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Un fascisme français?

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Par   •  9 Mars 2017  •  Cours  •  10 674 Mots (43 Pages)  •  1 143 Vues

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Un Fascisme français?

La France a-t-elle échappé à la tentation du fascisme dans les années Trente?

        Introduction. Sternhell et le fascisme français

        A l’origine de ce débat, il y a la fameuse conception des 3 droites par René Rémond dans les années 1950. Dans Les droites en France, il montrait que la droite française s’est structurée en trois mouvements distincts : légitimiste, orléaniste et bonapartiste. Ces courants politiques, auxquels s’ajoute la tradition républicaine, auraient immunisé la France contre le fascisme. Pour autant, cette thèse ne remet pas en question l’existence de mouvements  fascistes marginaux.

        Le débat historique à commencé par la remise en cause de ce schéma et donc de la soit -disant « immunité » de la France au fascisme par l’historien israélien Zeev Sternhell qui, à l’orée des années 1980, avec la publication de deux livres,  La droite révolutionnaire (les origines françaises du fascisme, 1885-1914, et Ni droite ni gauche, l’idéologie fasciste en France),  mit la question à l’ordre du jour en affirmant que, non seulement la France n’avait pas été à l’abri de l’idéologie fasciste, et pour lui Vichy est un régime fasciste à la française, mais les véritables sources intellectuelles de l’idéologie fasciste, se trouveraient en France et pas ailleurs. Tout d’abord, dans l’œuvre de certains écrivains ou intellectuels nationalistes, hostiles à la pensée des Lumières. Barrès, théoricien de l’enracinement et de l’énergie nationale, joue un rôle prépondérant dans la formation de ce proto-fascisme. Ensuite, dans le Cercle Proudhon, alliance des maurrassiens (George Valois) et des syndicalistes révolutionnaires (Édouard Berth) qui partagent une même détestation du matérialisme et de la république bourgeoise. Finalement, dans le plus grand parti politique (par le nombre d’adhérents) de l’histoire du pays : le Parti social français (PSF) du colonel de La Rocque. Trois sources principales dont l’aboutissement fut la révolution nationale du Maréchal Pétain.

 C’est ce qu’il réaffirma dans la droite révolutionnaire:

« Le fascisme français se présente ainsi comme un phénomène autonome, possédant ses propres racines et ne devant rien à l’étranger. Si imitation il y a, c’est de la part des Italiens, y compris Mussolini, venu chercher l’inspiration chez les syndicalistes révolutionnaires et les nationalistes français. Le fascisme français, héritier direct de Barrès et de Drumont, de Sorel et de Janvion, de Berth et de Biétry, se distingue aussi par la richesse de ses variantes et de ses courants. (…)

C’est en France, plus encore qu’en Italie, que le fascisme présente une diversité qui permet mieux qu’ailleurs d’en dégager un paradigme, un « type idéal. » (…) Comme le mouvement de révolte du tournant du siècle, comme le syndicalisme révolutionnaire, le fascisme puise son dynamisme dans son refus total de la société bourgeoise, de ses structures politiques et sociales, de ses valeurs morales. Il s’attaque au libéralisme économique, accusé d’être un «  matérialisme bourgeois » et au matérialisme ouvrier du marxisme. (…) C’est contre ce vieux monde des droits naturels, de l’individualisme, des menaces anarchiques, de la matière et de la raison que se lève le fascisme. »

        Sternhell voit donc dans le fascisme une nouvelle famille de droite, « la droite révolutionnaire, une droite populaire, voire prolétarienne mais violemment antimarxiste et sécrétant un nationalisme organique, tribal, un nationalisme de la Terre et des Morts, de la Terre et du Sang. Cette droite nouvelle reflète les problèmes de la société moderne alors que le bonapartisme traduisait les réalités de la société pré-industrielle. La droite révolutionnaire, la droite pré-fasciste et plus tard la droite fasciste, répond à des besoins que le bonapartisme n’entrevoyait même pas. »

        Pour tenter de mettre un point final à cette controverse, Michel Winock et Serge Berstein, avec des contributions de Jean-Pierre Azéma, Jacques Julliard, Steven Englund, Emilio Gentile, Marie-Anne Matard-Bonucc,  s’attaquent au travail de l’historien dans un ouvrage intitulé Fascisme Français ? paru en 2014.  L’ouvrage reproche à Sternhell  de se concentrer presque exclusivement sur l’histoire des idées et de délaisser l’histoire des sociétés. Il crée ainsi un concept de fascisme désincarné n’ayant aucun véritable écho dans la population française. Pour appuyer sa thèse, Sternhell confère une importance démesurée à certains intellectuels, ouvertement fascistes, mais à l’audience dérisoire.

        En second lieu, Michel Winock lui reproche de nier le poids exercé sur les mentalités par la Première Guerre mondiale. En effet, il n’envisage pas ce conflit meurtrier comme une véritable rupture historique mais voit, au contraire, une continuité intellectuelle entre l’avant et l’après-guerre. Il n’accorde donc presque aucune importance à ce choc civilisationnel majeur.

        La définition extensive de Sternhell transforme également le PSF du colonel de La Roque et son million d’adhérents en parti fasciste. C’est faire l’impasse sur le fait que le colonel de La Rocque – malgré ses critiques du parlementarisme – a toujours mis en avant son républicanisme. De plus, le mouvement conduit par La Rocque est davantage imprégné de catholicisme social que marqué par une vision fascisante de la société.

        

        Ce qui nous intéresse ici dans ce débat, concerne plus spécialement la période des années Trente. Nous avons vu d’abord la montée d’un antiparlementarisme agressif et d’un antisémitisme virulent, puis la réaction du Front populaire et le retour d’un gouvernement radical modéré, sous la présidence du conseil de Saladier en 1938. Y-a-t-il la place pour un fascisme dans cette histoire?

Rappel: définition du fascisme 

        On appelle fascisme, l’ensemble des courants d’extrême droite calqués sur le fascisme italien, premier mouvement du nom à prendre le pouvoir en 1922.

        Les fascistes combattent la démocratie qu’ils estiment absolument mauvaise, et en particulier la démocratie parlementaire. Ils pensent que la société est malade et décadente à cause de la démocratie qui a porté au pouvoir des étrangers, des escrocs et des incapables. Selon eux, la démocratie a été imposée aux peuples par un complot juif, ou bien  (pour les fascistes qui ne sont pas antisémites, même si c’est rare) par un complot des partisans des Lumières, qui sont l’équivalent des Juifs dans le monde des idées, comme les Francs-maçons et les républicains, éventuellement les chrétiens, « secte juive universelle » selon le programme nazi) avec  deux ramifications, un complot capitaliste et un complot communiste. Tous ces régimes ont en commun d’être internationaux, de nier les différences entre les peuples et d’être favorables à la paix, phénomène trompeur qui empêche les forts de triompher des faibles que la sélection naturelle devrait faire disparaître.

        A la place de la démocratie, ils entendent donc fonder un gouvernement fort, composé des chefs naturels de la race, d’authentiques spécimens « nationaux » et non des intrus inadaptés à l’esprit national.  (désignés par acclamations du peuple hurlant son amour du chef avec toute la force de vérité de son « instinct racial »).

        Les fascistes vouent donc un culte à la violence comme manifestation naturelle de la force des forts et moyen naturel de triompher des manigances et des ruses « judéo-bolchéviques ».

        Ils défendent l’armée, la police, les homme en uniformes qui aiment l’ordre et respectent la hiérarchie. Ils refusent le « sentimentalisme droitdelhommiste » ventre mou qui sert de prétexte aux démocrates à livrer le pays aux étrangers.  

        Ils utilisent la terreur pour intimider leurs adversaires, ils utilisent le chantage, et un ensemble de moyens démagogiques pour rallier les masses désemparées par l’incertitude des temps: mensonges permanents ( « mentez, il en restera toujours quelque chose disait Goebbels, ministre de la propagande du Reich nazi »), programme « attrape-tout » pour gagner des électeurs (« les programmes sont faits pour les idiots » disait Hitler) provocations pour passer pour des victimes du « système », démonstrations dans les rues ou meetings publics, maquillés pour donner l’impression du nombre, et de l’adhésion « fanatique » des partisans ( par des cris amplifiés par haut-parleurs, ou des cris ajoutés dans les bandes-sons, des chauffeurs de salle, des slogans répétés à l’avance, par des fidèles disséminés dans la salle, par des saluts spectaculaires bras tendus en signe de soumission totale à la volonté du chef, salut inspiré de Rome, etc…)

        Les fascistes brouillent les pistes en se prétendant toujours « ni droite ni gauche », alors qu’ils sont à l’extrême droite et font ensuite une politique favorable aux milieux privilégiés en prétendant agir pour « la puissance et la victoire du peuple ».

        

Texte 1. La Rocque et le fascisme français, Michel Winock, L’Histoire, 26/01/2014

        Qu’est-ce qu’un fasciste ? La réédition de Ni Droite ni Gauche de Zeev Sternhell en 2013, les mémoires de François de La Rocque, Pourquoi je suis républicain, qui vient de paraître au Seuil, enfin le colloque, qui se tiendra à Sciences Po, sur le Parti Social français, les 30 et 31 janvier 2014,  ont remis sous les lumières de l’actualité la question très controversée du fascisme en France.

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