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Turquie, une puissance au Moyen Orient?

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Par   •  1 Mai 2017  •  Dissertation  •  3 703 Mots (15 Pages)  •  1 480 Vues

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La Turquie, une puissance au Moyen Orient ?

Introduction. La Turquie est un pays de 780 000 km2, peuplé d’environ 70 millions d’habitants, qui joue un rôle de puissance régionale en Asie occidentale. La Turquie attire également l’attention des puissances extérieures à la zone, car elle est une clef géopolitique, à la fois régionale et mondiale. Toutefois, son image politique et géopolitique est un peu brouillée : à la fois asiatique et européenne, laïque mais travaillée par l’islamisme, démocratique mais autoritaire. La Turquie a récemment emprunté une trajectoire politique singulière qui a porté au pouvoir des islamistes « modérés » en 2002. Cette nation, à la fois récente et héritière d’un empire puissant et séculaire, entretient avec l’Occident en général et l’Europe en particulier des relations étroites mais non dénuées d’ambiguïtés. Elle regarde depuis longtemps l’Occident auquel elle entend lier son avenir. Mais, déçue par les atermoiements de l’Europe, ne peut-elle se tourner définitivement vers l’islamisme sur le plan politique et l’alliance avec les pays d’Asie turcophone (« touranisme ») sur le plan diplomatique ?

I. Un jeune Etat-nation, né des décombres de l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale

A. Mort de l’Empire ottoman, naissance de la Turquie moderne

• L’empire Ottoman est au XIXème siècle l’ « homme malade de l’Europe » pour reprendre la formule du tsar Nicolas Ier, livré à l’appétit des Européens et des Russes qui veulent un accès aux mers chaudes. Le processus de démembrement de l’empire se poursuit après les premiers empiètements russes (Crimée et Littoral de la mer Noire en 1792) et français (Napoléon en Egypte en 1798). Après la guerre d’indépendance grecque (1822-1829) qui voit l’intervention armée conjointe des puissances occidentales pour la première fois dans la région, l’empire Ottoman cède de nouveaux territoires aux Russes (accès aux bouches du Danude), reconnaît l’autonomie de la Serbie et des principautés danubiennes (future Roumanie) et se trouve aux prises avec la révolte de l’Egypte de Méhémet Ali, qui défait les armées turques et menace Istanbul. Sans l’intervention militaire russe et l’intervention diplomatique britannique, la Turquie ottomane aurait peut-être disparu alors.

• La « question d’Orient » reste durablement au coeur des relations diplomatiques avec la guerre de Crimée (1854/56) au cours de laquelle Anglais et Français aident les Turcs contre la Russie qui, perdante, doit reconnaître l’intégrité du territoire turc et sa souveraineté. La Turquie ottomane est alors réintégrée dans le concert des puissances mais sous la pleine tutelle européenne. Le Liban passe sous tutelle française après les massacres des chrétiens par les Druzes qui obligent les armées de Napoléon III à intervenir (1864). La Russie intervient pour soutenir la révolte des Slaves du Sud (Bosniaques, Serbes, Monténégrins et Bulgares) contre Istanbul (1876-1877) et tente d’imposer un nouveau découpage frontalier à son avantage que les Européens refusent : le traité de Berlin (juin/juillet 1878) sauve l’existence de l’empire ottoman, mais amputé de nombreux territoires dans les Balkans Serbie, Monténégro et Roumaine indépendantes, la Grèce récupère la Thessalie et l’Epire, l’Autriche occupe militairement la Bosnie-Herzégovine, la Russie obtient la Bessarabie.

• A la fin du XIXème siècle, l’économie turque passe sous tutelle européenne du fait des problèmes de la dette extérieure : les monopoles du sel, du tabac, des timbres, les taxes douanières, les taxes sur la soie et l’alcool sont transférés aux Anglais et Français. Les Allemands obtiennent de vastes concessions pour construire le chemin de fer Bagdadbahn, de Berlin à Bagdad via Istanbul (1902). Durant la Première Guerre mondiale Istanbul s’allie à l’Axe. Une répression terrible s’abat à partir de 1915 sur la révolte arménienne, faisant environ 1,5 millions de victimes en quatre ans (question du génocide). Après la défaite allemande, le sultan Mehmet VI accepte le démembrement de l’Empire ottoman (traité de Sèvres) par les Alliés. Le traité prévoit la création d’un Kurdistan autonome dans l’Est de l’Anatolie. Cette disposition reste lettre morte et les premières révoltes kurdes éclatent dans les années 1925, 1930 et 1937.    

B. Le choix de la modernité fonde la nouvelle Turquie kémaliste

• Ce choix est antérieur à la « révolution kémaliste ». Sous l’empire Ottoman, dès la fin du XVIIIème siècle, les élites optent pour une modernisation, des tentatives récurrentes de réformes modernisatrices :

-         les Tanzimat sous Mehmet II (1808-1839) : création d’une armée moderne, promulgation de nouveaux codes de lois, réorganisation de l’administration, mise en chantier d’un nouveau système éducatif. Puis la tentative de révolution des « jeunes Turcs »

-         la charte de 1856, promulguée sous la pression des Européens donnant des doits fondamentaux aux non-musulmans des Balkans (liberté de culte, auto-administration, respect des immunités traditionnelles)

-         la Constitution de 1876 dotant l’empire d’un Parlement, reconnaissant les principes de liberté, égalité civique et politique, indépendance des tribunaux, décentralisation…

• La Turquie est donc le premier Etat musulman à bénéficier d’un régime constitutionnel, même si la fin du XIXs, qui voit la déliquescence de l’Empire à partir de la terrible défaite de 1878 contre la Russie, est marquée par des violences sanguinaires (en Crète, en Macédoine, contre les Arméniens) et un retour à l’absolutisme du « sultan rouge » Abdul-Hamid II qui suspend la Constitution. La révolution des « Jeunes-Turcs » en 1908-1909, emmenée par de jeunes officiers qui veulent renverser l’absolutisme d’Abdul-Hamid II. Celui-ci est déposé et remplacé par Mehmet V. Au départ démocratique, le mouvement prend une coloration très nationaliste avec le soulèvement de nombreux peuples de l’Empire qui espéraient l’autonomie ou l’indépendance, les guerres contre les voisins des Balkans (1912 et 1913) et les appétits des puissances européennes qui se dessinent alors (annexion de la Bosnie par l’Autriche en 1908). D’où le choix catastrophique d’entrer aux côtés de la Triplice dans la Première Guerre mondiale…

• Il s’affirme surtout avec la « révolution kémaliste » (Mustapha Kemal dit Atatürk, premier président de la République turque en 1923) sur les ruines du califat ottoman au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le califat est officiellement aboli en 1924. Une République autoritaire, laïque et centralisée est alors promulguée, de même que des lois symboliques dont l’objectifs est de moderniser le pays : un code civil inspiré de la Suisse avec obligation du mariage civil, la laïcité, l’alphabet latin, des droits pour les femmes (celui de voter est introduit en 1930 pour les municipales, 1934 pour les générales), la reconnaissance de droits élargis pour les minorités. Les écoles et tribunaux religieux sont abrogés, les ordres religieux interdits, le port du turban pour les hommes et du voile pour les femmes proscrit, la polygamie également. La capitale est déplacée d’Istanbul à Ankara. Sur le plan institutionnel, un Parlement à chambre unique élue au suffrage universel direct. Instauration du multipartisme en 1945.

C. Le kémalisme survit à son créateur (mort en 1938) et devient l’idéologie officielle 

• Le kémalisme mêle modernisme, nationalisme et laïcité. Il se définit donc comme la volonté de sortir de la civilisation islamique et d’entrer de plain pied dans la civilisation occidentale. L’armée s’autoproclame le défenseur officiel de cette idéologie, quitte à intervenir directement dans la vie politique : coups d’Etat militaires de 1960, 1971 et 1980. Après la difficile mise en place du multipartisme, de 1945 à 1960, cette série de coups d’Etat militaires témoigne de l’instabilité politique persistante du pays. Le dernier coup d’Etat de 1980 œuvre à un tournant autoritaire sur le plan politique et libéral sur le plan économique, inspiré par les cadres de l’armée.

Héritage kémaliste sacro-saint. Défendu par armée mais aussi peuple (cf. film)

1983 : élection nouveau président issu du parti démocratique. Seulement alors l’Europe accepte de négocier.

• La Turquie connaît toutefois un renouveau religieux dans les années 1980 car les dirigeants croient qu’un islam encadré par l’Etat et nationaliste peut devenir un élément fort pour le rétablissement de l’autorité et de l’ordre. Celui-ci se confirme dans les années 1990 avec la poussée électorale du Parti de la prospérité de Necmettin Erbakan qui accuse le laïcisme républicain d’être responsable du déclin du pays et cherche à marier la morale religieuse et la justice sociale (l’ « ordre juste »). Cette thématique porte Erbakan au pouvoir mais son parti est finalement interdit en 1998 par le Conseil de Sécurité nationale du fait de la « menace islamiste » qu’il fait peser sur le pays. L’AKP naît de cette mouvance, il en incarne avec Erdogan et Gül la frange la plus progressiste : un parti conservateur démocrate, avec des références religieuses fortes. Mais quels sont les réels buts politiques de l’AKP ? Derrière le discours moderne, libéral et pro-européen, n’est-ce pas en réalité le fondamentalisme religieux qui pointe ? Certains spécialistes s’en inquiètent, d’autres pensent que cette crainte n’est pas réellement fondée, l’intégrisme religieux ne représentant qu’environ 10% de l’électorat de l’AKP et que la véritable question est de savoir si ce parti peut se maintenir durablement pour poursuivre les réformes mais dans la stabilité…

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