Etienne Balibar, Nous citoyens d’Europe ? Les frontières, l’Etat, le peuple
Commentaire de texte : Etienne Balibar, Nous citoyens d’Europe ? Les frontières, l’Etat, le peuple. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Chris-aurélien NDJILA AGASSI • 3 Mai 2022 • Commentaire de texte • 1 384 Mots (6 Pages) • 378 Vues
COMMENTAIRE DE TEXTE : Etienne Balibar, Nous citoyens d’Europe ? Les
frontières, l’Etat, le peuple
Le texte soumis à notre étude est un extrait de la conférence prononcée à l’Université
Aristote de Thessalonique le 4 octobre 1999 par le philosophe français Etienne Balibar. Ce
texte, intitulé « Aux frontières de l’Europe » constituera plus tard l’ouverture de son œuvre,
Nous citoyens d’Europe ? Les frontières, l’Etat, le peuple, paru en 2001. Dans cette œuvre,
Etienne Balibar a choisi le thème de la citoyenneté européenne et se questionne sur l’émergence
d’un Nous identitaire qui ferait sens à une échelle supranationale. Sa thèse permet à chacun de
mesurer la capacité de l’Europe à dépasser l’idéologie nationaliste pour envisager un futur
transnational, multiculturel. Son ouverture va ainsi servir de point de départ, puisqu’il va
d’abord s’intéresser à la question de la possibilité / l’impossibilité construction européenne.
Plus précisément, l’auteur s’interroge sur la question de la formation de l’Union européenne et
ses attendus problématiques en termes de citoyenneté, avec celle de l’immigration postcoloniale
des extra Européens dans les pays de l’Union.
Pour rendre compte de la manière spécifique dont ces questions sont impliquées dans une
réflexion sur l’Europe, nous nous en tiendrons à un corpus significatif mais limité. Nous
proposons donc suivant un plan thématique d’aborder dans un premier temps les obstacles à la
construction d’une citoyenneté européenne, et dans un second temps d’envisager l’avenir et
identifier les solutions alternatives proposées par Etienne Balibar en vue de la formation d’une
citoyenneté européenne.
I) Les obstacles à la construction d’une citoyenneté européenne
A) L’idée d’une citoyenneté européenne comme citoyenneté des frontières (des
bordures fermées)
Tout d’abord, Etienne Balibar détecte un premier obstacle à l’élaboration d’une citoyenneté
européenne. Il relève d’entrée de jeu qu’à l’intérieur de l’union européenne, il se dresse des
frontières entre les Etats et pour mieux faire comprendre son propos, il propose d’abord
d’expliquer le paradoxe du mouvement des frontières. Ainsi, nous dit-il :« Les frontières des
nouvelles entités politico-économiques, dans lesquelles on tente de préserver les fonctions de
souveraineté de l’État, ne sont plus du tout situées sur le bord des territoires : elles sont
dispersées un peu partout ». Or que traditionnellement, et conformément à leur notion juridique
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aussi bien qu’à leur représentation cartographique incorporée à l’imaginaire national, les
frontières devraient être au bord du territoire. Les frontières et les pratiques institutionnelles
correspondantes se sont donc ainsi transportées au milieu de l’espace politique. Plus
précisément, on assiste à une déterritorialisation des frontières, qui, en changeant de places se
sont déportées vers le centre de l’espace public où se concentrent l’essentiel des pouvoirs de
décision.
Dès lors, la notion de centre nous place devant un dilemme, elle a ainsi une double signification,
l’une étatique en ce sens, qu’elle est la zone où se concentre l’ensemble des instances
dirigeantes et dans ce cas bien précis, « le centre de l’Europe se situerait bien à Bruxelles ou à
Strasbourg, ou à la City de Londres et à la Bourse de Francfort, ou bientôt à Berlin », explique
ainsi l’auteur. L’autre, plus essentielle et plus difficile à saisir, désignant « Les lieux de
constitution du peuple à travers la prise de conscience civique et la résolution collective des
contradictions qui le traversent ». Plongé ainsi dans ce dilemme, Balibar se questionne sur la
possible existence d’un « peuple européen ». Plus Concrètement il va ainsi appliquer à l’Europe
la sentence qu’Hegel réservait à l’Allemagne : "Es gibt keinen Staat in Europa (Il n’y a pas
d’Etat en Europe), partant du principe que si l’on ne peut affirmer avec certitude l’existence
d’un peuple européen, il ne pourrait y avoir non plus de réelle sphère publique ou d’Etat
européen.
B) La discrimination et la hiérarchisation des populations : deux principes
exclusifs
Plus loin, Etienne Balibar souligne l’existence d’une deuxième entrave à la citoyenneté
européenne : le principe de discrimination et de hiérarchisation des populations. En effet,
l’auteur soutient l’idée que la discrimination est inscrite dans la nature même de la communauté
européenne, il s’agit de produire de la différence entre une communauté et un espace extracommunautaire.
L’héritage des discriminations coloniales s’inscrit dans le contexte d’un nouvel ordre
hiérarchique des populations mondiales. La question de l’héritage colonial est ainsi décisive.
Les penseurs et les défenseurs de l’Europe ont à peu près tous négligé de réfléchir à la
construction européenne en intégrant la question posée par cet héritage colonial de l’Europe.
Or celui-ci est fondamental si l’on songe que la communauté européenne est celle des grandes
puissances coloniales : France, Grande-Bretagne, Espagne, Portugal, Pays-Bas, Belgique, dans
une moindre mesure Allemagne et Italie. Comment peut-on dès lors envisager la construction
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européenne autrement qu’en rapport avec une déconstruction de la colonialité, qui traduit ici
une soumission des populations à travers un appareil administratif, culturel et militaire. L’un
des apports d’Étienne Balibar est justement d’avoir mis en évidence cet aspect, à savoir que la
construction européenne s’est effectuée sans assumer la déconstruction de la puissance
coloniale inhérente aux États-nations européens. La question coloniale n’est pas résiduelle, elle
est tout simplement centrale et non assumée en tant que telle dans la formation de l’Union
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