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Dissertation l'art est il inutile

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t consommés, soit utilisés en vue d’un usage quelconque dont ils ne sont que le moyen. Pourtant la satisfaction que l’on éprouve au contact d’une œuvre confère un sens à la question précédemment posée. Son élucidation nous permettra de (re)découvrir la raison d’être d’une œuvre d’art ; on la percevra de façon différente à quel titre elle peut ou non s’avérer utile - enjeux importants à l’heure où l’on déplore souvent la faible fréquentation des musées.

Observons dans un premier temps ce qui nous inciterait à opposer art et utilité, avant de comprendre, dans un deuxième temps, l’utilité de l’art qui pourrait bien être, paradoxalement, de nous libérer d’un monde machinal et pragmatique, où prédomine la recherche de l’utile.

L’art qui vise la création du beau s’affranchit de l’utile. L’esthétique Kantienne insiste à la fois sur la liberté de l’artiste et sur l’impossibilité d’expliquer la beauté par une finalité extrinsèque à l’œuvre elle-même. Selon Kant dans Critique de la faculté de juger : " tout intérêt présuppose un besoin ou en produit un ". Or l’art, semble-t-il, ne répond à aucun besoin. L’art n’est pas nécessaire au maintien de la vie ; jusqu’à preuve du contraire, on peut se passer de toiles de maître sans mettre sa vie en danger ! De fait, les fruits peints, en 1791 par J-B Siméon Chardin sur le tableau Le panier de fraises des bois, ne sollicitent pas notre gourmandise. Par ailleurs, une musique ne nous renseigne pas sur l’époque à laquelle elle fut composée. Ainsi l’art ne répond vraisemblablement pas non plus à un besoin culturel - qui varierait selon les individus ou les artistes et leur Histoire.

Derrière le besoin se profile le désir, comme manque dont la radicalité ne saurait se satisfaire d’aucun objet, s’accompagnant le plus souvent d’une souffrance. Or la réalisation ou la contemplation d’une œuvre d’art ne peut être source d’un tel désagrément que par effet interposé. Si un portrait nous rappelle quelqu'un qui était cher à nos yeux, aujourd’hui disparu, le désir que nous aurons eu de la revoir se traduira par une grande détresse devant le portrait. Cependant c’est le souvenir qui est seule cause de cette douleur - un autre spectateur devant le même portrait, pourra se rappeler quelqu'un qu’il connaît et trouver amusant de se retrouver face à un sosie vieux de quelques siècles. Hegel pense que " les relations de l’homme à œuvre d’art ne sont pas des relations du désir. Il la laisse exister pour elle-même, librement en face de lui, il la considère sans la désirer, comme un objet qui ne concerne que le coté théorique de l’esprit. " Ainsi dans la peinture occidentale, l’archétype de la beauté sensible sera le corps féminin dans sa couleur carnée qui en révèle la vie et appelle le désir. Mais en même temps, le plaisir esthétique doit rester différent du plaisir érotique sous peine d’être recouvert et évacué par lui. Pas de plaisir esthétique sans fascination, mais la séduction ici implique aussi la distance et la réserve appelé par la représentation picturale.

On est ainsi conduit au concept de " désintéressement " qui, selon Heidegger, doit être perçu de manière positive puisque le " désintéressement " libère l’objet représenté de la volonté qui voudrait l’accaparer ou l’utiliser, pour le " laisser être ". Kant écrivait ainsi " le goût est la faculté de juger un objet par la satisfaction ou le déplaisir, d’une façon toute désintéressée ". En d’autres termes, la contemplation désintéressée du beau artistique procure une satisfaction irréductible à un simple agrément et requiert l’assentiment d’autrui.

Mais comment alors imaginer qu’un objet d’art, idéal de beauté désintéressée, puisse avoir une valeur d’échange lui conférant une valeur marchande ? Une œuvre d’art dès qu’elle est considérée de façon utilitaire ne cesse-t-elle pas d’être appréciée pour sa valeur artistique ? Certes, dès la Renaissance, elle fut l’objet de spéculation entre mécènes, collectionneurs et artistes. Cependant la société capitaliste l’a transformée en vulgaire marchandise, une image sans qualité, vidée de toute profondeur et de tout élément sacré. Paradoxalement, l’art devient alors inutile, devenant produit de luxe par son prix et sa rareté. On peut alors le ranger dans la catégorie du superflu ! La limite entre l’affaire de l’art et l’art des affaires est rompue au détriment de l'œuvre, qui perd toute signification propre.

Kant s‘oppose à cette logique en dictant le principe d ’ " intérêt moral " selon lequel, on " peut prendre intérêt à quelque chose " sans pour autant " agir par intérêt ".

L’art peut donc avoir un intérêt si l’on prend en compte la logique utilitariste. En effet, on peut juger d’une œuvre d’art - tout comme d’une action - en fonction de l’augmentation ou de la diminution des plaisirs procurés. On peut affiner cette conception grâce à John Stuart Mill qui classe les plaisirs de façon qualitative et non quantitative : on peut alors associer l’art aux plaisirs supérieurs, c’est à dire ceux de l’esprit. L’art, n’est-il pas pour l’homme un moyen de se libérer de l’aliénation du quotidien ? Œuvre d’art n’est-elle pas par ailleurs le témoin de la lucidité, qui se traduit par l’envie de réaffirmer la vie par delà l’absurdité et la douleur du monde ?

Selon Bergson, l’art nous détourne de l’abstraction qui nous fait perdre le contact avec les choses, et ce tout en nous arrachant aux préoccupations pragmatiques par lesquelles nous réduisons la réalité à de sommaires schémas pour guider l’action. L’œuvre d’art devient en quelque sorte la médiatrice de l’activité humaine dans un effort de réappropriation du réel. Pour reprendre un exemple énoncé par Kant, nous pouvons juger beau un palais même si la construction a supposé l’exploitation du peuple (dimension pratique ou morale) et alors même que l’idée de l’habiter nous paraîtrait saugrenue (question pragmatique). Seul le rapport esthétique est innocent, puisqu’il laisse être la chose sans lui nuire ou la ruiner. C’est un rapport de contemplation et non de consommation.

La consommation est une des caractéristiques essentielles de notre société qui la rend monotone. Ainsi s’approvisionne-t-elle presque toujours des mêmes " nourritures sensibles " offerte à sa consommation. L’art brise cette routine et nous arrache à notre monde familier en devenant la source jaillissante

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