La Pietà De Villeneuve-Lès-Avignon

Villeneuve-lès-Avignon. En 1904 il est présenté à l'exposition des primitifs français et fait l'objet d'une grande admiration. Le tableau est ensuite acquis en 1905 pour le Louvre, par la Société des amis du Louvre. Une copie remplace aujourd'hui l'original au musée de l'Hospice de Villeneuve.

Les origines du tableau : la date et le peintre du tableau insigne

Après la découverte du tableau par Prosper Mérimée et sa présentation à l'exposition des primitifs français, beaucoup d'hypothèses ont circulé au sujet de sa date de réalisation et de l'identité de son peintre.

On attribue le tableau successivement à plusieurs écoles, comme l'école italienne, espagnole ou portugaise. Finalement l'hypothèse la plus concluante, et aujourd'hui adoptée, est celle de Charles Sterling en 1959 qui y reconnaît l'oeuvre du peintre Enguerrond Quarton. Sterling s'appuie sur une comparaison typologique de l'oeuvre avec deux tableaux assurément de la main de Quarton (car on possède les contrats de commande) : le Couronnement de la Vierge (musée de l'Hospice de Villeneuve-lès-Avignon) et le retable Cadard (Chantilly, musée de Condée). On remarque en effet que la composition des trois oeuvres obéit au même schéma général avec "une triade de grandes figures dont les deux latérales sont inclinées vers le personnage central". D'autres détails confirment également cette attribution ; les mèches de cheveux croisées sur le front de certains personnages, les doigts très allongés et flexibles, l'ossature des visages, les plis cassés et rigides des vêtements.

D'autre part, en ce qui concerne la date de réalisation du tableau, on établit que celle ci se situe avant 1455 ou 1457. Cette date est choisie car la Pietà de Tarascon (proche d'Avignon) datée de 1457, imite de façon frappante le geste de la main de St Jean qui enlève la couronne d'épine et montre que l'artiste a du s'inspirer de la Pietà de Villeneuve-lès-Avignon.

Enguerrand Quarton

Enguerrand Quarton est né dans la diocèse de Laon près de la Picardie (nord de la France) vers 1418. On connaît quatorze documents où le peintre est cité et son nom apparaît sous de nombreuses formes : Charretier, Charreton, Charraton, Quarton. On retient celui de Quarton car c'est le nom qui figure dans le contrat du couronnement de la vierge. Il est sans doute formé dans un atelier de la région de Laon et se rend ensuite à Aix en 1444, probablement pour fuir la pauvreté et le manque de commandes dans sa région. En 1446 il va à Arle puis à Avignon en 1447 où il reste probablement jusqu'à la fin de sa vie (on ne connaît pas la date de sa mort). Les deux tableaux sûrs de Quarton (le Couronnement de la Vierge et le retable Cadard) ont servi de point de départ à la reconstitution de son oeuvre et c'est ainsi que des enluminures et d'autres tableaux (comme le retable Requin, musée du Petit Palais à Avignon ou la Pietà) ont pus lui être restitués. Les oeuvres de Quarton sont commandées par une clientèle distinguée (notable, confrérie et membre du clergé), et sont destinées à figurer dans des endroits de choix (églises provençales majeures par exemple) ce qui témoigne d'un succès assez important de l'artiste et de sa réputation à l'époque.

Partie II : Commentaire et description de l'oeuvre

Les personnages

5 personnages sont représentés sur le tableau : la vierge Marie, le Christ, St Jean, Marie Madeleine et le donateur.

- Marie

Marie est représentée au centre, assise sur un rocher, avec le corps du Christ sur ces genoux. Elle prie les mains jointes la tête inclinée sur le côté et son visage est assez marqué par le temps. Les inscriptions de VIRGO. MATER sont inscrites sur son nimbe en lettres formées de gros points en repoussés. Entre ces lettres sont représentées des feuilles d'orties symbolisants une profonde douleur. La bordure de son manteau est ornée des lettres M et V (initiales de Maria et Virgo), et au niveau de la tête, des lettres IHS. Le manteau est aussi orné sur l'épaule d'une large étoile. Ces motifs sont issus d'une tradition iconographique siennoise. Cette influence italienne provient sans doute des nombreuses peintures italiennes présentes à Avignon à l'époque de Quarton. En effet la papauté de Rome réside à Avignon du XIVe s. à 1417 et amena de nombreux artistes italiens dans la région.

- Le Christ

Le corps du Christ est encore marqué des traces de crucifixion au niveau des mains et des pieds, mais celles ci sont traitées avec une certaine retenue. Sa main droite, dans sa rigidité cadavérique, garde le geste de bénédiction qu'elle faisait sur la croix.

- St Jean

St Jean, à gauche, s'incline vers la tête du Christ et lui enlève sa couronne d'épine. Sur son nimbe est inscrit IOHANNES EVVANGELISTA et entre les lettres sont représentés des feuilles et des fleurs d'hysope symboles d'humilité, d'innocence et de pureté.

- Madeleine

Madeleine, à droite, est agenouillé et tient le vase à parfum d'une main tout en essuyant ses larmes avec un pan de son manteau. Il est inscrit sur son nimbe MARIA MAGDALENA et des motifs végétaux symboliques sont également représentés entre les lettres : ce sont des fleurs et des feuilles d'oeillets symboles de l'amour pur.

- Le donateur

Le donateur est représenté dans la position du priant. Les donateurs sont en effet très souvent représentés sur les tableaux dans cette position mais la particularité de celui ci est qu'il apparaît à la même échelle que les personnages saints. Cela est très rare et témoigne d'une volonté de montrer son importance. Il est cependant en dehors du cercle formé par les personnages saint et ne tourne pas la tête dans leurs direction : il semble ainsi habité par la vision intérieure de la scène sacré. Ses vêtements indiquent qu'il s'agit d'un chanoine : il porte l'amusse de fourrure finissant avec des queues de martres et on aperçoit son bonnet rouge à ses pieds.

L'identité de ce donateur est inconnue. Charles Sterling l'identifie au chanoine Jean de Montagnac qui est le commanditaire du Couronnement de la Vierge. Le personnage de la Pietà a en effet des ressemblances physique notables avec le portrait de Jean de Montagnac représenté sur le Couronnement. Mais Charles Sterling s'appuie aussi pour son hypothèse sur le testament du chanoine où celui ci fait part du désir de se faire peindre un tableau-épitaphe (destiné à accompagner sa tombe) qui pourrait être cette Pietà. Cette identification du donateur au chanoine Jean de Montagnac n'est cependant pas adoptée par tout le monde.

Le décor et l'arrière plan

Une grande partie du tableau est occupé par le ciel peint de couleur or. Sur ce fond or et au niveau du contour on lit une phrase en latin tirée de l'évangile