Les belles soeurs de Michel Tremblay

Dissertation sur les belles sœurs de michel tremblay

Dramaturge, scénariste et romancier québécois, Michel Tremblay, dans sa pièce de théâtre intitulée Les Belles-Sœurs, appartenant à la Révolution tranquille, met en scène des femmes issues de milieux prolétaires, dénonce leur misérabilisme et montre leur lutte pour une société féministe. L’aliénation et la frustration des femmes sont prépondérantes dans l’œuvre. Toutefois, est-il juste d’affirmer que dans Les Belles-Sœurs de Michel Tremblay, Lise et Pierrette vivent une situation semblable? Cette dissertation répond à cette question par l’affirmative en comparant certains éléments du texte à l’étude. Certes, Lise et Pierrette se révoltent en exprimant leur frustration, causée par l’abandon de leur copain, mais elles n’ont pas été esseulées dans les mêmes conditions. Aussi, une analyse exhaustive des contextes les menant à la révolte révèle également une différence majeure à ce sujet.

D’une part, les deux individus expriment leur frustration et leur regret, causés par l’abandon de leur copain. Après que son copain l’a laissé tomber, Lise extériorise sa colère et son regret en disant : « Mais maudit, y fallait que ça arrive! Y fallait que ça arrive! Maudite marde! J’ai jamais de chance, jamais! Y faut toujours que j’reçoive un siau de marde su’a tête! » (L.35-37). La ponctuation expressive, à travers les points d’exclamation, et la répétition des termes « Y fallait que ça arrive » et « jamais », renforcent la frustration et la colère de Lise face à sa situation. Elle est effrayée et regrette le fait qu’elle soit enceinte, car le père de son enfant ne veut plus d’elle : « J’ai peur, j’ai peur bonyeu! » (L.93-94). Elle est épeurée par la possibilité qu’être mère mette fin à ses chances de changer sa vie en mieux. Quant à Pierrette, elle est en colère contre elle-même, car elle estime qu’elle « était en amour par-dessus la tête » (L.64). Elle était tellement aveuglée par son amour pour Johnny qu’elle en a perdu toute lucidité. Elle regrette de ne pas avoir vécu pour elle et d’avoir perdu plusieurs années : « Après toute c’que j’ai faite pour lui pendant dix ans! Dix ans! Dix ans pour rien! » (L85-86). Cette répétition du terme « dix ans » amplifie le sentiment d’insignifiance ressentie par Pierrette quand elle a réalisé qu’elle avait vraiment perdu dix années de sa vie pour rien. Que ce soit pour Lise ou pour Pierrette, l’abandon de leur copain au moment où elles avaient le plus besoin d’eux a été un épisode frustrant et difficile au point où elles se questionnaient sur ce qu’elles allaient devenir, car elles se sont laissé aveugler par l’amour et ont regretté ce choix.

D’autre part, les conditions dans lesquelles elles ont été esseulées ne sont pas identiques. Grâce à sa jeunesse, Lise a l’occasion de prendre un nouveau départ : « Mais bonyeu, est jeune, elle (…) a va pouvoir toute recommencer en neuf » (L.71-73). Dans cette phrase, Pierrette envie la jeunesse de Lise, car si elle se fait avorter, elle pourra reconstruire sa vie comme elle le souhaite où séduire à nouveau d’autres hommes, chose inimaginable pour elle qui est « trop vieille », « a fait la vie » (L.73) et se console avec l’alcool. Aussi, Pierrette a quitté le domicile familial, et « même si sa famille ne l’aime pas » (L81), elle s’est débrouillée toute seule pour gagner de l’argent. Lise a son amie Linda pour l’aider à gérer sa situation, elle habite avec son père et bénéficie du soutien de Pierrette, qui a vécu une situation plus ou moins semblable. Dans les deux cas, Lise a plus de « chance » que Pierrette, car elle n’est pas toute seule et elle est encore jeune.