu’elle fait l’objet d’un article spécial dans le dictionnaire sous le titre de « doute méthodique ». Le doute cartésien, en effet, est une méthode, une attitude mentale temporaire qui permet de se libérer de ses idées reçues et qui vise à aboutir à des connaissances indubitables. C’est un doute artificiel, et on pourrait même dire, un faux doute. C’est pourquoi il paraît nécessaire, avant de conclure, d’après le cas de Descartes, à la fausseté de l’implication testée, d’étudier une même situation philosophique de doute, où le doute serait cette fois véritable.
Quand le doute est véritable, l’implication testée est-elle vraie ? Le doute naît-il dans ce cas d’un renoncement à la vérité ?
Prenons en exemple le cas de Locke, qui remplit la condition initiale : à la différence de Descartes, Locke doute vraiment, il se méfie des raisonnements qui s’attaquent à des problèmes qui dépassent l’homme : il doute des « grandes vérités » que l’homme croit découvrir. Locke ne fait confiance qu’à l’expérience et le doute est pour lui un rempart contre le dogmatisme. C’est donc par refus de « fausses grandes vérités » que Locke doute et non pas par renoncement à la vérité.
Cependant, il est vrai que l’on peut formuler à ce propos une objection : y a-t-il plusieurs vérités ? Y a-t-il des vérités simples, accessibles à l’homme d’une part, et d’autre part des vérités complexes qui le transcendent ? Peut-on faire une distinction entre renoncer aux vérités complexes et renonce à la vérité générale ? Dans le cas présent, ces questions importent peu. En effet, ce qu’il faut prendre en considération c’est le fait que quand Locke croit à la vérité de l’expérience, aux vérités simple, ce n’est pas « par défaut » ; c’est parce que cette forme de vérité est la seule qui, à ses yeux, ait de la valeur car elle présente un intérêt dans la vie pratique : pour Locke, la vraie philosophie est utile.
Si le cas de Locke fournit ainsi un deuxième contre-exemple à l’hypothèse ou l’implication, il faut cependant reconnaître que la situation est plus complexe ; il semblerait donc que moins le doute ressemble à une méthode (autrement dit, plus il est « véritable »), plus la situation est délicate. Que se passe-t-il alors quand le doute est absolu ? Quel rapport y a-t-il alors entre douter et renoncer à la vérité ? Peut-on alors considérer le doute comme un renoncement à la vérité ? Ces questions renvoient au problème de la définition du doute.
La question « douter, est-ce renoncer à la vérité ? » pose enfin le problème de la définition : le doute absolu peut-il être défini comme un renoncement à la vérité ?
Le verbe être, employé au sens relatif, peut-on enfin signifier le caractère identique du sujet et du prédicat, c’est à dire qu’ils sont tous deux rigoureusement synonymes. Autrement dit, ici, le doute absolu se définit-il comme un renoncement à la vérité ?
Pour répondre à cette question, on étudiera un exemple de philosophie où le doute est absolu, et on verra si le doute peut s’y définir comme un renoncement à la vérité.
Le cas de Hume remplit la condition initiale : Hume est le partisan d’un scepticisme absolu, il pense qu’il n’y a, dans notre monde, rien de certain, que du probable, ce qui ne veut pourtant pas dire qu’il renonce à la vérité.
Ce qui est curieux chez Hume, c’est que plus il recherche la vérité, plus il doute : le doute, le doute, chez lui, naît d’une réflexion profonde, incessante, qui s’accroît toujours « quand (il porte) plus avant (sa) réflexion » (Hume, Enquête sur l’entendement humain). On voit donc que ce doute humain ne peut en aucun cas être défini comme un renoncement à la vérité, il est au contraire une recherche incessante de la vérité. Ainsi, la question « douter, est-ce renoncer à la vérité ? » admet avec cette acception du verbe être une réponse négative. Mais… qu’est-ce alors que le doute ?
On en arrive à ce paradoxe que le doute, c’est la vérité, en ce sens que le vrai doute est ce qui s’en approche le plus. Pour Hume, la vérité a besoin de l’humilité. C’est en ne la fixant pas à travers un jugement qu’on y parvient. Le doute humain est une approche par asymptote de la vérité. Donc, plus on s’implique dans le doute, lorsque le doute cesse d’être une méthode
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