Le Requerimiento

ype d’économie donne à l’État un rôle important dans le développement économique à partir d’une série de politiques et de mesures de contrôle, créant une unité du marché interne. Dans le mercantilisme, on considère que la prospérité d’un état-nation dépend du capital qu’il peut posséder et surtout on fait primer les bénéfices de l’exportation - ici de matières précieuses- sur l’importation. Comme autre caractéristique prépondérante de cette conquête, il faut bien évidemment signaler l’évangélisation. Il s’agit de propager le message des évangiles et de convertir au christianisme les indigènes des territoires colonisés. Le pape Alexandre VI par la signature du « Traité de Tordesillas » en 1492, orchestre un découpage du Nouveau Monde favorable aux monarchies ibériques. Il délimite de ce fait les territoires que les souverains catholiques doivent réorganiser du point de vue religieux puisque l’église manque de fonds pour entreprendre cette mission en Amérique.

ORIGINES DU REQUERIMIENTO ET BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR

Des légions de missionnaires vont par conséquent être envoyés par la couronne espagnole en Amérique, ils appartiennent à différents ordres comme, par exemple, les franciscains, les dominicains ou les augustins. C’est parmi ces religieux que se font entendre les premières plaintes contre les abus auxquels sont soumis les indigènes. C’est en 1511 que l’affaire éclate, le dominicain Montesinos dénonces les exactions commises contre les autochtones et menace d’excommunion toute personne faisant preuve d’une attitude réprobable contre eux. Le roi Ferdinand le Catholique convoque alors une réunion de juristes à Burgos en 1512. Dans cette junte, un groupe de juristes et de théologiciens vont débattre sur l’aspect politique et moral de la conquête afin de réglementer les relations entre les colons et les natifs. Cette réunion va aboutir à la promulgation d’un texte légal appelé en espagnol « Juntas de Burgos » ou « Lois de Burgos ». Ces « Ordonnances pour le traitement des Indiens » dont l’intention est de permettre aux Indiens de mener une existence digne, ne vont pas, comme nous allons le voir par la suite, se matérialiser dans le Nouveau Monde.

A. ORIGINES DU REQUERIMIENTO

De nombreux penseurs sont à l’origine du débat sur la nature des Indiens. Sont-ils des êtres humains à part entière ou font-ils partie d’une catégorie inférieure ? Ont-ils les mêmes droits ou pas que les autres sujets ? Les idées liées à l’école de l’Antiquité classique qui distingue deux catégories : les personnes destinées à être libres et celles condamnées à être des esclaves sont celles qui dominent, notamment parmi les colons espagnols.

Comme nous l’avons évoqué auparavant, de ces débats de Burgos vont naître les « Lois de Burgos » qui sont les prémisses du Requerimiento. Ces lois configurent le premier document normatif sur le traitement des Indiens d’Amérique et est également à l’origine d’une nouvelle théorie qui va déterminer la naissance du droit international et la reconnaissance des Droits de l’Homme.

Ces lois prétendent établir les règles qui vont organiser les rapports entre les Espagnols et les autochtones. La conclusion à laquelle aboutissent les débats des Juntes et que reflètent le texte « Lois de Burgos », est que les Indiens sont libres et, comme tels, ont le droit de posséder maisons et propriétés de même qu’ils peuvent disposer de temps pour cultiver leur terres. Ils ont également une série de devoirs, comme celui de travailler pour les chrétiens, mais en échange d’un salaire. D’autre part, la pression de Rome les oblige à se convertir au christianisme.

Parmi les idées les plus couramment divulguées sur la population amérindienne, on trouve par exemple, qu’elle est portée par nature aux vices, que l'apprentissage des vertus chrétiennes lui est étranger et que seulement l'assiduité des Espagnols pourrait la réformer. Ce qui surprend, à la lecture des 35 articles des Lois de Burgos, c'est la grande volonté d'acculturation qu'ils transmettent. D’une part, ils prétendent évangéliser les Indiens et donc effacer leurs croyances, ils veulent aussi changer radicalement leur manière de vivre et de penser, rompre avec la culture existante. La justification sur laquelle ils s’appuient pour légitimer ce texte est religieuse et humanitaire, cependant, la motivation profonde reste l’exploitation des ressources naturelles que possèdent les Indiens d’Amérique. Pour atteindre cet objectif, il est donc essentiel d’exercer un contrôle social et idéologique sur la population.

De plus, les lois tentent essaient de légitimer les droits des colons espagnols et des adminitrateurs de la couronne d’Espagne face à ceux des autochtones. Mais les dominicains ne sont pas satisfaits puisqu’ils observent le non-respect de certaines des Lois promulguées à Burgos. Ils essaient, par conséquent, d’obtenir des progrès plus effectifs un an après l’adoption des Lois, en 1513, dans les célèbres Lois de Valladolid. Dans ces textes, on s’attache plus précisément aux cas des femmes et des enfants natifs. Mais, de même que pour les Lois précédentes, en dépit des bonnes intentions de la monarchie espagnole, l’application de ces nouvelles lois devient très difficile et le pouvoir central a du mal à contrôler la situation dans le Nouveau Monde.

B. BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR

Nous venons d’explorer les influences qui précèdent la naissance du document dont il est question, le “Requerimiento”, et nous allons à présent nous intéresser à son auteur et au contexte historique dans lequel s’inscrit le texte.

Juan López de Palacios Rubios est né en 1450 et est mort en 1524 à Palacios Rubios, petite ville près de Salamanque, dans la région de Castille. De son vrai nom Juan López de Vivero, il a été juriste et étudié à Salamanque où il deviendra professeur de cette université. Il va occuper plusieurs postes de grande responsabilité, devenant ministre du Conseil des Indes et ambassadeur à Rome. Désigné par les rois Catholiques, il deviendra membre du Conseil de Castille depuis 1504.

Il est l’un des rédacteurs des Lois de Toro, une série de 83 lois nées à partir du testament de la reine Isabel La Catholique et qui garantissent la prédominance sociale des famillas de la Haute Noblesse victorieuses à l’issu des guerres civiles castillanes. Parmi ses oeuvres, nous pouvons trouver également des écrits sur des sujets d’ordre politique et militaire. Cependant, l’œuvre la plus importante et la plus célèbre de ce juriste reste le “Requerimiento”.

Palacios Rubios était un juriste aristotélien qui ne mettait en doute sa conception empirique du monde. Ceci explique ses observations sur les coutumes et les moeurs des indiens, qui à ses deux sont barbares et dépravées.

REQUERIMIENTO ET SES CRITIQUES

Il faut avant tout préciser que “Requerimiento!” mot qui veut dire « sommation » ou « requête » et, dans le domaine du droit, indique un acte judiciairpar lequel quelqu’un est obligé de se plier à une exigence de l’autorité publique. Dans ce cas, on associe la fonction publique à l’execution divine. Le nom complet de ce document est : “Notificación y requerimiento que se ha dado de hacer a los moradores de las islas en tierra firme del Mar Océano que aún no están sujetos a Nuestro Señor” (« Notification et requête qu’il a été donné de réaliser aux habitants des îles en terre ferme de la Mer Océane qui ne sont pas encore soumis à notre Seigneur »)

Il a été écrit sous les directives du roi Ferdinand II d’Aragon pour répondre au débat autour de la notion de justice dans la conquête de l’Amérique. Bien entendu, comme nous l’avons déjà expliqué plus haut, le dominicain Montesinos a eu une influence déterminante dans la création de ce texte.

A. REQUERIMIENTO

Le “Requerimiento” est utilisé pour la première fois par Pedrerías Dávila en 1514, il a été créé un an plus tôt, en 1513. Cet Espagnol se disposait à conquérir le Golfe du Darién quand les dominicains ont commencé à dresser des obstacles à la réalisation de l’expédition. Une réunion se tient même à Valladolid. La légitimité de l'encomienda (la commission) est établie du fait de la donation papale aux rois de Castille qui peuvent demander aux Indiens de se soumettre. Si les autochtones acceptent les conditions prises en compte dans le texte rédigé pendant la réunion, ils deviennent les vassaux du roi. Pour Palacios Rubios, s’ils deviennent des fidèles de l’église Catholique et des vassaux du roi, les Indiens peuvent garder leur propriétés et être assurés que ni eux-mêmes ni leurs familles peuvent être importunés ou attaqués. Mais le roi va pouvoir aussi profiter de la soumission des natifs pour conquérir de nouveaux territoires. D’un autre côté, si les Indiens n’acceptent pas de devenir des sujets du roi et des fidèles au pape, ils peuvent être convertis à l’esclavage et et les colons espagnols vont pouvoir bénéficier de toute la légitimité de la légalité de la Couronne, ils vont pouvoir aussi leur faire la guerre et leur prendre toutes leurs possessions.

Le requerimiento donnait bonne conscience aux conquistadors et au roi.

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