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Les Aventures De Télémaque Fénélon

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chemins y sont bordés de lauriers, de grenadiers, de jasmins et d'autres arbres toujours verts et toujours fleuris” ou de l’expression “double moisson” qui prouve bien cette abondance. La narration de Fénelon se coule dans l'inventaire d'espèces botaniques ou d'arbustes méditerranéens, considérées habituellement comme des plantes de serre ou d'orangerie. Le jasmin, est particulièrement adapté aux climats doux. De la même manière, le grenadier, qui aime les climats chauds à l'abri des vents froids, est un arbuste rustique qui a besoin d'une exposition ensoleillée. Attribut de la déesse Aphrodite dans la mythologie grecque, le grenadier est également le symbole de la fécondité. La Bétique est « un pays fertile» ligne1 aux limites spatiales très précises. Il se trouve à proximité des « Colonnes d'Hercule », nom qui fut donné dans l'Antiquité romaine aux massifs montagneux bordant le détroit de Gibraltar. Cette localisation doit beaucoup à la mythologie puisque ces « Colonnes » ont reçu leur nom d'un des douze travaux d'Héraclès. Ce pays mythique est baigné par le fleuve Bétis, nom qui fut donné par les Romains à l'actuel Guadalquivir. Fénelon plante donc le décor d’un pays chargé de mythographies et peuplé d'utopies qui donne d'emblée une légitimité au récit. La Bétique est non seulement un pays extraordinaire, mais surtout un lieu légendaire. Ce qui explique pourquoi cette nature est personnifiée par l'auteur : ainsi le « ciel doux » se montre « serein”. C’est la mer dite « furieuse » qui crééa cet espace en séparant la “grande Afrique” de “la terre de Tharsis”. Cependant, ce pays prodigieux est trop parfait, trop absolu pour être réel. Certes, le recours au mode indicatif pour les temps verbaux (« on voit en ce pays » - ligne 20) et l'utilisation du pronom personnel indéfini « on » visent par contrecoup à produire un effet de réel. L'auteur enjolive la réalité en recourant au lyrisme. Il utilise ainsi un vocabulaire précieux et des expressions fortement poétisées comme « les rigoureux aquilons » (ligne 5), les « zéphyrs rafraîchissants » (lignes 6 et 7). Il utise également de nombreuses tournures mélioratives et l’adverbe “toujours” est utilize à 4 reprises au cours du texte: ex parallélisme syntaxique de la ligne 10 “toujours verts et toujurs fleuris”. Cet élément adverbial permet de marquer l'idée de persistance et de continuité, d'une permanence dans le temps des éléments naturels. Les déterminant indéfinis « tout » et « toutes », qui marquent l'idée d'intégralité d'une durée, d'un espace ou d'un volume [« toute l'année » - ligne 7 – « toutes les nations connues » - lignes 12 et 13] contribuent à l'effet épique du texte. Les nombreuses hyperboles comme celle de la ligne 10: “Les montagnes sont couvertes de troupeaux” et les nombreuses insistances renforcent la sensation ressentie par le lecteur, celle d'un figement : le lecteur se voit offrir un spectacle qui devient d'une immobilité absolue. Il suffit de remarquer, par exemple, la constance du climat, qui repose sur l'équilibre des saisons et des températures… Ainsi, la métaphore de la ligne 7 résume à elle seule la persistance du beau temps et la stabilité du climat : « toute l'année n'est qu'un heureux hymen du printemps et de l'automne ». Le terme hymen qui provient du nom d’une déesse grecque qui présidait les mariages fait une nouvelle fois allusion à l’Antiquité. L’union des deux saisons est accentuée par l’expression « semblent se donner la main ». Le thème de la nuptialité est métaphoriquement associé à la fertilité des sols. C’est un figement dans le passé qui se produit ici avec l’utilisation de l’adverbe de temps autrefois, avoir conservé et “l’age d’or”. Enfin, tous les détails évoqués brièvement font penser à un jardin paradisiaque, réservé aux dieux, au jardin des Hespérides. Même si le récit utopique ne s'éloigne jamais des rivages de la littérature de voyage avec ses nombreuses descriptions, la Bétique reste un monde féérique.

B)Un peuple animé des meilleures vertus

Dans cet extrait, tout suggère la magnanimité de ce peuple paisible et pacifiste. Des habitants noyés dans le bonheur simple de la vie domestique, qui agissent d'une manière totalement désintéressée. Ils incarnent l'humilité, la modestie, ils trouvent le bonheur dans la joie du labeur, dans les plaisirs simples de la vie domestique. L'auteur vante les délices de cette vie champêtre toute entière consacrée aux pratiques agricoles, au pastoralisme « Ils sont presque tous bergers ou laboureurs » (lignes 19 et 20). Cette observation est reprise d'une manière redondante aux lignes 22 et 23 : « encore même la plupart des hommes en ce pays, étant adonnés à l'agriculture ou à conduire des troupeaux (...) ». . . Une phrase résume à elle seule l'état d'esprit des habitants de la Bétique : « simples et heureux dans leur simplicité ». La conjonction de coordination joue un rôle de renforcement, associant d'ailleurs des mots d'une même famille analogique aux graphies voisines. Cette expression met en évidence le retour d'un mot déjà énoncé (adjectif qualificatif « simples ») mais sous sa forme substantive cette fois (« simplicité »). . Il est question par ailleurs de « plusieurs mines d'or et d'argent dans ce beau pays ». Le déterminant indéfini « plusieurs » implique une abondance de ces minerais précieux. Mais les habitants ne semblent pas se préoccuper de l'utilité de ces ressources minières. L'or et l'argent ne servent visiblement pas à frapper monnaie. Le narrateur précise en effet : « nous avons trouvé l'or et l'argent parmi eux employés aux mêmes usages que le fer » (lignes 17 et 18). Et de donner pour exemple « des socs de charrue ». Le narrateur-descripteur précise, en outre : « on voit en ce pays peu d'artisans ». Le prédéterminant quantificateur « peu de » implique un faible nombre de travailleurs qui exerceraient un art mécanique ou autre, un métier manuel exigeant une certaine qualification ou un savoir-faire technique. Ce qui ne veut pas dire que l'artisanat soit une forme de travail inconnue de la Bétique. Fénelon semble plutôt indiquer qu'il s'agit essentiellement d'un artisanat rural, et non pas d'un artisanat urbain, de corporation, ou bien industriel. Les habitants de la Bétique, précise Adoam, prennent soin d' « exercer les arts nécessaires pour leur vie simple et frugale ». Ce qui veut dire qu'ils ne travaillent pas pour le compte d'autrui, qu'ils ne vendent pas leur force de travail. Les deux épithètes coordonnées « simple » et « frugale » sont des quasi synonymes. La frugalité est une forme de modération, de tempérance. Ces hommes et ces femmes se contentent donc de peu, usant des choses avec mesure. La nature prolifique et généreuse fait en sorte que ces gens ne manquent de rien. Elle les dispense d'un travail fastidieux. D'ailleurs, dès l'entame de l'extrait, Fénelon s'approprie le mythe de l'âge d'or : « Ce pays semble avoir conservé les délices de l'âge d'or » (lignes 4 et 5). Les gens de la Bétique auraient en quelque sorte maintenu cet âge, un lieu hors de tout lieu, une uchronie (une fiction reposant sur une réécriture de l'Histoire à partir de la modification d'un événement du passé, donc une histoire contrefactuelle). L'utopie nécessite une achronie, c'est-à-dire une durée qui se situe hors du temps, qui s'inscrit dans l'intemporel. Les repères temporels dans cet extrait des Aventures de Télémaque restent bien vagues (« Ainsi, toute l'année ... »- ligne 7).

II. Une critique à travers un discours oratoire

A. Une utopie qui présente la philosophie du bonheur

Selon Fénelon, comme on vient de le voir, le paysage rustique et rupestre de la Bétique sert de décor à une vision magnifiée d'une économie pastorale : autrement dit, ce tableau d'un pays merveilleux, extraordinaire, va servir à révéler le secret des peuples heureux. Tout d’abord, l’argent ne fait en aucun cas le Bonheur des homme pour Fénelon, toute activité matérielle est factice et vouée à l'échec. L'enrichissement personnel ne produit aucun avantage pour la communauté sociale. L'appétit du gain est une entrave sociale. Fénelon reprend le thème de l'exécrable faim de l'or. De longue date, les échanges marchands ont permis une diffusion de la monnaie qui a toujours été un instrument économique. Fénelon n'ignore pas ce lien entre l'activité marchande et la circulation monétaire, ce qui le conduit à préciser que les habitants de la Bétique « ne faisaient aucun commerce au-dehors », et par conséquent qu'ils « n'avaient besoin d'aucune monnaie » (ligne 19). Le système économique de la Bétique se fonde sur une espèce de monnayage féodal, primitif, sur un échange direct de biens, ce qui implique un surplus de matières premières ou bien de produits agricoles. Dans le mitant de l'extrait, la description cède la place au discours et à un enchaînement de questions rhétoriques qui servent de prémices à un réquisitoire polémique. : « Les hommes de ces pays sont-ils plus sains et plus robustes que nous ? Vivent-ils plus

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