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un animal aussi bête. Lourde était mon erreur. Je le croisais tous les jours depuis un mois quand ma curiosité prit le dessus. Je me décidai à le suivre. Ce murmurement pour ses chevaux si bien dressés reste pour moi la plus belle musique au monde. Les chevaux s’arrêtèrent, calmes. Je me présentai à l’homme. Il m’a répondu quelque chose que je n’oublierai jamais :

« -si tu veux comprendre cet animal et devenir un dresseur, tu travailleras dur, très dur, pour qu’un jour tu sois meilleur que moi. »

Je fus au rendez-vous le lendemain comme prévu. Issue de bonne famille, mes parents me renièrent et je dormais chez celui qui était à la fois mon bienfaiteur et mon bourreau. Ce long apprentissage dura neuf ans, jusqu’à la mort du maître. C’est à cette époque que l’on commença à me confier le dressage de chevaux. En trois ans, ma réputation fit le tour du monde. Elle ne fut, malheureusement, que de courte durée. Le progrès, mon petit, vois-tu, as brisé mon bonheur. La mécanisation en générale et l’automobile en particulier on fait qu’un dresseur de chevaux de calèche, aussi bon soit-il, ne sert plus à rien dans ce monde. Je ne savais rien faire d’autre et je me retrouvai à la rue très rapidement »

Pierre se rappela alors toutes les automobiles qu’il avait vues sur les bocs, traversant le canal. Pedro reprit :

«-D’ici, vois-tu, fiston, je peux voir la statue de notre très regretté roi du Portugal, excellent cavalier. Chaque matin, je vais toucher l’antérieur du cheval, ce sublime animal qui nous rend service depuis plus de deux mille ans. Maintenant, je veux mourir de ma tristesse, je suis las de cette vie sans avenir, sans espoir. Je suis obligé de mendier pour subsister, cela ne peut plus durer. »

Pierre était touché par le vieil homme, il ne savait pas quoi dire, il était gêné. Heureusement, Pedro, ayant enfin trouvé quelqu’un à qui parler, engageait la conversation.

« -Et toi, mon petit, que fais-tu de ta vie ?

Pierre prit le temps de répondre :

« -Je suis étudiant, passionné d’équitation et de littérature classique. Je vis avec ma mère dans les Alpes…

Pedro le coupa :

« -Ah les Alpes…les plus belles vacances de ma vie…

Le vieil homme marqua une pause.

« -J’y ai passé un été, en compagnie de mes parents et de mes cousins…Je ne rappelle…Nous faisions le tour de la montagne sur des mules… »

Une larme coula sur sa joue. Il commençait à se faire tard. Pierre promit au vieil homme de revenir le lendemain matin, lui laissa de quoi s’acheter à manger et s’en alla, la tête pleine de pensées… Le soir, le jeune homme pensa à la rencontre exceptionnelle qu’il venait de faire. Il en apprendrait beaucoup plus le lendemain, il en était persuadé. Il ne réussit à trouver le sommeil que vers une heure du matin. Pedro, de son côté, s’endormit, des chevaux plein la tête.

Le lendemain matin, Pierre se leva vers neuf heure, prit sa douche, alla chercher le petit déjeuner pour lui et le vieil homme et se mit en route. Sur le chemin, il prit une décision, il allait héberger Pedro chez lui, le ramener en France. Il resterait bien une petite place dans le chalet. Il était impatient d’annoncer la nouvelle au vieil homme, imaginant déjà son sourire. Pierre arriva en face de la cathédrale. Il le sut dès qu’il le vit. Ce qu’il ressentait était étrange, comme si il n’était pas étonné. Pedro