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Carter Druse

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Sur l'énorme piédestal de la falaise, immobile à l'extrême bord du rocher qui la couronnait, découpée sur le ciel en lignes nettes, se dressait une statue équestre d'une imposante dignité. La silhouette de l'homme était assise sur la silhouette du cheval, droite et martiale, mais avec l'harmonieuse aisance d'un dieu grec sculpté dans le marbre qui limite toute suggestion d'activité. L'uniforme gris s'harmonisait avec l'arrière-plan aérien.

Bien éveillé, ayant pleinement conscience de la gravité de la situation, le soldat amena la crosse de son fusil contre sa joue en poussant pru-demment le canon en avant à travers les buissons ; il l'arma, puis, à travers la mire, visa un point vital de la poitrine du cavalier. S'il eût touché la détente, tout aurait été bien pour Carter Druse. A cet instant l'homme tourna la tête et regarda dans la direction de la senti-nelle cachée ; ce regard sembla examiner son visage même, ses yeux, et pénétrer jusqu'au fond de son cœur brave et compatissant.

Est-il donc si terrible de tuer un ennemi pendant la guerre, un ennemi qui a surpris un secret d'une importance capitale pour votre sécurité et celle de vos camarades, un ennemi rendu plus redoutable par ce qu'il sait que ne l'est toute son armée par le nombre de ses soldats ? Carter Druse devint mortellement pâle ; il se mit à trembler de tous ses membres, se sentit défaillir, et vit devant lui le groupe sculptural prendre l'aspect de formes noires qui s'élevaient et retombaient et vacillaient en arcs de cercle dans un ciel de feu. Sa main lâcha son arme, sa tête s'abaissa lentement jusqu'à ce que son visage reposât sur les feuilles où il était étendu. Ce galant homme plein de courage, ce soldat audacieux, faillit s'évanouir sous la violence de l'émotion.

La défaillance ne fut pas longue. Un instant plus tard, il avait relevé la tête, ses mains reprenaient leur place sur le fusil, son index cherchait la détente. Son esprit redevint lucide, son cœur, serein, sa vision, nette, sa conscience et sa raison, saines. Il ne pouvait espérer capturer son ennemi ; lui donner l'alarme l'aurait amené à se précipiter vers son camp, porteur de la nouvelle fatale. Le devoir du soldat était clair : de son embus-cade, il lui fallait tuer cet homme ; sans l'avertir, sans lui laisser une minute pour se préparer à la mort ou pour faire une prière mentale, il devait l'envoyer devant le Juge Suprême... Mais non, il y a encore un espoir ; peut-être n'a-t-il rien découvert, peut-être se contente-t-il d'admirer le sublime paysage. Si on le lui permet, il va sans doute faire demi-tour et chevaucher nonchalam-ment vers le lieu d'où il est venu. A coup sûr, il sera possible, au moment où il se retirera, de juger s'il sait. Il se peut fort bien que cette fixité d'attention... Druse tourna la tête et regarda au-dessous de lui, à travers les abîmes de l'air, comme s'il eût regardé de la surface jusqu'au fond d'une mer transparente. Dans la prairie verte, il vit sinuer lentement une ligne de silhouettes d'hommes et de chevaux : quelque chef stupide permet-tait aux soldats de son escorte de mener boire leurs bêtes en un lieu découvert nettement visible du haut de cent crêtes montagneuses !

Ayant détourné son regard de la vallée, Druse le fixa de nouveau sur le groupe équestre en plein ciel, et, de nouveau, ce fut à travers la mire de son fusil. Mais, cette fois, il visait le cheval. Dans sa mémoire résonnaient, comme un ordre d'en haut, les paroles de son père au moment de leur séparation : " Quoi qu'il arrive, fais ce que tu croiras être ton devoir. " A présent, il avait retrouvé son calme. Il serrait les dents avec fermeté, mais sans crisper les mâchoires ; ses nerfs étaient aussi détendus que ceux d'un petit enfant endormi ; aucun de ses muscles ne tremblait ; sa respiration, jusqu'à ce qu'il la retînt au moment de viser, demeura lente et régulière. Le devoir l'avait emporté : l'esprit avait dit au corps : " Paix, ne bouge plus. " Il tira.

Le commandant, sachant à quoi s'en tenir, se contenta de sourire.

Après avoir tiré, le soldat Carter Druse rechargea son fusil et reprit sa faction. A peine dix minutes plus tard, un sergent de l'armée fédérale

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