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Ahmadou Kourouma, les soleils des indépendances

Mémoire : Ahmadou Kourouma, les soleils des indépendances. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
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répétés). Cf aussi les remarques racistes de Sery dans l’autocar au début de la seconde partie (p.86). Kourouma lui-même était originaire du Nord > ne pas négliger l’importance du rejet des gens originaires du Nord par ceux qui étaient originaires du Sud et le sentiment de malaise qui en a résulté. Perception des frontières comme des frontières artificielles > élément qui est particulièrement présent dans Les Soleils, le village de Togobala se situant de l’autre côté de la frontière, en territoire guinéen – tensions entre la Guinée et la CI, la Guinée suivant une politique beaucoup plus hostile à la France sous le règne de Sékou Touré).

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B/ La décolonisation et les indépendances • • • Dans les années 1960, toutefois, le problème n’est encore que sous-jacent. La prospérité économique fait que la CI attire de nombreux emplois – le faible taux de chômage rend les tensions peu marquées. La décolonisation à partir de 1960 s’est traduite par l’instauration d’un régime politique fort, aux mains du Président Félix Houphouët-Boigny, qui a régné sur la CI de 1960 à sa mort en 1993. Les années 1960-1980 sont connues comme les années du « miracle ivoirien ». Il s’agit d’une époque où la CI et Abidjan étaient présentés comme la vitrine de l’Afrique en développement. « Miracle ivoirien » qui représentait en grande partie un leurre et une forme de propagande orchestrée à la fois par le régime de HB et par la France. HB soutenu par la France, dont il finançait les principaux partis politiques : o Contexte de la Guerre Froide : impératif = avoir des alliés contre le communisme. o Néo-colonialisme, la plupart des intérêts économiques étant encore aux mains des Français (cf la prospérité du quartier du Plateau dans Les Soleils, par opposition à la pauvreté du reste de la ville). o Bien mesurer que les indépendances, pendant très longtemps, n’ont été que des indépendances de façade. Système de la « Françafrique ». Régime violent : exécutions + disparitions d’opposants (cf l’incarcération de Fama dans le récit, qui fait écho à un événement similaire vécu par Kourouma lui-même). En fait, le « miracle ivoirien » reposait sur une seule richesse économique : le cacao, dont les cours n’ont cessé de monter entre 1960 et 1980 (l’exploitation des bois précieux jouait aussi un rôle, mais nettement moins important). Le système de production ivoirien était organisé autour de la Caisse de Stabilisation des Prix : organisme public qui achetait la totalité de la production agricole à un prix garanti et se chargeait de la revente à l’étranger. C’est ce système étatique que critique Fama : « les Indépendances ont cassé le négoce » (p.23). En fait, le système fonctionnait selon une double logique : o D’une part il garantissait aux agriculteurs des revenus inchangés, ce qui était un indéniable facteur de stabilité. o D’autre part il permettait aux dirigeants de la Caisse, et en premier lieu à HB, de s’enrichir considérablement en réalisant des profits toujours plus considérables (les cours ne cessant de monter) Mais ce système était fragile : la chute des cours du cacao dans les années 1980 s’est traduite par un véritable effondrement économique, qui s’est lui-même traduit par des tensions sociales de plus en plus violentes. Ces tensions sociales ont pris un tour ethnique à partir des années 1990 > rejet des « dioulas », originaires de la partie nord du pays et accusés de n’être pas véritablement ivoiriens > les successeurs de Houphouët-Boigny vont mener une politique fondée sur la notion très contestable d’« ivoirité » - politique qui va viser en fait à priver une large partie de la population, essentiellement originaire du nord, de la nationalité ivoirienne > politique qui sera sévèrement critiquée par Kourouma, ce qui lui vaudra de devoir s’exiler en 2002 (il mourra à Lyon en 2003).

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Entre 1990 et 2002, la CI va donc voler en éclats : o Violences électorales + massacres à Abidjan et dans tout le pays. o Coup d’Etat militaire du général Guei en 1999. o Partition du pays en 2002 : la CI est coupée en deux parties correspondant au nord et au sud du pays – partition racontée dans le dernier livre de Kourouma, inachevé, Quand on refuse on dit non (2004). Les Soleils date d’avant l’effondrement, mais le mérite du roman est de révéler les tensions sous-jacentes qui minent la société ivoirienne, à une époque où tout le monde croyait encore au fameux « miracle ivoirien ». o Difficultés économiques/confiscation de la vie économique. o Pouvoir économique aux mains des Blancs (même si Kourouma, a l’époque, était loin d’avoir démêlé tous les réseaux de la Françafrique). o Tensions sociales et ethniques (même si, là encore, les choses n’ont vraiment empiré que par la suite). 2/ La carrière de Kourouma : un écrivain contestataire A/ La contestation : une constante

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Kourouma a peu publié (cinq romans en tout, dont un inachevé). Tous ces romans sont contestataires : o Critique du régime de HB dans Les Soleils des indépendances (1968). o Critique de la colonisation dans Monnè, outrages et défis (1990). o Critique des dictatures postcoloniales dans En attendant le vote des bêtes sauvages (1998) – personnage principal, Koyaga, inspiré du dictateur togolais Eyadema. o Critique de l’enrôlement des enfants-soldats dans les guerres du Liberia et de la Sierra Leone dans Allah n’est pas obligé (2000) : le narrateur est un enfant-soldat. o Critique du nationalisme et du racisme en CI dans Quand on refuse on dit non (posthume, 2004). Kourouma adopte donc une position de contestation des pouvoirs politiques > il exerce une lucidité impitoyable reposant sur un usage généralisé de l’ironie. B/ L’ironie

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L’œuvre de Kourouma est une œuvre satirique. Satire reposant sur l’ironie. Satire = dénonciation d’un régime, d’un discours, etc., en en faisant ressortir les aspects monstrueux, excessifs. Ironie = procédé consistant en une mise à distance systématique de tout ce qui est énoncé ou décrit. Kourouma prend soin de toujours prendre ses distances. Il n’adhère à aucune position – pas même au traditionalisme de Fama, qui fait l’objet lui aussi d’une contestation ironique, sans pour autant être totalement invalidé. Difficile de cerner la position exacte du narrateur. Le titre du livre est lui-même ironique (ironie spécifique consistant à dire le contraire de ce que l’on semble affirmer).

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Pratique de l’ironie qui sera de + en + marquée dans les romans suivants. Monnè : o Raillerie généralisée o Plusieurs versions d’une même histoire afin de montrer la place de la propagande dans toutes les présentations historiques. o Plusieurs voix narratrices mêlées, chacune obéissant à ses enjeux et à ses objectifs propres. En attendant le vote des bêtes sauvages : o Récit de la vie du dictateur Koyaga par son griot. o Mais récit à la fois ironique et satirique, qui repose sur la technique du blâme par la louange. Bien mesurer l’importance de l’ironie chez Kourouma : difficile de dire à quel discours spécifique le narrateur adhère vraiment. Mais bien mesurer l’amertume de Kourouma, pour qui les indépendances ont clairement trahi leurs promesses. C/ La reconnaissance des écrivains francophones

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Reconnaissance tardive dans le champ littéraire français. Cf l’histoire éditoriale des Soleils : refusé par les grands éditeurs parisiens ; publié en 1968 au Québec ; droits rachetés par l’éditeur parisien Seuil en 1970. Littérature anticoloniale + courant de la Négritude reconnus à partir des années 19501960 (cf les figures de Senghor et de Césaire et leur grande visibilité politique) Mais l’essentiel de la production francophone, et notamment africaine, est resté longtemps ignoré. Reconnaissance qui s’est accélérée à partir des années 1990 : o Influence des universités américaines o Prise de conscience des horreurs de la colonisation (Monné est publié en 1990, dans un contexte plus favorable (même si tout le monde n’a pas encore fait son devoir de mémoire). o Prise de conscience des atrocités de la politique « françafricaine », qui ont culminé avec le génocide du Rwanda (1994). Reconnaissance qui s’est traduite, pour Kourouma et pour d’autres

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