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Dissertation Sur L'Argent

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tte puissance destructive et le « terreau nécessaire aux grands travaux », c’est qu’il ne peut-être qu’un outil indifférent. C’est l’usage de l’argent qui serait « destructeur ». Dans cette optique, nous nous interrogeons à propos des conditions à même de faire de cet outil un ressort du développement économique et social. Pour ce faire, nous consacrons la première partie à l’analyse des valeurs de l’argent pour tenter de comprendre son omniprésence et l’engouement qu’il suscite. La deuxième partie traitera le rôle « empoisonneur » de l’argent, notamment, des relations sociales et de l’activité économique. Ces aspects opposés de l’argent prouvent son indifférence. L’usage raisonné de l’argent serait à même de réussir « les grands travaux qui facilitaient l’existence » comme nous le montrerons dans la dernière partie de cette réflexion.

I) l’argent : une valeur omniprésente.

L’argent est un moyen omniprésent. La lecture historique prouve comment il contribue à l’édification des sociétés et des conditions. En fait, ce moyen défie le temps et l’espace et permet la réalisation d’objectifs variés et étendus : il est alors un outil privilégié pour satisfaire les besoins psychologiques et affectifs des individus et c’est ce qui explique l’engouement qu’il suscite.

1) l’argent : une présence remarquée.

L’argent a une présence très remarquée dans notre existence ; une omniprésence que confirme aussi bien une approche historique que le constat de son utilisation quotidienne. En effet, L’histoire de l’argent révèle l’histoire de l’humanité. Il est un témoignage du développement des sociétés. Nous pouvons dire, à la suite de Simmel, que l’histoire présente l’argent comme une valeur fondatrice des civilisations : l’exemple des cités primitives qui se fabriquaient de la monnaie à partir de coquillages montre que l’argent est davantage un besoin ou du moins qu’il répond à un besoin nécessaire. Par la suite la satisfaction de ce besoin a contribué à l’essor des civilisations. Ainsi, l’invention de la monnaie à Egine où, pour la première fois, « furent frappées des pièces de monnaie » a transformé cette ville en une grande métropole commerciale. Rapidement, l’argent devient un élément fondateur des organisations sociales et politiques comme le confirme Simmel : « au-delà de sa limitation, de son insignifiance, de sa rigidité matérielle (…) Il est, disions-nous, caractéristique de la formation de l’Etat. » ( Simmel, p : 244) de même, la centralisation de l’état au XVII siècle en France a entraîné le changement et la dégradation de la condition de l’aristocratie de l’époque. Désormais la bourgeoisie la dépasse en richesse et en notoriété. Harpagon le clame haut comme pour discréditer une aristocratie historique qui manque de moyens : « je me moque de tous ces comtes ; et le monde aujourd’hui n’est plein que de ces larrons de noblesse, que de ces imposteurs, qui tirent avantage de leur obscurité » (Acte V, SC 5). D’un autre côté, les œuvres littéraires se font l’écho de la représentation de l’argent dans la société. Ainsi, une comparaison entre l’argent de Zola et l’avare de Molière montre comment l’argent s’est dématérialisé en évoluant d’une valeur nominative, matérielle qui encourage la possession vers une valeur symbolique, abstraite qui ne prend sens qu’avec la dépense et l’échange. Cependant, les deux textes illustrent bien sa présence au quotidien : dans la comédie de Molière, il est le ressort de l’intrigue et élément principal de la tension dramatique, comme le déclare Harpagon : « « De l’argent. » Toujours parler de l’argent. Voilà leur épée de chevet, de l’argent. » ( Acte III, sc 1). Zola, lui, fait de l’argent un espace de vie où l’on se rencontre, mange, s’aime... et où on s’adonne « au négoce et à sa forme sublimée, le pur commerce d’argent. » (Simmel, p : 265). En somme, l’histoire a montré que « jusqu’à ce jour » l’argent a une forte présence et une forte influence sur les individus et sur les états. Il dépasse même les pouvoirs politique et militaire et fait miroiter à son tour des conquêtes : « tous les rêves, chuchotés depuis des mois, semblaient se réaliser devant l’enchantement public : le berceau de l’humanité réoccupé, les antiques cités historiques du littoral ressuscités de leur sable, Damas, puis Bagdad, puis l’Inde et la Chine exploitées, par la troupe envahissante de nos ingénieurs. Ce que Napoléon n’avait pu faire avec son sabre, cette conquête de l’orient, une compagnie financière le réalisait » (Zola, p : 326). Nous sommes alors amenés à nous interroger à propos des caractéristiques et des valeurs qui assurent à l’argent cette omniprésence et cette puissance.

2) les valeurs de l’argent : manifestations d’une puissance..

Coquillage, matière précieuse ou billet, l’argent n’est qu’un signe conventionnel qui n’a aucune valeur en lui-même, « n’a pas de contenu propre » (Simmel, p : 247). Cependant, deux caractéristiques fondamentales contribuent à son épopée : la facilité de son transport et la possibilité de son utilisation « pour toute acquisition économique » avec une « indifférence complète de l’objet et du moment ». (ibid) La première caractéristique a affranchi l’homme de la dictature de l’espace. Ainsi, la fin de l’œuvre de Zola nous montre Mme Caroline qui se prépare pour partir en Italie rejoindre son frère et l’argent qu’elle a pu sauver de l’écroulement de l’Universelle, quand Dom Thomas d’Alburcy dans L’Avare, a réalisé le voyage inverse. Craignant pour sa vie, il quitte Naples après avoir vendu ce qu’il avait et s’installe à Paris sous une fausse identité, Anselme. Paradoxalement, c’est cette facilité de transport de l’argent qui cause les ennuis d’Harpagon : « certes, ce n’est pas une petite peine que de garder chez soi une grande somme d’argent. »(1,4) L’argent devient donc un moyen d’affranchissement et d’accès à la liberté. Ce besoin pousse à le chercher par tous les moyens : « le besoin d’argent crée une telle détresse qu’on va même trouver alors, finalement, la personne la plus méprisée jusque dans son refuge le plus évité » ( Simmel, p, 260) comme l’a fait Cléante : « j’ai résolu d’aller en d’autres lieux (…) Je fais chercher partout pour ce dessein de l’argent à emprunter. » (I, 3) Encore est-il que dans le cas de la comédie de Molière, l’argent est seulement un moyen rare et recherché pour subvenir à la consommation immédiate ou pour couronner une passion amoureuse ; objectifs qui sont finalement satisfaits par l’intervention d’Anselme. Néanmoins, l’argent est aussi un « outil [dont] l’essence est de persister au-delà de son application particulière » (Simmel, p : 246), application qui s’étend à tous les secteurs de l’activité économique et sociale. Ainsi, nous découvrons Saccard dans le premier chapitre dans une situation déplorable et manquant de moyens pour refaire surface. Il rêve alors de « réussir enfin, remettre le talon sur ces gens qui lui tournaient le dos, et lutter de puissance avec ce roi de l’or, et l’abattre peut-être un jour » (Zola p : 43) des objectifs qui allient l’économique et l’affectif, « qui resteraient inaccessibles à un effort directement dirigé vers eux » ( Simmel, p : 243) La suite du récit montre ce personnage en train de réaliser ses objectifs et se fixer d’autres démesurément, confirmant par là cette lecture psychologique de la volonté humaine : « Aucune fin particulière de notre vouloir n’est considérée par nous comme fin dernière, nous gardons ouverte à chacune la possibilité de n’être qu’une étape vers une fin plus élevée » (Simmel p : 279). En somme, l’argent aide à la réalisation de tous les objectifs comme le précise Simmel en parlant de la puissance de l’argent : « son caractère de moyen apparaît de plus en plus nettement. Ce dernier signifie en effet que l’ensemble des objets que l’on peut acquérir par l’argent s’étend de plus en plus, que les choses se soumettent avec de moins en moins de résistance au pouvoir de l’argent » (p :275). Or, le développement n’est en fait que la réalisation successive et continue des objectifs fixés comme le confirme Simmel : « nous devons prendre la vie comme si chacun de ses instants était une fin en soi, chacun d’eux doit être pris au sérieux, (…) nous devons mener la vie comme si aucun de ses instants n’était définitif, notre sentiment de la valeur ne doit s’arrêter à aucun d’eux, chacun doit valoir comme un passage, un moyen de parvenir à des stades de plus en plus élevés. » (Ibid) L’on dirait alors pour la fin que si l’argent n’existait pas, il faut l’inventer. Il est présent dans tous les aspects de la vie quotidienne et suscite un engouement infernal. Il est comme le déclare Valère pour plaire à son maître « plus précieux que toutes les choses du monde » (I ,5) ou comme le pense Hans Sachs, cité par Simmel : « l’argent est ici bas le dieu terrestre »(p :283) : il défie le temps et l’espace, il est omniprésent , il est adoré.

L’argent s’avère donc un moyen paradoxal. D’une part, il n’a aucune valeur en lui-même et d’autre part il est de toutes les actions et de tous les projets humains. Certes, il détient sa valeur de la valeur des objectifs visés, cependant il devient rapidement un objectif visé

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