Oblomov de Gontcharov, l'homme couché

MEMET GUCLUDAL

OBLOMOV DE gONTCHAROV, L'homme couché

        "Oblomov de Gontcharov, l'homme couché" s'agit d'un podcast apparu sur France Culture de l'émission Les chemins de la philosophie présentée par Adèle Van Reeth. L'ancien professeur de langue et littérature françaises, Pierre Cahné, prend également part à ce podcast, en y analysant le personnage d'Oblomov du roman de Gontcharov. Ce roman est l'un des romans phares de la littérature russe du XIXe siècle.

C'est l'histoire d'Oblomov, un riche propriétaire russe terrien qui cultive la nostalgie du passé et notamment de la sienne. Tout son personnage se résume autour de sa paresse, Gontcharov en fait même un éloge. Oblomov passe ses journées dans son fauteuil et son lit, à ne rien faire. L'agitation le fatigue. Allongé sur sa méridienne, il rêve et, quand il agit, il consacre ses forces à faire quelques reproches à un vieux serviteur qui tente de faire tourner une maison à l'abandon. Passent quand même quelques amis, notamment le jeune Stoltz, personnage bouillant et galopant, qui entreprend de changer Oblomov et de le faire voyager. Il l'incite à venir avec lui à Paris. Oblomov dit oui, mais ne part pas ! Oblomov n’est pas seulement le récit d’un homme paresseux mais aussi celui d’un homme à la recherche du bonheur. Il rencontre une adorable jeune fille, Olga. Son coeur s'emballe ! Mais Oblomov, ayant peur de l'amour se doit d'y renoncer. Il repoussera la passion, une émotion jugée trop violente pour accepter une dimension inférieure du bonheur. Il laisse donc passer la chance de sa vie. Pourtant, un peu plus tard, il saura, enfin, se marier. Mais avec une femme moins turbulente.

Toute la réflexion autour de la paresse d'Oblomov nous fait réfléchir à un sens plus large, plus symbolique. C'est notamment sur ça que le professeur Pierre Cahné va se focaliser dans le podcast. Ce roman métaphysique remet en cause l'existence de l'homme et sa condition humaine. Le personnage d'Oblomov dépasse cette "paresse" et se livre à une sagesse plus implicite. C'est en cela, qu'Oblomov est aussi connu sous le nom de "Platon en robe de chambre". Alors qu'on a tendance en, tant que lecteur, à se focaliser sur sa paresse et sur son manque d'ambition ce dernier se trouve le plus sage d'entre nous. À notre époque nous sommes avant tout encouragés à ne faire rien d’autre que faire. Il n'est bien évidemment pas de notre habitude de délaisser notre vie active pour se  permettre un repos éternel. Oblomov aurait compris un principe de la vie qui nous échapperait. Alors qu'il occupait une vie plutôt tumultueuse, celle-ci se transforme en routine et l'ennuie énormément. Cet à ce moment qu'il se rendit compte qu'il s'éteignait au fur et à mesure du temps : "dès les premiers instants où j'ai pris conscience de moi même j'ai senti déjà que je m'éteignais", disait-il. Il se sent étouffé par son travail qui l'angoisse de plus en plus : "12 ans sont passés et je n'ai plus envie de me réveiller". Pour lui, toute action, toute démarche, toute initiative sont vues comme un pêché puisque portant atteinte à la Création. C'est à partir du moment qu'il sait qu'il s'éteint, qu'il définit la vie différemment : il sait qu'elle ne se résume que par l'extinction, et de facto que par la mort. Il affirme par sa paresse qu'il n'y a pas d'échappatoire à cette mort certaine ; les autres, y compris son ami Stolz, n'ont finalement rien compris à la vie. Ils, les autres, tenteraient de camoufler, par leur vie professionnelle active ou bien par l'amour, la mort. Or personne évite la mort. La paresse lui permettrait donc de vivre en paix avec sa conscience ; il accepte à bras ouverts la mort, et se plonge dans un repos sans fin. C'est d'ailleurs cette notion de repos qui va influer sur le concept de d'oblomovisme. L’oblomovisme serait un synonyme de l’à-quoi-bonisme, du fatalisme, du désinvestissement : un débordement de l’impuissance face au chaos du monde qui fait qu’on baisse les bras et qu’on attend que ça se passe. Dans ce repos, il laisse libre cours à son imagination et à ses rêves. Oblomov évoque le domaine de son enfance "Oblomovka", assimilé au paradis perdu où "un cœur brisé par l’excès ou l’absence d’émotions ne demande qu’à se blottir". Toute sa nostalgie nie la réalité et le passage du temps.