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Dorine Dissert'

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nt de plein droit à la pensée cartésienne a été rédigée seulement à ce moment-là, mais Descartes ne l’a pas achevée. Le titre de cet ouvrage, écrit en latin, est : Règles pour la direction de l’esprit. C’est le premier exposé de la méthode cartésienne.

Dès son arrivée à Amsterdam (mais il changera souvent de ville au cours des vingt ans passés en Hollande), Descartes commence un petit traité de métaphysique, inachevé aussi, et s’attèle à une tâche de grande ampleur, la rédaction d’un traité de physique qui expose la structure du monde. Au moment de le publier, en 1633, Descartes, apprenant la condamnation de Galilée par l’Eglise, décide d’en surseoir la publication de peur qu’une semblable mésaventure ne lui arrive. Quatre ans plus tard, il donne enfin au libraire, mais sans le signer et en français (ce qui est d’une grande nouveauté pour l’époque), le livre que tous ses amis attendent, le Discours de la Méthode suivi de trois essais qui sont comme des échantillons de la méthode : La Dioptrique, Les Météores, La Géométrie. Désormais, les grandes œuvres se succèdent rapidement : Les Méditations métaphysiques (publiées en latin en 1641), Les Principes de la philosophie (en latin aussi en 1644), une version française de ces Principes que précède une Lettre-préface de la plus grande importance (1647), et enfin Les Passions de l’âme, qui paraissent en Hollande et en France en novembre 1649 alors que Descartes est déjà arrivé à Stockholm où il mourra très peu de temps après (le 11 février 1650).

“ Quel autre lieu pourrait-on choisir au reste du monde, où toutes les commodités de la vie, et toutes les curiosités qui peuvent être souhaitées, soient si faciles à trouver qu’en celui-ci ? Quel autre pays où l’on puisse jouir d’une liberté si entière, où l’on puisse dormir avec moins

d’inquiétude, où il y ait toujours des armées sur pied exprès pour nous garder, où les empoisonnements, les trahisons, les calomnies soient moins connus, et où il soit demeuré plus de reste de l’innocence de nos aïeux ? ” Lettre à Guez de Balzac, 5 mai 1631

LA LUMIÈRE

L’impulsion initiale du travail scientifique de Descartes a été la critique de la physique scolastique, tout encombrée encore de l’enseignement d’Aristote en cette matière. Dès ses premiers écrits, Descartes a rejeté ce qui à ses yeux n’étaient qu’idées confuses : les formes substantielles par lesquelles les scolastiques croyaient expliquer la nature des corps matériels ne sont pour Descartes que des mots qui recouvrent l’ignorance de la véritable nature de la matière.

Dire par exemple que la lumière est le mouvement des corps lumineux, c’est ne rien dire.Or la lumière est, selon Descartes, le phénomène physique fondamental à partir duquel il va décrire la structure du monde. Mais il y a une grande différence entre la lumière telle que chacun la voit et la cause qui produit cette sensation dans les corps qu’on appelle lumineux (le soleil par exemple). Ce ne sont pas les corps qui sont lumineux, les mouvements des particules matérielles dont ils sont composés produisent dans l’esprit le sentiment de la lumière. Mais il n’y a rien de commun entre la cause matérielle et l’effet sensible. Les qualités sensibles (le chaud, le froid, le sec, l’humide, le dur, les couleurs) sont subjectives, ce ne sont pas des propriétes physiques des corps eux-mêmes. Cette idée, qui pour nous est extrêmement évidente, a mis du temps à le devenir, et Descartes est, avec Galilée, celui qui est parvenu à l’établir et à ouvrir ainsi la voie de la physique.

Que sont donc les corps matériels s’ils ne sont pas en eux-mêmes tels qu’on les perçoit ? des choses étendues, figurées et en mouvement ou en repos. Voilà les seules propriétés qui leur conviennent vraiment. Or ces notions sont celles que les géomètres considèrent, ils n’en connaissent pas d’autres. Pour faire une étude scientifique des choses naturelles, une physique donc, il faut utiliser, contre l’opinion d’Aristote, les mathématiques, il faut mesurer et calculer.

LE CORPS

Si la lumière est le fil conducteur de la physique cartésienne, la machine, et plus particulièrement l’horloge, est le terme le plus fréquemment employé par Descartes pour désigner le corps, aussi bien celui de l’animal que celui de l’homme.

Dès ses premiers écrits (dans le Traité – non publié – de L’Homme), Descartes a pensé pouvoir beaucoup mieux expliquer les diverses fonctions corporelles en comparant le corps à

une machine automate qu’en considérant la vie comme quelque chose d’irréductible à

la matière. Contrairement à l’enseignement d’Aristote, ce n’est pas l’âme qui pour Descartes fait du corps un corps vivant, animé. On doit pouvoir expliquer les principales fonctions corporelles – la digestion, la locomotion, la respiration, mais aussi la mémoire et l’imagination corporelles – comme si elles résultaient d’un mécanisme que Dieu avait voulu rendre automatique, comme une horloge destinée à montrer les heures par la seule disposition de ses roues et contrepoids. Inutile donc de supposer une petite âme qui dirigerait chaque fonction principale et lui ferait réaliser le but pour lequel elle a été conçue.

Cette représentation, destinée à un grand avenir (la comparaison du corps avec une machine n’a jamais cessé, de l’horloge à roues à l’ordinateur), constitue une des pièces maîtresses de la pensée cartésienne. Sur elle va reposer la distinction métaphysique de l’âme et du corps, mais aussi l’explication de leur union au sein d’un même être, l’homme ; sur elle aussi s’appuiera l’explication cartésienne de la formation des passions dans l’âme. Car pour comprendre comment les passions se produisent dans l’âme, comme pour savoir comment leur résister, il faut d’abord pouvoir reconnaître l’action du corps seul sur l’âme et donc ne pas sous-estimer son rôle et son influence dans la plupart des pensées et des conduites des hommes. L’importance accordée de tout temps par Descartes à la médecine tient aussi à cette conception de l’automatisme corporel.

“ Je désire que vous considériez que ces fonctions [ digestion, nutrition, respiration, etc. ] suivent toutes naturellement, en cette machine, de la seule disposition de ses organes, ni plus ni moins que font les mouvements d’une horloge, ou autre automate, de celle de ses contrepoids et de ses roues. ” Traité de l’homme

LES ANIMAUX-MACHINES

Une idée de Descartes, relative à sa conception mécaniste du corps, a été particulièrement discutée et a soulevé d’innombrables protestations indignées jusqu’à aujourd’hui, celle selon laquelle l’animal agirait en toutes ses actions comme un automate très perfectionné.

Cette thèse, ou plutôt cette hypothèse, découle directement de ce que Descartes identifie l’âme avec la pensée dont le caractère distinctif est la connaissance : l’être qui pense sait qu’il pense, et il s’arrange pour faire savoir, par un moyen ou par un autre, ce qu’il pense aux autres. Descartes imagine, dans la cinquième partie du Discours de la Méthode, une sorte de test pour reconnaître une action sensée d’une action mécanique, automatique ou naturelle (seulement dictée par la nature, ici synonyme d’instinct). Si l’on pouvait construire des machines qui eussent les organes ou la figure d’un singe, nous ne pourrions jamais distinguer le singe artificiel du singe naturel… Dans d’autres textes, Descartes précise davantage sa pensée en notant que toutes les actions, et surtout les plus accomplies, des animaux peuvent être expliquées par la structure et la disposition de leurs organes et résulter de l’instinct (nous dirions aujourd’hui : du programme génétique). La perfection même de certaines de leurs actions plaiderait pour le caractère automatique de leur exécution. Au contraire, une action intelligente a toujours quelque chose d’imparfait et d’inachevé, et peut être encore perfectionnée. Parce qu’elle est libre (elle procède de la liberté), elle pourrait être autre qu’elle n’est, elle n’est donc pas strictement déductible des conditions naturelles.

La différence entre l’homme et l’animal n’est donc pas une différence de degré ou de complexité, mais bien une différence de nature. Car l’homme, parce qu’il pense, parle ou invente un système de signes destiné à communiquer ce qu’il pense. La parole est le seul signe certain d’une pensée enfermée dans le corps. On peut alors conjecturer que si l’animal ne nous communique pas ses pensées, ce n’est pas parce que nous ne comprendrions pas le

“ langage ” dans lequel il les exprime, mais parce qu’il ne pense pas. Cela ne veut pas dire qu’il ne vit pas ou qu’il n’est pas sensible, mais seulement qu’il n’est régi que par un principe mécanique et non aussi par un principe intelligent.

“ Or il est, ce me semble, fort remarquable que la parole, étant ainsi définie, ne convient qu’à l’homme seul. Car, bien que Montagne et Charon aient dit qu’il y a plus de différence d’homme à homme, que d’homme à bête, il ne s’est toutefois jamais trouvé aucune bête si parfaite, qu’elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d’autres animaux quelque chose qui n’eût point de rapport à ses passions ; et il n’y

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