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Corrigé du texte de Bergson sur le langage

Commentaire de texte : Corrigé du texte de Bergson sur le langage. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  29 Avril 2021  •  Commentaire de texte  •  2 418 Mots (10 Pages)  •  1 494 Vues

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Corrigé du texte de Bergson sur le langage

Le thème du texte de Bergson dont nous nous proposons l’étude est celui du rapport entre le langage et le réel et la question à laquelle l’auteur répond est bien de savoir si le langage est capable de dire, d’exprimer le réel et nos sentiments. Or à cette question la réponse de l’auteur est sans équivoque et il soutient la thèse selon laquelle le langage, loin d’être le moyen de connaître les objets extérieurs ou d’exprimer nos sentiments, fait scandaleusement obstacle à notre perception du réel et de notre vécu. Ainsi non seulement nous ne voyons pas les choses mais ce sont bien nos propres états d’âme qui se dérobent à nous dans ce qu’ils ont de plus intimes. Le langage semble être identifié comme source de dévoiement et de falsification par Bergson et cela parce que les mots désignent des genres. Les mots sont des genres et à ce titre ils ne désignent et ne saisissent que des généralités et laissent entièrement inexprimées la singularité, la richesse et les milles nuances du réel et du vécu. Si nous pouvons parfaitement bien entendre la pertinence d’un tel propos, il n’en demeure pas moins qu’il soulève des difficultés considérables. En effet comment le langage, censé non seulement désigner les choses mais aussi exprimer nos sentiments, peut-il être ici dénoncé comme écran entre moi et les choses et aussi entre moi et moi ? D’autre part Bergson ne semble pas seulement identifié le langage comme écran à l’expression de tous sentiments personnels, il semble bien également l’identifier comme étant responsable de notre incapacité à saisir par notre conscience l’intimité et l’individualité de nos sentiments. Or comment pouvons-nous admettre cela, comment pouvons-nous concevoir avec l’auteur que nous ne saisissons de notre sentiment que son aspect impersonnel, comme si nous ne pouvions appréhender notre propre subjectivité. Pourtant le sentiment n’est-il pas toujours et seulement personnel, dans la mesure où c’est toujours moi, un sujet individuel qui éprouve et ressent ?

Avant d’affirmer que par l’effet du langage ce n’est jamais notre sentiment qui arrive à notre conscience mais bien un sentiment général, ce qui, comme nous l’avons vu soulève d’énormes difficultés, Bergson commence par montrer que ce sont bien les choses, le monde extérieur qui nous sont en somme dérobés. « Nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent à lire des étiquettes collées sur elles ». Nous ne voyons pas les choses mêmes, non pas donc que nous ne voyons rien, mais nous ne voyons pas les choses comme elles sont. Entre ce que nous voyons et ce qu’est vraiment le réel, il y a apparemment un fossé considérable, fossé que l’influence du langage a semble t-il accentué, confirmé. Mais avant de comprendre comment le langage a pu accentuer cet effet d’écran, que devons-nous entendre par « étiquettes » s’il ne s’agit pas justement de mots ? Il semble que le fait que cette tendance donc à ne pas voir, soit, selon l’auteur, issue du besoin nous donne quelques indications. Si nous comprenons bien nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont, et cela par nécessité, en somme parce que nous avons besoin de ne pas les voir ainsi, or la suite du texte nous invite à penser que voir les choses comme elles sont, c’est-à-dire multiples, changeantes, variées, singulières et donc jamais identiques, cela même serait un obstacle, un obstacle à notre survie, à notre usage, puisqu’il est question de besoin. Nous avons besoin de voir les choses non pas comme elles sont mais dans une simplicité, dans une identité qui n’existent pas mais qu’il nous faut en somme inventer, créer pour pouvoir les utiliser, pour pouvoir nous en servir. Des étiquettes donc, c’est-à-dire des représentations schématiques, des symboles, des catégories pré-langagières qui nous permettent de reconnaître les choses en les réduisant à ce qu’elles ont de plus visible, de plus commun, de plus simple. Et cela en occultant la diversité du réel. Des catégories, des étiquettes simples qui nous permettent tout de suite d’être averti d’un danger ou au contraire du caractère inoffensif de tel objet. Or cette tendance à schématise, à catégoriser qui est en fait une tendance à simplifier s’est accentuée sous l’influence du langage, « car les mots désignent des genres ».   Qu’est-ce qu’un genre ? En quel sens les mots sont-ils des genres ? Les mots sont des genres c’est-à-dire plus précisément les mots renvoient à une idée générale. Par exemple le mot « table » renvoie à l’idée générale de « table », et cette idée générale correspond à un ensemble de caractères communs qui permettent de définir la table et aussi de la distinguer de tout autre objet. Caractère commun parce que ce caractère doit être commun à toutes les tables. L’idée générale ne retient donc que quelques traits simples qui caractérisent l’idée, qui lui appartiennent. Le genre est donc un ensemble qui regroupe des « individus » qui ont en commun un certain nombre de traits spécifiques qui permettent de les identifier, de les reconnaître et de les rassembler sous un terme commun censé désigner une catégorie d’objets ou d’individus. Mais nous voyons bien que ce « genre », cette idée générale ne retient en elle, ne subsume sous elle qu’un tout petit nombre de caractères spécifiques et communs à tel ou tel genre. Décrire le réel avec ces idées générales c’est donc nécessairement et logiquement simplifier le réel, le tronquer ; parce que ce que l’idée générale ne peut subsumer sous elle, ce sont des qualités changeantes, fluctuantes. L’idée générale impose par là même une sorte de fixité inconnue du réel, ce que l’idée générale vise c’est un réel figé, peuplé d’objets et d’êtres parfaitement identiques à eux-mêmes. Or un tel réel n’existe pas. Ces idées générales sont donc nécessairement abstraites et échouent en toute logique à dire un réel concret en devenir et en changement constants.  Il y a selon Bergson une véritable contradiction entre la fixité du mot qui généralise, qui schématise, qui simplifie et qui donc vient figer, arrêter ce qui est par nature mouvant, fluctuant, mobile. Il y a quelque chose d’arrêter dans le langage qui le rend impropre à dire les infinies différences et la mobilité, or le réel est mouvant et chaque être, chaque objet est unique, différent de tout autre. Ce qui est donc occulté et comme dissimulé sous le langage des genres et des substances, c’est ce qui fait que le réel est réel, vivant et donc toujours différent, à savoir sa mobilité, sa mouvance et son infini diversité. Nous ne voyons donc pas les choses dans leur concrétude, dans leur chair, dans leurs qualités sensibles sans cesse changeantes et fluctuantes. Nous n’en percevons qu’une sorte de squelette réducteur. Mais le pire est à venir, c’est que cette incapacité du langage à dire et à saisir la richesse infinie du réel se retrouve dans l’expression même de nos sentiments, le langage appauvrit nos sentiments en les uniformisant nous laissant même échapper à nous-mêmes notre « propre individualité ».  

Dans ce second moment il y a comme une sorte de crescendo qui permet à Bergson de viser son véritable propos : notre vécu, nos sentiments. Car cette occultation de toute singularité ne touche pas seulement notre perception des choses mais elle atteint nos sentiments eux-mêmes. Mais ce qu’il s’agissait de bien comprendre c’est que ce n’est pas seulement une question d’expression, d’expressivité, ce n’est pas seulement que nous ne parvenons pas à dire ce que nous éprouvons, comme s’il y avait d’un côté le sentiment singulier éprouvé et de l’autre ce que nous parvenons à en dire, toujours tronqué, approximatif. Cette perversion atteint notre sentiment lui-même, comme si nous ne pouvions même plus éprouvé notre sentiment comme étant le nôtre et seulement le nôtre avec tout ce que ce vécu, parce qu’il est notre vécu, peut avoir de personnel et de singulier, comme si au bout du compte je ne parvenais même plus à vivre mon vécu comme étant le mien mais bien comme étant celui des autres, de tous ces autres extérieurs à moi et qui ne sont pas moi. Or c’était sans doute là une difficulté et il fallait bien le montrer et l’expliquer. Comment ce sentiment, comment mon sentiment, mes états d’âme peuvent-ils se dérober à moi, dans ce qu’ils ont d’intime et de personnel ? Comment comprendre que le sentiment lui-même nous parvienne dans une véritable extériorité alors que c’est bien moi, un sujet, une subjectivité qui éprouve ces sentiments de haine ou d’amour, de joie ou de tristesse  par exemple ?  Comment imaginer que nous puissions éprouver de l’amour en général, cela semble absurde, impossible. Que la volonté de l’exprimer nous fasse perdre quelque chose de cette singularité, oui à la limite, mais que nous puissions admettre que ce n’est même plus notre sentiment lui-même « qui arrive à notre conscience avec les mille résonances profondes qui en fait quelque chose d’absolument nôtre » paraît plus difficile non seulement à comprendre mais à admettre.

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