Reconstruire L'Homme

ndeurs, parallèles à celles d’Osiris. Sokaris offrirait à l’âme des Justes la possibilité de connaître les chemins de l’autre monde.

- La déesse Nout est le cosmos et la route céleste, rappela le Chauve. Parcours le corps de la Femme-Ciel, Isis, traverse les douze heures de la nuit et recueille leur enseignement.

Face à la statue, la Supérieure d’Abydos entreprit le voyage.

A la première heure, les mains de la déesse la magnétisèrent et elle entendit le chant des étoiles infatigables et des décans.

A la deuxième heure, Nout avala le vieux soleil, à bout de force. Isis vit Sia, l’intuition des causes, examiner le cœur d’Iker et verser l’eau de Noun pour vaincre son inertie. Montant des profondeurs, le faucon de la royauté renouvela les facultés assoupies.

A la troisième heure, silencieuse, furent allumés des feux. Parmi les hautes flammes engendrant une intense chaleur, celles de l’Annonciateur assaillirent la Demeure de l’or. Un éclair les repoussa, une violente lumière enveloppa la momie d’Iker.

A la quatrième heure, des génies armés de couteaux tuèrent des ennemis d’Osiris. Isis contempla trois arbres, mains liées derrière le dos. Régnaient confusion, incertitude et instabilité. En deuil, la jeune femme délia ses cheveux. Le nouveau soleil naîtrait-il ?

A la cinquième heure se produisit une violente attaque des partisans de Seth ! L’Annonciateur ne renonçait pas. Décapités et ligotés ils échouèrent. Isis s’assit sur une plante, créatrice de Ka, à l’ombre de l’arbre d’Hathor. Le cœur d’Iker se mit à battre, sa trachée artère à respirer, son estomac se reforma.

A la sixième heure, Isis se tint droite, juste au dessus de la momie, lui donnant à la fois son amour et la capacité de se mouvoir en esprit. Dans une cornue où brûlait un feu vif, la veuve introduisit les restes des ennemis sethiens, provoquant la séparation des matériaux anciens et d’une vie renaissante. Au fond du récipient, les résidus inutilisables du passé n’empêchaient plus l’âme de s’envoler. Le feu élimina les moisissures nocives. Subsistèrent la chaleur douce et l’humidité nécessaires à la croissance. Le liquide séminal s’élabora.

A la septième heure, le soleil dansa et les contraires furent conciliés. Le foie reçut Maât, l’enfant divin à visage de faucon apparut.

A la huitième heure, Horus entouré des ancêtres, procura une vie nouvelle à Osiris dont la vésicule retrouva sa fonction.

A la neuvième heure, une muraille et des flammes. Seul, les franchissait l’être au cœur reconnu juste et perpétuellement régénéré. Les compagnons d’Osiris l’aidèrent à nager, à vaincre le flot et à atteindre la terre. Des torches illuminèrent le Temple, les intestins ne préservèrent que l’énergie.

A la dixième heure, l’Uræus flamboya et la peur fut maîtrisée. De la vulve de Nout naquit le plan de l’univers. Elle plaça son cœur dans celui d’Iker et lui donna la capacité de se souvenir. Alors il se rappela ce qu’il avait oublié.

A la onzième heure, la pierre de lumière brilla de tous ses feux et l’œil de Râ s’ouvrit. Isis se laissa absorber par la flamme, emprunta sa barque et revécut ses initiations successives.

A la douzième heure, l’ultime porte du voyage nocturne repoussa les forces de destruction et donna le passage à l’enfant alchimique, né du Noun et de la source de vie.

Epuisée, la veuve contempla Iker.

- ta tête est nouée à tes os, la déesse ciel les assemble et réunit pour toi tes membres, elle t’apporte ton cœur. Elle t’ouvre les portes de l’univers où la mort n’existe pas. Tes yeux deviennent la barque de la nuit et la barque du jour. Traverse le firmament, associe-toi au firmament de l’aube. »

Cette histoire de résurrection osirienne vécue par Iker fils de Pharaon est une parabole pour nous signifier que pour renaître à la vraie vie, celle de l’Homme plénier, il nous faut tout d’abord mourir à l’homme vulgaire puis vaincre mille périples ténébreux pour se reconstruire.

Grâce aux éléments « Terre, Air, Eau, Feu », à l’alchimie des métaux, la reconstruction de l’Homme passe elle aussi par des phases successives de mort et de re-naissances et capables de régénérescence, d’aspiration vers le céleste, le divin.

Or, l’initié comme l’alchimiste veulent échapper à la mort, considérée comme une chute, un retour dans un état antérieur dégradé, une projection dans le magma du chaos. Le seul moyen pour y parvenir, c’est de se projeter en avant, dans le futur, dans un autre état d’être, ce qui peut expliquer la quête de la source de jouvence ou du breuvage d’immortalité. L’eau revêt une importance considérable : « Il est sûr et certain que la nature entière était au commencement Eau, et que par l’eau toutes choses sont nées et également par l’eau toutes choses doivent être détruites.» . Au baptême, l’initié chrétien passe de la mort à la vie grâce à une expérience mystique bien plutôt que par un rite magique, et, nouvelle créature parvenue à la mesure de la stature parfaite du Christ, il devient membre d’un Ordre spirituel. « Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés ? ». Pour les Alchimistes, l’eau c’est la réduction du corps à l’eau, c'est-à-dire au Mercure, mais l’eau c’est aussi la réduction de l’or en sperme pour que puisse s’opérer la divine germination. « Le vase est semblable à l’ouvrage de Dieu dans le vase de la divine germination.» Paracelse avertissait : « Celui qui veut entrer dans l’immortalité doit « entrer dans sa mère », celui qui veut entrer dans le royaume de dieu doit premièrement entrer avec son corps dans sa mère et la nourrir. ».

Voilà pourquoi toutes les initiations obligent le candidat à revenir en arrière dans la terre-mère, dans la matrice originelle. Là où la première mort va s’accomplir, ainsi on y acquière aussi une nouvelle vie au moyen d’un processus de germination, donc à l’issue d’une union sexuelle.

Mis en œuvre dès la cérémonie d’initiation au sein de la G L D F au R E A et A, ce processus de transformation atteint son sommet avec le mythe d’Hiram. Hiram transforme une matière originale en lui donnant une autre forme plus élaborée, plus belle, plus parfaite, qui échappera même au temps. Ses deux colonnes de bronze ou d’airain, B et J possèdent un message capital puisque l’une est la porte des hommes, ou le retour de la chair dans la chair et l’assujettissement à la mort quasi-perpétuelle, l’autre est la porte des dieux, celle de l’ultime libération, celle de la réintégration. Hiram lui-même est mort, mais il est toujours vivant puisqu’il initie, il vit en chaque Maître, en chacun de nous.

Par ailleurs, je me suis toujours demandé, depuis mon exaltation à la maîtrise, pourquoi le Forgeron T faisait-il son entrée dans le Temple alors que précisément nuls métaux ne devaient y pénétrer ?

Voici peut-être une clé à utiliser ?

En tant que Forgerons, Héphaïstos, Tubalcain, Hiram sont des maîtres du feu. C’est par le passage de la matière dans le feu qu’ils opéraient la transmutation d’un état à un autre. En accélérant le mûrissement du minerai dans le four, ils le transformaient aussi et surtout en autre chose, en une autre matière, une autre forme finale, accédant malgré eux au rang de démiurge. Ainsi été acquit le pouvoir de modifier les choses dans l’ordre d’un monde non accessible aux hommes ordinaires. Le Forgeron connaît des secrets non accessibles au commun des mortels. Comme architecte et artisan, on le craint et on le respecte. Pour certains il est faiseur de pluie, pour d’autres il parle avec le tonnerre. Par sa puissance il est supérieur au sorcier. Il est donc à l’origine des premières sociétés secrètes, des premiers rites initiatiques.

« Le Forgeron Céleste est le fils, le messager ou le collaborateur du