Dernier jour d'un condamné
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V LE GENRE
Victor Hugo a appelé ce texte « récit » et non pas roman.
Chapitre V : allusion à l’acte d’écrire à travers le matériel nécessaire.
Chapitre VI : la question de l’objectif de l’écriture est abordée : il écrit pour lui-même le journal de ses souffrances pour exorciser son malaise mais il écrit aussi pour autrui parce qu’il évoque une éventuelle publication posthume et l’utilité d’un tel témoignage.
a) Le journal intime d’un condamné ?
« journal de mes souffrances » (p.72)
Un homme consigne bien jour après jour ses pensées, ses émotions, ses sensations. Cependant, il n’y a pas adéquation entre l’identité de l’auteur et celle du narrateur, et les dates ne sont pas précises.
b) Une autobiographie ?
Définition : « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier l’histoire de sa personnalité ».
Cependant, le récit n’est pas rétrospectif, le récit n’est pas au passé, le « je » ne renvoie pas à une personne réelle et la personnalité reste énigmatique.
VI PISTES DE LECTURES
Pourquoi et pour qui le narrateur écrit-il ?
Comment est raconté le crime ?
Quels sont les personnages ?
Quelle est la description de l’univers carcéral ?
Le journal est-il un document ou un plaidoyer contre la peine de mort ?
1ère séance : lecture analytique du chapitre II
Introduction : Le condamné est détenu depuis cinq semaines à Bicêtre, il raconte le procès et dans cet extrait plus précisément l’instant du verdict. Le procédé utilisé dans la narration est le retour en arrière ou analepse car le narrateur replonge dans son passé alors que l’écriture de son journal est plus largement au présent. En prison, le condamné repasse dans sa mémoire les journées du jugement en août et raconte le jugement dans son journal intime fictif.
I DE L’ASPECT DOCUMENTAIRE A LA CRITIQUE VOILEE DE LA JUSTICE
1 L’ancrage du procès dans le réel : un jugement sous la Restauration
Champ lexical de la justice : avocat, préméditation, travaux forcés à perpétuité, sentence, jurés, président, greffier, tribunal, verdict, peine, procureur général, juges.
Le procès est public de même que l’exécution.
L’avocat plaide les travaux forcés et veut écarter la préméditation. Le narrateur s’oppose à son avocat car il est inconscient de la gravité de la peine qu’il risque mais aussi car sous la Restauration les bagnes situés sur les côtes françaises accueillent les détenus pour exécuter des travaux pénibles car la prison soit la privation de liberté est entrée depuis peu dans les mœurs (avant la Révolution et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : confusion entre les hôpitaux, forteresses…). Les conditions de détention sont très pénibles (malnutrition, saleté, humidité…) ce qui entraîne une surmortalité. La réalité du châtiment (prison, bagne, condamnation) est décrite de façon précise et s’inscrit dans des lieux.
2 La critique voilée de la justice
L’avocat vient de manger copieusement. Il apparaît donc comme un être indifférent.
Le lecteur assiste au procès où les personnes incarnant la justice se comportent de manière totalement indifférente comme s’ils accomplissaient leur travail machinalement et mécaniquement. Les juges décident d’envoyer quelqu’un à la mort comme s’il s’agissait d’une décision banale et sans importance. Ils ne sont pas présentés comme cruels ou méchants mais comme indifférents. C’est donc leur insouciance, leur inconscience qui est révoltante. Ils ont « l’air satisfait », ils n’ont qu’une seule envie celle de dormir. Ces bons bourgeois accompagnés de la foule sont comparés à une machine de guerre exécutant toujours le même geste. Ce début d’œuvre apparaît d’emblée subjective, non neutre. L’auteur dévoile peu à peu son engagement par l’intermédiaire du narrateur du journal qui ne parvient pas à comprendre que des êtres humains puissent condamner à mort un autre être humain avec autant d’indifférence.
NB : Sur le mode satirique, les juges vêtus de pourpre se chargent « de haillons ensanglantés » p. 63 parce qu’ils prononcent la peine de mort, ce qui leur ôte toute dignité.
II LA MORT SYMBOLIQUE DU CONDAMNE A L’ANNONCE DU VERDICT
1 Le renversement de situation
L’annonce est différée car le narrateur ne dit pas directement à quelle peine il est condamné, c’est le cri de la foule qui l’indique. Seule la « sueur froide » est un indice de la gravité de la peine et de la prise de conscience du narrateur. Le narrateur quitte alors le Palais de Justice pour se diriger vers la prison de Bicêtre.
Ses sentiments et émotions sont donc d’une extrême violence. Physiquement, il est incapable de parler. L’angoisse se traduit par un grand abattement. Il passe de l’espérance au désespoir.
En entendant le verdict, le condamné subit un choc d’autant plus violent qu’il ne s’y était pas préparé : « Une révolution venait de se faire en moi ». Le mot révolution est utilisé dans son sens fort de changement radical de situation, de renversement : il passe de la vie à la mort.
Il s’établit, dit-il, « comme une clôture entre le monde et moi. Rien n’apparaissait plus sous le même aspect qu’auparavant. » Rupture mentale et spatiale : il se sent alors profondément seul car la mort l’isole du monde et il s’y sent déjà étranger. La rupture est aussi temporelle car le narrateur oppose l’avant procès et l’après. Il se sent donc désormais étranger au monde des vivants.
2 Une mort symbolique
La « jolie plante jaune » jouant avec le vent « dans la fente de la pierre » semble faire signe au prisonnier, comme si elle était un être sensible et déjà une âme. Cette petite plante qui réussit à pousser dans les murs sombres du Palais de Justice représente le modeste triomphe de la vie et de l’espérance. La sentence de mort est alors inconcevable. De même, l’été et le soleil ne sont pas rattachés à la mort symboliquement donc le narrateur écarte cette idée. Et tout naturellement quand l’angoisse croît, il se tourne de nouveau vers « la petite fleur jaune au soleil ».
Le verdict entraîne un choc modifiant radicalement sa perception du monde. Du coup, la fleur devient blanche comme un linceul. Cette vision est macabre mais également fantastique car elle est surnaturelle. De la même façon, tout à coup, la foule est perçue comme une horde de fantômes et le monde semble mourir autour de lui : tout devient blanc blafard. Sa vision du monde est alors transformée et suscite la peur chez le narrateur et le lecteur. Sa mort symbolique provoque la mort de tout ce qui l’entoure.
Cette mort symbolique entraîne la nostalgie de l’insouciance lorsqu’il ne savait pas le verdict où il vivait comme tous les hommes. Désormais, il est marqué par la différence, il se sent loin des hommes et il livre ses sentiments exacerbés. Le thème de la nostalgie et de l’épanchement des sentiments sont deux thèmes romantiques.
Conclusion : ce passage est intéressant d’un point de vue documentaire sur le fonctionnement de la justice au début du XIX siècle, cependant, on s’aperçoit déjà que derrière le récit se cache une argumentation indirecte contre la peine de mort à travers ces personnages présentés comme indifférents face à la peine de mort. De plus, le verdict semble symboliser la première mort du condamné : c’est une mort métaphorique qui entraîne une vision du monde tirant vers le fantastique.
2ème séance : Langue - étude de l’énonciation dans les chapitres VI et VII
NB : livre Fleurs d’Encre 3ème, Hachette pages 386-387-388
I LA COMMUNICATION
1 La situation de communication
Le locuteur : celui qui parle : le condamné mais il est avant tout un narrateur car il raconte son histoire, cependant ici son texte est un discours et non un récit.
Le destinataire : le lecteur
La situation de communication, le contexte : un journal intime dans une prison parisienne où sont incarcérés les condamnés à mort dans les années 1820.
Le message : un énoncé écrit
Le code : la langue française
Le canal de transmission : le livre
2 Les objectifs de la communication
Fonction référentielle : la réalité décrite est celle des souffrances morales de la condamnation
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