Le Libéralisme
Compte Rendu : Le Libéralisme. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoireselations entre États, ce n'est que la crainte de la force étrangère qui limite l'emploi de ses propres forces(1). Même dans la politique étrangère des États, on trouve depuis des siècles des forces agissantes qui font placer la valeur de la paix au-dessus de celle d'une guerre victorieuse. Aucun autocrate, si puissant soit-il, ne peut à notre époque se soustraire entièrement à l'influence d'une maxime du droit qui proclame qu'une guerre ne saurait être commencée sans motifs plausibles. Le zèle que manifestent tous les belligérants pour prouver que leur cause est juste, que leur lutte est défensive, ou est à tout le moins une défense préventive et non une offensive, n'est autre chose qu'une reconnaissance solennelle du principe du droit et de la paix. Toute politique, qui ouvertement s'est réclamée du principe de la force, a suscité contre elle une coalition mondiale à laquelle elle a finalement succombé.
Le principe de la paix l'emportant sur le principe de la force, voilà ce dont l'esprit humain a pris conscience avec la philosophie sociale du libéralisme dans laquelle l'humanité pour la première fois cherche à se rendre compte de ses actes. Elle dissipe le nimbe romantique dont s'entourait jusqu'ici l'exercice de la force. Elle enseigne que la guerre est nuisible non seulement pour les vaincus, mais aussi pour les vainqueurs. C'est par des oeuvres de paix que la société est née; son être, sa raison d'être, c'est de créer la paix. Ce n'est pas la guerre, c'est la paix qui est l'auteur de toute chose. Autour de nous, nous voyons que le bien-être est né par le travail économique. C'est le travail et non la lutte armée qui apporte aux hommes le bonheur. La paix construit, la guerre détruit. Les peuples sont foncièrement pacifiques, parce qu'ils reconnaissent que, dans la balance, les bienfaits de la paix l'emportent de beaucoup. Ils ne consentent qu'à une guerre de défense; la pensée d'une guerre offensive leur est étrangère. Il n'y a que les princes pour trouver du goût à la guerre, parce qu'ils espèrent y acquérir de l'argent, des terres et de la puissance. C'est aux peuples à leur interdire cette envie, en refusant de mettre à leur disposition les moyens nécessaires à la conduite de la guerre.
L'amour de la paix du libéralisme ne provient pas de considérations philanthropiques comme le pacifisme de Bertha Suttner et d'autres pacifistes du même acabit. Le libéralisme n'a rien de commun avec ces auteurs de lamentations qui cherchent à combattre le romantisme de l'ivresse sanglante par la sécheresse des congrès internationaux. La prédilection du libéralisme pour la paix n'est pas un sport de bienfaisance qui s'accommode fort bien de toute sorte de convictions. Elle répond à l'ensemble de sa théorie sociale où elle s'insère harmonieusement. Celui qui reconnaît comme solidaires les intérêts économiques de tous les peuples, celui qui est indifférent au problème de l'étendue et des frontières de l'État, celui qui a dépouillé toutes idées collectivistes au point que des expressions comme « l'honneur de l'État » lui sont devenues inintelligibles, celui-là ne pourra jamais trouver à une guerre offensive un motif plausible. Le pacifisme libéral est un produit logique du système de la philosophie sociale du libéralisme. Lorsqu'il entend protéger la propriété et rejeter la guerre, ce sont là deux expressions d'un même principe(2).
2. Fonction sociale de la démocratie
En politique intérieure, le libéralisme demande la liberté complète d'opinion politique, et l'organisation de l'État selon la volonté de la majorité du peuple: législation réalisée par les représentants du peuple, le gouvernement, délégation des représentants du peuple, étant lié aux lois. Quand le libéralisme s'accommode de la royauté, ce n'est qu'un compromis. Son idéal demeure la république, ou au besoin l'apparence de la royauté, comme en Angleterre. Car son principe politique le plus haut, c'est le droit de libre disposition des peuples et des individus. Il est sans intérêt de discuter pour savoir si cet idéal politique doit être ou non considéré comme démocratique. Les écrivains récents verraient plutôt une opposition entre le libéralisme et la démocratie, dont ils ne semblent pas avoir une notion très claire. Ils se font du fondement législatif des institutions démocratiques une idée qui provient exclusivement du domaine idéologique du droit naturel.
Il est exact que la plupart des théoriciens libéraux ont recommandé les institutions démocratiques pour des raisons qui correspondraient aux conceptions du droit naturel touchant le droit de libre disposition des individus. Cependant les raisons que d'ordinaire un courant politique d'une époque donne pour justifier ses postulats ne cadrent pas toujours avec celles qui le forcent à faire siennes ces raisons. Il est souvent plus facile d'exercer une action politique que de rendre compte des motifs profonds de cette action. L'ancien libéralisme était conscient que son système de philosophie sociale suscitait inévitablement des revendications démocratiques. Mais il n'était pas du tout clair quelle position ces demandes occupaient au sein du système. D'où s'expliquent et l'hésitation que le libéralisme a toujours manifestée dans les questions de principe et l'exagération apportée dans les revendications démocratiques par ceux qui, revendiquant pour eux seuls le nom de démocrates, se sont mis en opposition avec les autres libéraux qui n'allaient pas si loin qu'eux.
L'importance de la forme constitutionnelle démocratique ne tient pas au fait qu'elle répondrait mieux qu'une autre aux droits naturels et innés des hommes, ou encore qu'elle réaliserait mieux qu'aucune autre forme de gouvernement la liberté et l'égalité. En soi, il n'est pas plus indigne pour un homme de se laisser « gouverner » par d'autres hommes que de faire exécuter pour soi un travail par d'autres hommes. Que le citoyen d'une société avancée en civilisation se sente heureux et libre seulement démocratie, qu'il la préfère à toutes les autres formes de l'État, qu'il soit prêt à tous les sacrifices pour atteindre ou pour maintenir la forme d'État démocratique ne s'explique point par le fait que la démocratie est digne d'être aimée pour elle-même, mais parce qu'elle remplit des fonctions dont on ne saurait se passer.
On a l'habitude de considérer comme fonction essentielle de la démocratie la sélection des chefs politiques. Dans l'État démocratique, c'est par une sorte de concours public de la vie politique que se recrutent les titulaires des fonctions de l'État, tout au moins des plus importants. Ainsi, ce seraient les meilleurs qui accéderaient aux postes culminants. Cependant, l'on ne voit pas trop pourquoi la démocratie, dans le choix des chefs de premier plan, aurait la main plus heureuse que l'autocratie ou l'aristocratie. L'histoire offre assez d'exemples d'hommes de grand talent politique qui ont percé dans des États non démocratiques. D'autre part, l'on ne saurait prétendre que la démocratie a toujours appelé les meilleurs aux plus hauts postes. Sur ce point, amis et ennemis de la démocratie ne seront jamais d'accord.
En réalité, l'importance de la forme constitutionnelle de la démocratie est d'une tout autre sorte. Sa fonction est d'établir la paix et d'éviter tous les bouleversements violents. Même dans les États non démocratiques, un gouvernement ne peut finalement se maintenir que s'il peut compter sur l'assentiment de l'opinion publique. La force et la puissance de tous les gouvernements ne reposent pas dans les armes, mais dans l'esprit d'acquiescement qui met ces armes à leur disposition. Les gouvernants, qui forcément ne représentent jamais qu'une petite minorité en face d'une énorme majorité, ne peuvent acquérir et conserver la maîtrise sur cette majorité que s'ils ont su se concilier et rendre docile cet esprit de la majorité. S'il n'en est plus ainsi, ceux sur l'opinion desquels le gouvernement est fondé se rendent compte qu'ils n'ont plus de raison de soutenir le gouvernement. Le fondement sur lequel sa puissance repose est miné, tôt ou tard ce gouvernement se voit forcé de faire place à un autre. Dans les États non démocratiques, un changement de personnes ou de système dans le gouvernement ne peut s'opérer que par la violence. Un bouleversement violent écarte le système ou les personnes, qui ont perdu les racines qui les rattachaient à la population, et à leur place il met d'autres personnes et un autre système.
Mais tout bouleversement coûte du sang et de l'argent. Des victimes tombent et la marche de l'économie nationale est interrompue par des destructions. Les pertes matérielles et les ébranlements moraux qui accompagnent tout changement violent de la situation politique, c'est par la réforme constitutionnelle que la démocratie les évite. La démocratie garantit l'accord de la volonté d'État, s'exprimant par les organismes
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