Antonin le pieux
Mémoires Gratuits : Antonin le pieux. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoireslaves, comme on peut s'en faire une idée en étudiant les estampilles inscrites sur les briques qui sont sorties des fours d'Antonin. Vers l'année 112, à vingt-cinq ou vingt-six ans, Antonin épousa la fille d'un sénateur, M. Annius Verus, Faustine, dont il devait avoir plusieurs enfants ; le plus connu est une fille, Faustine la Jeune, qui a épousé Marc-Aurèle.
Sorti d'une famille consulaire, le futur empereur suivit la carrière régulière des fils de sénateur, tour à tour questeur, préteur et consul (en 120). Il se fit remarquer dans les deux premières fonctions par la somptuosité des jeux qu'il offrit au peuple. Hadrien, qui l'avait distingué, le désigna au lendemain de son consulat pour être à la tête de l'un des quatre grands ressorts judiciaires qu'il venait de créer en Italie; c'est probablement en Etrurie et en Ombrie qu'Antonin remplit les fonctions de juge-administrateur qu'Hadrien lui avait confiées. Il fut ensuite proconsul d'Asie, vers 130-35; au moment de partir pour son gouvernement provincial, il perdit sa fille aînée, Aurelia Fadilla, qui était déjà mariée. Dans son proconsulat d'Asie, Antonin fit preuve de telles vertus et de telles qualités, comme homme ou comme administrateur, que, seul, il fut capable de surpasser la réputation que s'était acquise son aïeul maternel, Arrius Antoninus, proconsul d'Asie à l'époque des Flaviens.
Quand Antonin fut de retour à Rome, Hadrien l'appela auprès de lui et le fit entrer dans le Conseil impérial, sorte de conseil d'État et de conseil privé, où aboutissaient toutes les grandes affaires de l'empire; le nouveau conseiller se distingua par son assiduité et par son libéralisme. C'est là qu'Hadrien acheva de le connaître et de l'apprécier; aussi, quand il pensa à se choisir un successeur à défaut d'héritier naturel, et quand L. Aelius Verus, auquel il avait d'abord songé, vint à mourir (1er janvier 138), il arrêta son choix définitif sur Antonin qui n'avait rien fait pour avoir l'empire; son passé d'administrateur et ses qualités personnelles avaient plaidé pour lui. Antonin fut désigné par Hadrien pour être son héritier, le 25 février 138; il adopta aussitôt, suivant la condition mise à son adoption, M. Annius Verus (Marc-Aurèle) et L. Verus, qui devaient après sa mort régner simultanément ; il modifia son nom en prenant le nom de famille et le surnom de son père adoptif, il s'appellera désonnais T. Aelius Hadrianus Antoninus.
Antonin resta quatre mois et demi seulement empereur en expectative : Hadrien mourait à Baies, le 10 juillet 138. Ce jour-là, commençait le règne d'Antonin, âgé alors de près de cinquante-deux ans. Très grande modération personnelle dans l'exercice du pouvoir absolu; caractère bourgeois donné à la royauté; développement régulier des institutions des règnes précédents, en particulier des réformes importantes d'Hadrien; essai loyal de rendre au Sénat un peu de vie politique voilà, au point de vue politique, les traits généraux qui donnent sa physionomie propre à ce règne de vingt-trois ans. C'est Antonin qui a le mieux réalisé, aux applaudissements du monde, l'accord de ces deux choses qui semblaient s'exclure mutuellement, le principat et la liberté.
"Ce que j'ai vu dans mon père, dit Marc-Aurèle (Pensées, I, 16) : la mansuétude jointe à une rigoureuse inflexibilité dans les jugements portés après mûr examen; le mépris de la vaine gloire que confèrent de prétendus honneurs; l'amour du travail et l'assiduité; l'empressement à écouter ceux qui vous apportent des conseils d'utilité publique [...] Dans les délibérations il ne négligeait aucune recherche; il y mettait toute la patience imaginable, et ne se payait pas des premières apparences [...]. Il veillait sans cesse à la conservation des ressources nécessaires à la prospérité de l'Etat. Ménager dans la dépense qu'occasionnaient les fêtes publiques, il ne trouvait pas mauvais qu'on censurât à ce sujet sa parcimonie. [De fait, il laissa un trésor considérable]. Il conformait toujours sa conduite sur les exemples de nos pères; cependant il n'affectait pas d'étaler sa fidélité aux traditions antiques [...]. C'était en tout la conduite d'un homme qui a en vue ce que le devoir lui impose" [...]. "Agis toujours comme un disciple d'Antonin, dit encore Marc-Aurèle dans un autre passage (VI, 30). Rappelle-toi sa constante dans l'accomplissement des prescriptions de la raison [...], sa douceur extrême, son mépris pour la vaine gloire, son application à pénétrer le sens des choses [...] Rien de modeste comme son habitation, son lit, ses vêtements, sa nourriture, le service de sa maison."
Avec Antonin, la sagesse et la raison étaient montées sur le trône. Le nouvel empereur avait toutes les vertus morales de l'Antiquité païenne. Rome entière salua en lui un nouveau Numa Pompilius; et le Sénat se fit l'interprète des sentiments d'admiration et de respect de tout l'empire, en lui décernant ce surnom de Pieux, pour garder ce qu'il y a d'un peu vague dans l'expression latine, de vertueux ou d'honnête, sous lequel il devait passer à la postérité. Les vertus personnelles d'Antonin et la prospérité générale que connut l'empire à cette époque ont fait que, si le siècle des Antonins a été l'âge d'or de l'empire, le règne d'Antonin le Pieux fut la partie la plus belle de ces temps si heureux.
Ce bonheur fut en grande partie le résultat de la paix à peu près ininterrompue dont jouit alors l'empire romain; ces vingt-trois années furent l'apogée de la pax romana. Antonin disait qu'il vaut mieux sauver un citoyen que tuer mille ennemis. Cependant les légions impériales eurent à marcher à diverses reprises contre les peuples barbares de la frontière de l'empire ou à réprimer quelques révoltes locales. Les historiens anciens parlent de soulèvements en Germanie, chez les Daces, chez les Juifs, en Achaïe et en Egypte; en Bretagne, le légat Lollius Urbicus fit une expédition contre les Brigantes situés sur les confins de la Britannia (Angleterre) et de la Caledonia (Ecosse), et, après des succès militaires, construisit, pour les tenir en respect, un grand système de fortifications (Muraille d'Antonin); sur la frontière de la Numidie il fallut réprimer quelques mouvements des Maures; en Orient, les Parthes songèrent à envahir l'empire; Antonin, qui n'avait pas l'humeur voyageuse de son prédécesseur parce que le voyage d'un prince était toujours, selon lui, une lourde charge pour les provinciaux, n'hésita pas à se transporter sur la frontière de Syrie et il parvint à écarter, par son attitude énergique, tout danger de ce côté; les Parthes ne recommenceront leurs attaques que lorsque Antonin sera mort. Ce règne, qui n'a pas eu l'éclat militaire de celui de Trajan, a su cependant, lui aussi, imposer le respect du nom romain. Les Quades sur les bords du Danube, les Arméniens en Orient reçurent des rois de la main d'Antonin; les Grecs des colonies de Pont-Euxin furent protégés contre les incursions des Scythes.
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Antonin le Pieux,
d'après le buste du Musée de Naples.
Une prospérité pour ainsi dire sans précédent et sans lendemain régna dans toutes les provinces. Tous les agents financiers de l'empire eurent l'ordre de ne percevoir les impôts que dans la limite strictement légale. Antonin accueillait volontiers, bien qu'il ait proscrit les délateurs, les plaintes que les provinciaux pouvaient adresser contre eux; ceux qui furent convaincus d'avoir prévariqué furent destitués et condamnés à des restitutions. Il maintenait longtemps en charge les fonctionnaires provinciaux dont il était satisfait. Son biographe dit de lui qu'il apportait en toutes choses, dans l'administration de l'empire et dans le reste, l'attention et la vigilance d'un père de famille gérant ses affaires personnelles. Il recevait au palais impérial du Palatin, l'ancienne maison de Tibère, tous ceux qui avaient à lui parler; il aimait qu'on lui rendit compte directement des affaires à lui-même, sans passer par l'intermédiaire de tous les officieux qu'un empereur pouvait toujours avoir autour de lui.
L'empereur qui ne faisait aucune dépense inutile, qui supprima une foule d'emplois qui ne servaient de rien, qui réduisit le train de vie de la cour impériale à une simplicité bourgeoise, ne regardait pas à dépenser de l'argent quand il était question de concourir au bien de ses sujets ou à la prospérité de l'État. Les hommes de lettres reçoivent la protection impériale, même un traitement et des honneurs municipaux; le recteur Hérode Atticus, le rhéteur latin Cornelius Fronton, les maîtres de Marc-Aurèle, arrivent tous deux au consulat en 143. L'empereur fait don de nombreuses sommes d'argent aux cités provinciales pour les aider dans leurs travaux d'édilité. Des tremblements de terre terribles avaient ravagé les contrées de la Lycie et de la Carie, les îles de Mitylène, Cos et Rhodes la ville de Rhodes en particulier avait été entièrement ruinée. Antonin distribue partout des secours et fait reconstruire avec magnificence toutes
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