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Remise en cause des dichotomies saussuriennes

Cours : Remise en cause des dichotomies saussuriennes. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  3 Juin 2017  •  Cours  •  2 294 Mots (10 Pages)  •  1 289 Vues

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Université de Laghouat.

Département de français.

Année universitaire : 2013/2014.

Module : Sociolinguistique.

Enseignant : M.M.

Séance N°02 : Remise en cause des dichotomies saussuriennes.

 

Plan de la séance :

  • La dichotomie langue/parole.
  • La conception de Bakhtine.
  • Le signe linguistique.
  • La dichotomie synchronie/diachronie.

Remarque : La linguistique saussurienne a suscité beaucoup d’intérêt chez les linguistes et les spécialistes des diverses disciplines des sciences humaines. Certains l’ont accepté et en ont développé les principes ; d’autres ont critiqué ses fondements et ont essayé de montrer ses limites. Dans son livre Marxisme et philosophie du langage, Bakhtine a été, dés 1929, l’un les premiers à avoir remis en cause la linguistique saussurienne. Par la suite, d’autres l’ont fait à partir du champ disciplinaire de la linguistique ou à partir des autres disciplines des sciences humaines. On peut citer la remise en cause de la linguistique structurale (résultat du développement de la pensée saussurienne) par le sociologue français Pierre Bourdieu (dans son livre Ce que parler veut dire, ou ses articles dont L'économie des échanges linguistique. Mais, dans ce cours, nous avons préféré nous appuyer sur les travaux bakhtinien, dans la mesure où sa théorie a été à l’origine d’un ensemble de travaux en linguistique (l’énonciation, le dialogisme et la polyphonie, la pragmatique, etc.) qui se définissent comme étant un nouveau paradigme en linguistique.

  1. Remise en cause de la dichotomie langue/parole :

        Pour constituer la linguistique en une discipline scientifique, Saussure choisit de travailler sur la langue qu’il définit comme un fait social constitué d’un ensemble d’éléments homogènes. De par sa nature hétérogène, le langage (qui se constitue, pour lui,  de l’ensemble de la langue et de la parole) ne peut constituer un objet d’étude pour la linguistique[1]. Ainsi, il écarte de son champ d’investigation la parole, considérée comme étant la mise en œuvre(ou la manifestation) individuelle de la langue. Telle que définie par Saussure, « …la linguistique n’a rien à voir avec les manifestations de la langue dans la vie sociale ; elle ne reconnaît pas son objet dans les paroles, la parole fait individuel où ne se révèle que l’individualité du locuteur » (P. Encrevé, 1976, p 10.). Ainsi, c’est le caractère social de la langue et son caractère systématique, qui en font, pour Saussure, un objet d’étude propre ; c’est son caractère individuel, variable (et partant insaisissable), hétérogène qui, pour Saussure, exclut la parole du champ d’étude de la linguistique. La dichotomie saussurienne , langue/parole sert donc à délimiter l’objet d’étude de la linguistique, elle a ainsi une valeur méthodologique et épistémologique (elle joue un rôle dans la constitution de l’objet d’étude de la linguistique).

        Bien que le caractère social soit mis en avant et affirmé avec force dans le CLG, Saussure et ses héritiers n’ont pas tiré toutes les conséquences théoriques et méthodologiques de ce principe, car ils sont restés prisonniers d’une certaine conception du social, inspirée de Durkheim, unificatrice  et homogénéisante. Pour F. de Saussure, le caractère social de la langue n’est qu’« un opérateur théorique mobilisé dans  la «  construction de l'objet intégral de la linguistique ». (Christian Puech Anne Radzynski, 1988, p79). Dans le cadre de la théorie saussurienne, ce principe (le caractère social de la langue) joue un rôle théorique et méthodologique dans l’isolement et la construction de l’objet d’étude de la linguistique qu’est la langue. Il n’est pas un objet d’explication et/ou de recherche : Saussure ne cherche pas à expliquer la nature sociale de langue, il ne s’intéresse pas à l’implication de cette dimension sociale sur la langue et son fonctionnement.    

        Dans la conception saussurienne, la langue est conçue comme un  système abstrait de formes normalisées et immuables (Bakhtine, 1977), autonome et fermé sur lui-même, c’est un système homogène de signe. Par cette opération d’abstraction[2], Saussure ne prend pas en considération la variation sociale de la langue qui est due justement à son caractère social. Cette «variation est inhérente dans la langue et reflète des variations sociales : si l’évolution obéit bien pour une part à des lois internes (…), elle est surtout régie par des lois externes, de nature sociale», (Marina Yaguello, introduction à Bakhine p13.). Il ne peut pas[3] expliquer la réalité du changement linguistique, qui est toujours en cours dans la communauté sociale. Pour Meillet, « en séparant le changement linguistique des conditions extérieures dont il dépend, Ferdinand de Saussure  le prive de réalité ; il le réduit à une abstraction qui  est  nécessairement  inexplicable. » (Meillet, cité par Christian Puech Anne Radzynski, 1988, p78.). Une véritable prise en considération de ce principe (le caractère social de la langue), aurait exigé de s’intéresser au phénomène de la variation sociale inhérent à la langue, à son usage concret dans la société, c'est-à-dire à la parole non pas exactement telle que la conçoit Saussure (étant donné que pour ce dernier, la parole est individuelle), mais en tant qu’activité sociale (usage concret de la langue en société). C’est à cela qu’invite la pensée bakhtinienne.

  1. La conception de Bakhtine :

        M. Bakhtine est l’un des premiers théoriciens à avoir mis le caractère social de la langue au centre de son intérêt, remettant ainsi en cause les conceptions saussuriennes, bien avant que la pensée saussurienne ne connaisse le développement qu’elle a connu dans les années 50 et 60 avec de le développement du structuralisme. Dès 1929, il a présenté une critique cohérente de l’ensemble de la pensée saussurienne, qu’il inscrit dans le courant qu’il appelle l’objectivisme abstrait (voir, Bakhtine, Marxisme et philosophie du langage, 1977.).

         Pour Bakhtine, le véritable objet de la linguistique ne doit pas être un système de formes ou de normes abstrait, dépourvu d’une réalité concrète et saisissable : car, pour lui, «la véritable substance de la langue n’est pas constituée par un système abstrait de formes linguistiques, ni par l’énonciation monologue, ni par l’acte psycho-physiologique de sa production, mais par le phénomène social de l’interaction verbale, réalisée à travers l’énonciation et les énonciations. L’interaction verbale constitue ainsi la réalité fondamentale de la langue ». (Bakhtine, 1977 : 136)[4]. Pour Bakhtine, la langue n’existe pas en dehors des situations sociales, concrètes, de la communication. Elle est insaisissable en tant que système de formes abstraites. C’est dans cette réalité, l’interaction verbale, c'est-à-dire la parole produite dans des circonstances réelles de communication, qu’il faut étudier la langue. Mais, contrairement à Saussure, en mettant l’accent sur la parole et en la mettant au centre de ses préoccupations, Bakhtine redéfinit la parole et (ré)affirme [sa] «nature sociale, non individuelle», car elle est « liée indissolublement aux conditions de la communication, qui sont toujours liée aux structures sociales.». (Yaguello, pp 12-13). Pour lui, la réalité de la langue n’est pas dans les formes abstraites et communes (le trésor déposé dans les cerveaux des locuteurs selon la conception de Saussure), elle est dans l’interaction, dans l’échange verbal  et l’usage effectif de la langue qui est déterminé par les conditions sociales. S’il faut l’étudier, c’est, fondamentalement, cette réalité qu’il faut prendre en considération en premier lieu.

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