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Lecture linéaire "Chose vue un jour de printemps" - VICTOR HUGO

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Par   •  25 Juin 2023  •  Commentaire de texte  •  3 963 Mots (16 Pages)  •  2 333 Vues

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LECTURE LINEAIRE « Chose vue un jour de printemps » - VICTOR HUGO

INTRODUCTION

Le poème que nous allons analyser aujourd’hui s’intitule « Chose vue au printemps », il est extrait de la première section du recueil des Contemplations (« intitulée Autrefois »)  et du livre III (intitulé « Les Luttes et les rêves ») publié en 1856, rassemblant des poèmes écrits précédemment. Victor Hugo est un auteur prolifique qui s’est illustré dans tous les genres mais particulièrement en poésie. Chef de file du romantisme, quand il compose les Contemplations, il mêle aux poèmes intimes des poèmes plus engagés, dénonçant la misère sociale et morale dont il est témoin. Dans le poème 17 intitulé « Chose vue un jour de printemps », composé en 1840, il porte un regard social sur la pauvreté et la faim, « crime public » où il pointe du doigt le cercle vicieux du capitaliste immoral de la société et ses effets sur les conditions de travail et de vie de l'ouvrier. Ce poème est composé de cinq strophes en alexandrins de taille variable, nous étudierons ici les deux premières qui composent une scène presque théâtrale : la première est un monostique (= strophe d’un seul vers) qui pose le contexte in medias res (= en plein milieu de l’action) : le poète entend des sanglots derrière une porte qu’il pousse avant de décrire dans la deuxième strophe de 27 vers la scène horrible de la découverte de quatre enfants pleurant la mort de leur mère. Il décrit alors le foyer misérable avant de développer une analepse (= retour en arrière) descriptive glorifiant la mère sacrificielle qui s’est tuée à la tâche jusqu’à mourir de faim.

Comment Victor Hugo dénonce-t-il la misère indigne du peuple par cette scène pathétique ?

MOUVEMENT 1 : une description précise d’une scène misérable et pathétique (v1 à 11)

1        Entendant des sanglots, je poussai cette porte.

  • Le vers 1 est un monostique (= strophe d’un seul vers), séparé d’une longue seconde strophe :         
             - il a donc une
    valeur introductive et pose le contexte de manière abrupte, avec une proposition subordonnée participiale où le participe présent « entendant » a une valeur de complément circonstanciel de cause : c’est la raison pour laquelle le poète pousse la porte, témoin interloqué et curieux de savoir l’origine des pleurs.
            -
    l’action principale est alors au passé simple, en tant qu’action soudaine inaugurant un récit au passé.
            - le
    lecteur est directement placé dans l’action, adoptant lui aussi le regard curieux du poète qui ouvre la porte.
            - ce vers créé un contraste avec le titre : « Chose vue un jour de printemps », où le printemps symbolise une saison de renaissance et de joie alors que le vers 1 s’ouvre sur des « sanglots ».         

    2        Les quatre enfants pleuraient et la mère était morte.        
  • A partir du vers 2, on trouve une description pathétique funèbre et très détaillée d’une scène intérieure que le lecteur se représente sans peine : la mère de famille est morte et ce sont ses quatre enfants qui la pleurent.
            - l’
    imparfait est le temps dominant pour amorcer cette scène descriptive : « pleuraient », « était morte »
            -
    « pleuraient » vient en écho à « sanglots » au vers précédent et donne donc la réponse de cette origine des pleurs que le poète entendait.        
            - la
    rime « porte » (vers 1) / « morte » (vers 2) fait entrer le lecteur dans l’horreur d’un intime bouleversé.         - on ne trouve dans ce vers aucune marque de subjectivité comme un constat froid et objectif posé sur la désolation de cette scène, ce qui en souligne d’autant plus l’horreur.        
            - la
    conjonction de coordination « et » marque un lien de cause à effet entre la mort de la mère et le deuil des enfants.        

    3        Tout dans ce lieu lugubre effrayait le regard.        
  • Le vers 3 :
            -
    introduit une subjectivité avec l’hyperbole « tout », sujet du verbe « effrayait le regard »
            - le fond de la scène se dessine,
    l’adjectif « lugubre » qualifie une ambiance sombre, renforçant le pathétique de la scène.

4        Sur le grabat gisait le cadavre hagard ;                                                grabat : lit misérable
5        C'était déjà la tombe et déjà le fantôme.        
6        Pas de feu ; le plafond laissait passer le chaume.
                        chaume : paille qui couvre le toit des maisons

  • Les vers suivants :        
            
    - insistent sur la misère entourant le logis, que ce soit par la référence au « grabat » où repose le corps de la mère, l’absence de source de chaleur (« pas de feu ») ou le plafond en mauvais état (« le plafond laissait passer le chaume »). A la manière d’un écrivain réaliste, le poète propose ici une peinture réaliste de la pauvreté.

        - on retrouve le champ lexical de la mort : « gisait », « cadavre », « tombe », « fantôme » qui souligne la dimension morbide de la scène        
        - le poète rajoute un commentaire prophétique qui montre la métamorphose rapide et implacable de la mort : en effet, le cadavre est d’abord personnifié comme si la mort avait saisi la mère par surprise comme le montre l’adjectif « hagard ». Puis, le « cadavre » devient au vers 5 « la tombe » et enfin « fantôme ». Le parallélisme de construction avec la répétition de l’adverbe « déjà » met en valeur ce passage rapide de l’âme de la mère de vie à trépas.

        7 Les quatre enfants songeaient comme quatre vieillards.        
        8 On voyait, comme une aube à travers des brouillards,        
        9 Aux lèvres de la morte un sinistre sourire ;        

  • Le poète resserre ensuite le regard sur les enfants orphelins : ils pleuraient au vers 2 et les voici réduits au silence, en train de « songer ». Par le biais d’une comparaison saisissante, ils sont transformés en « vieillards » (« comme des vieillards »), ce qui bouleverse une chronologie humaine qui ne devrait pas l’être. C’est comme si la mort de leur mère les avait fait grandir d’un coup en leur enlevant l’innocence de leur enfance.         
            
  • L’image qui suit focalise le regard de nouveau sur la mère :        
            - c’est
    comme si le poète s’approchait d’elle car on a un effet de zoom sur son visage : l’usage du pronom impersonnel « on » dans « on voyait » inclut le lecteur, comme si le poète guidait notre regard.

        - la comparaison du sourire de la mère décédée à une « aube à travers des brouillards » est mise en valeur par un enjambement au vers 9 et un anacoluthe  = une inversion de l’ordre traditionnellement attendu des syntagmes. Ici le CDN « aux lèvres de la morte » précède le groupe nominal COD « un sinistre sourire » pour mieux le souligner. Victor Hugo associe ce sourire à l’aube et donc à une image rassurante par-delà la désolation de la mort évoquée par le terme « brouillards » qui renvoie à cette atmosphère morbide. Néanmoins, l’adjectif « sinistre » vient apporter une touche tragique à un sourire qui semble plus effrayant qu’avenant. On bascule presque dans une atmosphère fantastique.         

        10 Et l'aîné, qui n'avait que six ans, semblait dire :        
        11 — Regardez donc cette ombre où le sort nous a mis !        

...

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