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La parenté entre l’Égypte pharaonique et l’Afrique noire

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s défenseurs de l’origine nègre de la civilisation pharaonique. Il s’appuie, entre autres, sur l’anthropologie physique et culturelle pour développer des points de vue difficilement irréfutables. Il conclut son article par ce passage : « en résumé, l’on voit qu’il ne manque pas de caractères ataviques qui rappellent l’origine noire des Égyptiens. Il serait difficile d’ailleurs de leur trouver une autre origine si l’on tient compte des caractères anthropologiques », (id., ibid.).

I. Les fondements ontologiques de la circoncision et de l’excision

Les causes de ces “mutilations génitales” ont été différemment interprétées par les auteurs. Zaborowski est d’avis que, dans les sociétés antiques, la circoncision a remplacé deux violences qui étaient réservées aux vaincus : l’éviration c’est-à-dire l’immolation et les sacrifices humains des prisonniers de guerre2. Quant à Adolphe Bloch, il croit qu’on pratiquait l’excision chez les femmes de l’Égypte antique car elles avaient « les petites lèvres normalement développées comme dans certaines races de l’Afrique, les Abyssins, par exemple ; c’est donc encore là un caractère atavique. Ces petites lèvres pouvant devenir très

volumineuses, on les excise aux approches de la puberté »3.

Il faut admettre que la bonne explication est l’oeuvre d’égyptologues africains. Considéré aujourd’hui comme l’un des savants les plus féconds, Cheikh Anta Diop propose l’interprétation la plus sérieuse. Il explique ces pratiques par l’androgynie divine qui est présente aussi chez les humains. Pour lui, cette androgynie est présente chez l’enfant qui vient de naître : « les idées égyptiennes éclairent également la conception androgyne de l’être chez les Dogon et fournissent les fondements ontologiques de la circoncision. Pour les Égyptiens, Dieu, en particulier le dieu Amon (en dogon : Amma), autogène, était nécessairement androgyne. Cette androgynie divine se trouve chez les humains à un moindre degré et explique, en Égypte pharaonique comme dans le reste de l’Afrique Noire, les pratiques de la circoncision et de l’excision pour séparer radicalement les sexes à l’âge de la puberté »4. Ainsi, c’est l’androgynie des dieux qui donne les justificatifs ontologiques à la pratique de la circoncision et de l’excision en Égypte ancienne comme en Afrique noire puisque l’enfant qui vient de naître, quel que soit son sexe, est un être androgyne. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que le prépuce est le principe femelle chez le garçon et le clitoris est le principe mâle chez la jeune fille. Dans les religions africaines, le prépuce est l’âme femelle double chez le garçon et le clitoris, l’âme mâle double chez la fille. Et le principe de la double âme est un danger chez les êtres humains ; puisque « cette âme double est un danger : un homme doit être mâle et une femme femelle. Circoncision et excision remettent encore les choses en ordre »5. On comprend par là, puisque seul l’être divin a droit à l’androgynie, alors il faut procéder à la circoncision ou à l’excision de l’enfant, c’est-à-dire “séparer le masculin du féminin”.

II. Les évidences de la circoncision dans la culture pharaonique

Nous n’aborderons pas dans cette étude les nombreux témoignages des auteurs grecs sur l’existence de la circoncision dans la Vallée du Nil6. Nous nous limiterons seulement à montrer les évidences de cette pratique dans la culture pharaonique en utilisant les sources épigraphiques (textes hiéroglyphiques, l’iconographie) et quelques données tirées de la momiologie.

Dans les textes hiéroglyphiques, on retrouve des expressions relatives à l’ablation du prépuce. La circoncision est très explicitement mentionnée dans les Textes des Pyramides. En effet, Gaston Maspero a relevé une inscription de la pyramide du roi Téti à Saqqarah (VIe dynastie) mentionnant cette intervention chirurgicale. Le passage en question est le suivant : 2

L’égyptologue français pense que le mot , Dwa Tsbw est dérivé du copte cebi qui signifie “circoncire”.

Les textes religieux également ont consigné cette opération rituelle ; en effet, le « Livre des Morts, ce recueil sur papyrus de formules magiques que l’on joignait, à partir du Nouvel Empire, à la momie du défunt pour qu’il atteigne sans encombre à la vie future, renferme au chapitre XVII un verset qui signale une indéniable intervention portant sur les organes génitaux. Au § 23 on peut lire : “Du sang qui tomba du phallus de Râ, après qu’il eut achevé de se couper lui-même”. S’il n’est pas défendu de voir dans ces lignes une façon discrète de signaler que le dieu Ra pratique sur lui-même une circoncision, rien ne permet cependant d’exclure avec certitude l’idée d’une mutilation sexuelle d’un autre ordre »8.

L’auteur traduit fxt par “circoncis” ; mais le sens premier de fxt est “délier”, “débarrasser”. Cependant, la lecture de fxt par “circoncis” n’est pas une erreur puisque la circoncision consiste effectivement à délier le prépuce afin de débarrasser l’individu de son impureté originelle. Dans les croyances religieuses égyptiennes, tout individu majeur n’ayant pas subi la circoncision était considéré comme impur. Un ostracon hiératique trouvé dans le Ramesseum, daté de l’an 44 de Ramsès III (XIXe dynastie) fait cas de cette impureté attachée à la condition d’incirconcis10. Ensuite, l’aversion des anciens Égyptiens pour la non circoncision est largement exposée dans « un texte que nous devons à Piankhi, le roi d’Éthiopie, contemporain d’Osorkon III qui régnait sur la Haute-Égypte sous la XXVe dynastie. Piankhi nous a laissé un texte, sur une stèle, le récit de la campagne qui le mena, à travers l’Égypte, jusqu’à la Méditerranée et qui fit de lui le souverain effectif de toute la Vallée. Cette inscription historique comporte un fragment qui nous intéresse, le récit de l’arrivée des dynastes du Delta autorisés à venir, en personne, faire leur soumission au vainqueur. “Quant aux rois et aux chefs de la Basse Égypte, venus pour contempler les grâces de sa majesté… ils n’entrèrent pas dans le palais parce qu’ils étaient impurs… Mais le roi Nemaret put entrer dans le palais parce qu’il était pur… Les autres princes restèrent debout devant le palais”. Déjà De Rougé, s’occupant de ce texte en 1911, avait estimé que ce n’était pas faire une conjecture trop hardie que de voir dans le mot ama (impur), opposé au mot wab (pur), une façon déguisée de signifier que ceux qui étaient ainsi qualifiés étaient des gens non circoncis. Le signe du phallus déterminant le mot ama permet de croire que les Égyptiens avaient réellement cette conception particulière de l’impureté qu’était chez eux un phallus incirconcis »11.

L’iconographie pharaonique nous permet de mesurer que la circoncision était en Égypte ancienne un véritable rite de passage. La plus ancienne représentation plastique se trouve dans le tombeau d’Ankh-Ma-Hor à Saqqarah. 3

Scène de circoncision : tombeau d’Ankh-Ma-Hor

Rite d’initiation accompagnant la fête de la

circoncision : tombeau d’Ankh-Ma-Hor

.

En commentant le relief d’Ankh-Ma-Hor, le Professeur Jean Capart écrit : « le fragment du British Museum nous montre, à la partie centrale, un défilé. En tête, il y avait des femmes du harem, telles que nous les voyons fréquemment, comme exécutantes aux scènes de musique et de danse (…) Derrière elles, défilent des jeunes gens ; au milieu d’eux s’avance un personnage bizarre. Peut-on dire, d’après la description ci-dessus, qu’il porte un masque de lion ? On pensera plutôt à la physionomie caractéristique du dieu Bès. L’inscription qui surmonte le groupe dit : “Danser (ou faire des tours d’acrobatie) par les jeunes gens”. Le mot Xrd.t est écrit SdX.t, comme l’enregistre le nouveau dictionnaire d’Erman-Grapow. À ma connaissance, cette scène est unique, de même que la suivante. Quatre jeunes garçons, dont un seul est vêtu d’un pagne léger, semblent enfermés dans une hutte ou un enclos. À l’extérieur, un enfant regarde vers la hutte, tandis qu’un des captifs cherche à s’évader. L’inscription, d’après le professeur Sethe, signifie : “Prends le tien parmi eux, camarade”»12. Ce bas-relief résume, à lui seul, l’appartenance de l’Égypte pharaonique à l’univers négro-africain. D’abord, le personnage qui porte le masque du lion que l’auteur qualifie de “personnage bizarre” ne pourrait être une caractéristique du dieu Bès. L’historiographie ne connait aucune représentation de Bès sous les traits d’un lion13. Il s’agit bien du maître chargé de l’initiation des jeunes circoncis qu’on appelle dans les langues sénégalaises de “Selbe” ou de “Kankuraŋ”. Ce personnage est le maître d’oeuvre du rite d’initiation. Pour ce qui est de la “hutte” et du “pagne”, écoutons le Professeur Aboubacry Moussa Lam dont la compétence dans le domaine des comparaisons entre la culture pharaonique et négro-africaine n’est plus à démontrer: « tous ces faits se retrouvent chez les Haal-pulaar-en du Fuuta-Tooro : la hutte construite en dehors du village pour accueillir les circoncis à initier, mais surtout le pagne que prenait le

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