L'Affaire D'Outreau Et La Place Du Juge D'Instruction

es, à partir du 4 mai 2004. Dix-sept personnes sont accusées. Parmi elles, six seulement comparaissent libres. Le 18 mai 2004, Myriam Delay innocente treize de ses co-accusés. Le dossier s’effondre. Le juge Burgaud ne reconnaît aucune erreur. Huit accusés sont remis en liberté.

Le 2 juillet 2004, la cour d’assises prononce dix condamnations et sept acquittements (déclarer non coupable) , après seize heures de délibération. Deux condamnés qui se disent innocents retournent en prison.

La loi sur la présomption d’innocence du 15 juin 2000, entrée en vigueur en 2001 permet de faire appel devant une nouvelle cour d’assises. Devant cette longue affaire, Paris est choisi. Six des dix condamnés de Saint-Omer font appel.

Conclusion de l'affaire:

La cour d’appel de Paris acquitte tous les accusés non coupables le 1er décembre. L’État présente ses excuses. L’affaire d’Outreau aboutit à quatre condamnations définitives et à treize acquittements. Sur les dix-sept enfants initialement considérés comme victimes, seuls les quatre fils du couple Delay sont finalement reconnus comme tels.

I/ Le juge d'instruction dans l'affaire d'Outreau:

a) Son rôle dans le système judiciaire:

Le juge d’instruction est un magistrat du siège du Tribunal de Grande Instance. A la différence d’un magistrat du parquet, il est indépendant, c’est à dire que sa carrière ne dépend pas du ministre de la justice et qu’il n’est pas soumis à un supérieur hiérarchique qui pourrait lui donner des instructions dans les dossiers en cours. L’instruction est obligatoire en matière criminelle. Aucune affaire ne peut être renvoyée devant une Cour d’Assises sans une instruction antérieur. Le juge d’instruction est aussi saisi des affaires correctionnelles (concernant des délits) graves et complexes: trafic divers, délinquance organisée, délinquance économique et financière, santé publique, affaires à dimension internationale.

Une fois saisi, le juge d’instruction procède à tous les actes d’information qu’il estime utile à la manifestation de la vérité. Il effectue lui même certains actes d’instruction comme les interrogatoires, les auditions de victimes et de témoins, les confrontations, les transports sur les lieux, les reconstitutions, les perquisitions. Ces actes sont effectués en présence des avocats des personnes mises en examen ou des parties civiles.

Le juge d'instruction peut aussi transmettre les actes d’enquête à un service de police judiciaire. Il décerne alors une commission rogatoire à un service de police ou de gendarmerie en lui demandant d'effectuer certains actes dont il doit contrôler et vérifier l'exécution. Le juge d'instruction peut aussi recueillir des éléments sur la personnalité de la personne mise en examen.

Le juge d’instruction assure donc un rôle de directeur d’enquête mais il est aussi le garant du principe du contradictoire, le Procureur de la République et les avocats ayant accès au dossier, peuvent demander des actes et donner leur avis notamment à la fin du dossier.

b) Les erreurs commises dans l'affaire d'Outreau:

• Les audiences ont été nombreuses, longues, très étalées dans le temps. Les enfants ne peuvent être encadrés dans des conditions pareilles. Cela a des incidences obligatoires sur leurs propos.

• Près de 84 expertises psychiatriques et psychologiques ont été réalisées au total. Il s’est révélé que, plus on faisait d’expertises, plus on s’éloignait de la vérité de la personnalité de tous les acteurs dans cette affaire.

• De plus, de nombreuses expertises demandées par la défense ont été refusées.

• Le juge Burgaud a été désigné dans cette affaire alors qu’il n’avait qu’une faible expérience. Il a été catapulté sur ce dossier très lourd et très difficile.

• Il a fauté pourtant en réalisant une instruction univoque (laquelle ?) (c'est-à dire qui n'a aucun sens). L’enquête a tenté en vain de trouver des preuves matérielles. Il n’y a eu de recherche que d’éléments à charge et non d’éléments permettant de prouver qu’il n’y avait pas eu de viols.

• De plus, la présomption d’innocence s’est révélée faiblement suivie. Malgré l’absence de preuves, le juge a prononcé des mises en examen à tort en continuant à instruire un meurtre en l'absence de tout élément matériel démontrant son existence.

C. Les débats sur le Juge d’instruction

Suite à toutes ces erreurs commises par le Juge d’instruction Fabrice Burgaud, de nombreuses discutions et débats ont eu lieu sur la question de garder où non le statut du juge d’instruction. Ce débat est ancien et récurrent. L'affaiblissement des pouvoirs et de la marge de manœuvre du juge au profit d'un procureur avait préparé, ces dernières années, sa disparition. Néanmoins il n’a pas disparu.

Certains sont pour la suppression complète du juge d’instruction

On se souvient surtout de l'intervention du président de la République (Nicolas Sarkozy), annonçant le 7 janvier 2009, la fin du juge d'instruction. En décrétant la mise à mort de cette fonction, M. Sarkozy et son entourage pensaient que la mauvaise image des juges d’instructions médiatisés dominerait dans l'opinion, de plus, cette annonce intervenait avant que le juge Burgaud ne soit jugé.

En 2010, Michèle Alliot-Marie présente une réforme qui supprime le juge d'instruction mais ne touche pas au statut du parquet qui sera chargé de toutes des enquêtes. On ressent des tensions du cotés des différentes fonctions judiciaires et des partis politiques face à cette réforme.

Les politiques rêvent de faire disparaître le juge d’instruction car il est le magistrat des affaires « complexes », il s’occupe de tous les crimes sans exception, des délits les plus graves, dans les domaines financiers, des stupéfiants, du terrorisme et surtout de toutes les affaires mettant en cause l’autorité de l’Etat : santé publique, dossiers environnementaux, finances publiques, corruption politique.

C’est pourquoi N.Sarkozy dit : « Il est temps que le juge d’instruction cède la place à un juge de l’instruction, qui contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus. »

Beaucoup préféreraient garder ce rôle du juge d’instruction

En effet, des sondages ont rapidement montré que les Français s'inquiétaient pour l'indépendance de la justice. Les précédents projets de suppression du juge d'instruction conditionnaient sa disparition à une plus grande indépendance du parquet. Mais l’affaire Clearstream a mis en lumière des liens entre le parquet et le pouvoir exécutif, donnant une