Ronsard

analyse formelle du poème et de ses figures de styles ; ensuite j’étudierai la réflexion que mène le poète via ce rapprochement sur la vie et la mort; enfin, j’essaierai de montrer que le poète cherche dans ce poème à transcender la mort par l’écriture, à immortaliser via la poésie à la fois son amour et la femme aimée.

Développement

Le rapprochement entre la femme et la fleur

Le rapprochement entre la femme et la fleur opère à différents niveaux :

1. Au niveau de la structure des rimes

Dans un sonnet, les rimes suivent normalement le schéma suivant : soit ABBA ABBA CCD EED (sonnet italien), soit ABBA ABBA CCD EDE (sonnet français). Mais dans tous les cas, les deux quatrains sont bien distincts des tercets, puisqu’ils ne partagent pas de rimes communes. Or, dans ce poème, on a à faire au schéma suivant : ABBA ABBA CCA BBA que l’on peut également lire ABBA ABBA CC ABBA. Ronsard a donc cherché à lier les tercets aux quatrains, en limitant volontairement le nombre de rimes. Ainsi, les quatrains, dans lesquels le poète chante la beauté éphémère de la rose, se trouvent associés par les rimes en fin de vers aux tercets, qui sont eux consacrés à Marie. La rose et la femme se trouvent ainsi rapprochées dans la structure même du poème. Au lieu de la traditionnelle opposition entre quatrains et tercets, on a donc un poème qui les rapproche, parce que c’est une manière de rapprocher femme et rose.

2. Au niveau du vocabulaire

De plus, et pour la même raison, les tercets reprennent de façon insistante à l’intérieur des vers, des mots ou expressions qui apparaissent dans les quatrains (fleur, v. 2, 13) (pleur, v.4, 12) (première v.2, 9) (jeunesse/jeune, v. 2, 9) (ciel, v. 3, 10). Donc les quatrains sont à nve rapprochés des tercets.

Ensuite, nous voyons que la rose a bien des points communs avec une jeune fille : sans être totalement personnifiée, la rose est caractérisée par un vocabulaire plutôt réservé à un être humain : « jeunesse » au vers 2, « grâce » et « amour » au vers 5, « languissante » et « elle meurt » au vers 8. Ces mêmes termes ou des synonymes très proches caractérisent la femme aimée : Cf. par exemple « en ta première et jeune nouveauté » (vers 9); « beauté » (vers 10) ; « t’as tuée », (vers 12). Le même lexique sert donc à définir la rose et la femme aimée, ce qui là aussi contribue à leur mise en équivalence.

Enfin, dans le dernier vers, la femme (via la synecdoque « ton corps ») et la rose (au pluriel) se trouvent réunit, par-delà la mort.

3. Les raisons de ce rapprochement

Si la femme et la rose se trouvent rapprochées, c’est en raison de leur commune et éphémère beauté. Cette beauté est célébrée dans ce poème et mise en avant à travers différents procédés : Le poème, qui est un poème d’amour, se présente donc comme un éloge à la femme aimée, éloge qui est repérable là-aussi à différents niveaux.

Tout d’abord, dans la mise en valeur du terme « rose » à la fin du premier vers, terme qui revient dans le verbe « arrose » et dans le dernier vers, mais cette fois au pluriel. Le poète use par ailleurs d’un champ lexical mélioratif à propos de la femme: la rose (la femme) est d’abord présentée au premier vers comme objet d’admiration visuel, dont la beauté exerce une aura puissante sur l’univers, puisqu’elle rend le ciel jaloux, celui-ci faisant l’objet d’une personnification (v. 3) de par les sentiments humains qui lui sont associés. « l’Aube », vers 4, dont la majuscule semble indiquer que l’on fait référence à la déesse Aurore («aux doigts de roses »), semble être au service de la rose (elle l’arrose). Dans le deuxième quatrain, le poète insiste cette fois non pas sur la beauté visuelle de la rose, sur le sens de la vue qu’elle met en émoi, mais sur le pouvoir ensorcelant de son parfum (v. 6), beauté et parfum contribuant à asservir à ses pouvoirs « la Terre et le Ciel » qui l’honorent (v.10). La beauté de la femme, célébrée par Ronsard, soumet donc non seulement à son pouvoir son entourage (vers 6), mais l’univers entier. =éloge maximum

Le thème de la vie et de la mort

La femme et la rose sont aussi rapprochées dans ce poème parce qu’elles connaissent un même destin : la mort et en particulier une mort précoce. On a ainsi tout un champ lexical de la vie, du renouveau [cf les expressions : « mois de may » (v.1), « jeunesse » (v.2), « première fleur » (v.2) ; « aube » (v.4) ; « point du jour » (v.4), « première et jeune nouveauté » (v.9)] qui s’oppose an champ lexical de la mort [cf. « La Parque » (v. 11), « tuée » (v. 11), « cendre » (v. 11) « reposes » (v. 11) « Obsèques » (v. 12), « mort » (v. 14)] . La répétition de l’adjectif ordinal « premier » (vers 2 et 9) permet par ailleurs de souligner le caractère éphémère de la jeunesse, en laissant entendre que ce n’est qu’un état parmi d’autres.

La menace de la mort ou du dépérissement plane en fait d’entrée de jeu sur la vie, comme le montre certains éléments négatifs, présents dès les premiers quatrains, pourtant consacrés à la jeunesse. Par exemple dans le premier quatrain, vous avez l’Aube qui pleure, comme si d’avance elle regrettait la femme ou la rose ; ds le 2e quatrain, vous avez le verbe « repose » (v.5), dont on est invité à entendre la signification mortuaire, puisque ce verbe est répété à la rime au vers 11, cette fois explicitement dans le sens de mort. De même, le participe présent « embaumant » (v.6) doit, vu le contexte, sans doute être compris comme une syllepse, c’est-à-dire comme une figure de style qui associe le sens propre et le sens figuré d’un mot, donc ici « embaumer » dans le sens de sentir bon, mais aussi de traiter le corps d’un cadavre de manière à ce qu’il se conserve. Enfin, de manière explicite, la figure mythique du destin, la Parque, au vers 11, montre qu’à tout moment, la mort peut frapper, que notre vie est sans cesse aux mains de ce destin qui choisit quand il veut d’en couper le fil : Donc, Ronsard met bien en œuvre dans ce poème la pensée épicurienne de la mort déjà présente dans la vie (idée du Carpe Diem : Profite du moment présent, car on ne sait pas ce que l’avenir réserve).

La force d’immortalisation de la poésie

Cependant, le poème ne se termine pas sur le constat noir de la mort. Il propose au contraire, comme on va le voir, une issue par le chant poétique. Dans le dernier tercet en effet, le poète offre à la femme aimée, lors des obsèques, ses larmes et ses pleurs, mais aussi (v. 13) « ce vase plein de laict, ce panier plein de fleurs ». Si le « vase plein de laict » fait allusion à une coutume antique, qui voulait qu’on