Madame Bovary

très différentes. Sa mère tout d'abord, le fait grandir parmi les préceptes des Lumières, le voit déjà établi dans la société et pour ce faire, lui prodigue une éducation des plus classique en lui apprenant à lire entre autre. Tout au contraire, le père de Charles est un homme que l'on peut dire rousseauiste car il élève, ou plutôt le laisse grandir, "le laissait courir sans souliers" et lui "apprenait à boire des grands coups de rhum et à insulter les processions." Il ne cherche donc pas à faire de son fils un homme du monde.

Ces deux éducations tout à fait différentes ont eu sur Charles l'effet d'annuler tout développement d'un caractère propre et il ne sera donc plus capable de s'affirmer. En tant que chef de maison, lorsqu'Emma renvoie une domestique, Charles qui pourtant "aimait un peu cette pauvre fille" ne sera pas capable d'affirmer son désaccord avec la décision prise par sa femme. Il n'ose tellement pas s'affirmer qu'il "aval[e] avec plaisir" et "jusqu'au bout" un met bien simple qui est pourtant raté.

Est-ce que malgré cette absence de caractère il ne serait pas capable de briller par son esprit ou alors ses actions ? Lorsqu'auprès de Monsieur Rouault qui s'est cassé la jambe, Charles, qui exerce la profession de médecin, se réjouit de la fracture qu'il a face à lui car il "n'eût osé en souhaiter de plus facile", on peut en déduire son incompétence car un médecin est censé être capable de soigner tout type de fracture. Etre soulagé d'en trouver une qui est a sa portée n'est pas une preuve de sa compétence, bien au contraire.

De plus, il ne se contente pas de la soigner et ensuite de réconforter son patient à sa manière mais il fait tout cela en "se rappelant les allures de ses maîtres". Il n'a donc même pas une pensée qui lui serait propre mais se contente de faire exactement comme ses maîtres sans apporter quelque chose de personnel qui aurait mis en avant une quelconque qualité.

Il est donc totalement incapable de faire quoi que ce soit comme l'atteste encore son lamentable échec lors de la tentative pour soigner le pied bot d'Hippolyte. Non seulement l'opération n'est pas un succès mais la jambe sera bientôt "couverte d'ecchymoses occasionnées par la fameuses machine" dont Charles avait enserré la jambe et il se borne dans son imbécilité en jugeant à propos de "rétablir le membre dans l'appareil, et en l'y serrant davantage, pour accélérer les choses." Charles est donc un incapable quant aux actions qu'il mène mais quand est-il de sa pensée ?

Lors de la soirée qui suit son mariage, il se retrouve face à ses invités qui lui adressent divers mots d'esprit mais Charles "répondit médiocrement aux pointes, calembours, mots à double entente, compliments et gaillardises". Non seulement il n'est pas capable de se défendre lorsque les invités le charrient mais il n'est même pas capable de répondre correctement aux compliments qu'on lui fait.

Peut-être a-t-il plus d'esprit lors de conversation ? C'est loin d'être le cas car Emma décrit la conversation de son mari comme étant "plate comme un trottoir de rue" sur lequel "les idées de tout le monde [...] défilaient dans leur costume ordinaire." Quand bien même elle essaierait d'avoir un avis sur quelque chose, elle n'y arriverait pas car Charles a "une approbation toujours prête" et n'est donc incapable de quoi que ce soit d'original.

Bien que Charles ne brille pas par son caractère ou par son intelligence, Emma a-t-elle un caractère plus marqué et qui correspond mieux à ce que les autres attendent d'elle ? Dans les jours qui suivent son mariage, elle se trouve à rêver car l'idée du mariage et des joies qui s'en suivent ne correspondent pas à ce qu'elle imaginait. Dans son imaginaire, et pour être heureuse, elle rêve de "stores de soie bleue", d'"écout[er] la chanson du postillon", de "respire[r] au bord des golfs le parfums des citronniers", de "regarde[r] les étoiles" . Les sens ont donc une place primordiale dans sa vie et elle y est particulièrement sensible. Elle désire donc quantité de choses que ce mariage ne lui apporte pas et n'arrive pas à se contenter de ce qu'elle a.

Cependant, elle est incapable de faire quoi que ce soit pour que ça change et elle ne fait qu'"attend[re] un évènement" et passe son temps à "espérer[er] pour la journée" que quelque chose arrive afin de la distraire d'un ordinaire qui ne lui plait guère. Pourtant, lorsqu'enfin elle a un amant qui est capable de lui faire vivre quelque chose qui sort de son ordinaire, elle est tout d'abord ravie, "se délectant à cette idée" mais peu de temps après, son caractère inconstant la mène à se demander "pourquoi donc elle exécrait Charles" après s'être repentie de l'avoir trompé.

La seule chose dont elle est capable est alors de rêver et de chercher à savoir qu'est-ce qu'on entend par "les mots de félicité, de passion et d'ivresse" . Des mots qui résonnent typiquement dans le vocabulaire romantique. Est-ce que l'on peut pourtant qualifier Madame Bovary de romantique ou alors de romanesque ? Si on peut dire d'un romantique qu'il cherche l'évasion et le ravissement dans le rêve, l'exotisme et le passé, on peut dire d'Emma que c'est une romantique. En effet, non seulement elle a lu divers œuvres romantiques comme Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre ou encore des livres de Walter Scott mais ces œuvres l'ont profondément influencé dans sa représentation de ce que l'homme idéal doit être. Charles devrait être capable de nager, faire des armes, tirer au pistolet et exceller en équitation. Toutes ces choses "qu’elle avait rencontré dans un roman" . Ne trouvant pas les ravissements escomptés en Charles, elle pense les trouver dans "ces pays à noms sonores", où se trouvent "chaises de poste" et "citronniers". A défaut de voyage, elle trouvera cet exotisme grâce à Monsieur Lheureux qui lui propose à l'achat "écharpes algériennes, [..] aiguilles anglaises, [...] pantoufles en paille, et, [...] coquetiers en coco", tous ces objets que l'on peut espérer trouver en voyageant mais dont elle ne peut que rêver.

Finalement, ne trouvant pas son bonheur dans l'instant présent, elle se remémorera son éducation passée au couvent avec nostalgie alors qu'elle ne s'y plaisait guère car lors de son départ "on ne fut point fâché de la voir partir".

Dès lors, pourquoi donc a-t-elle décidé de se marier si ce mari ne correspond pas à ce qu'elle attendait de lui ? Le problème est qu'"avant qu'elle se mariât, elle avait cru avoir de l'amour; mais le bonheur qui aurait dû résulter de cet amour n'étant pas venu, il fallait qu'elle se fût trompée" . Il y avait donc de l'amour avant ce mariage mais elle espérait trouver un bonheur supplémentaire par la suite et se trouve déçue. Elle se met alors à rejeter Charles qu'elle avait pourtant