La figure du sage stoïcien
Dissertation : La figure du sage stoïcien. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar damharrys • 2 Janvier 2022 • Dissertation • 3 134 Mots (13 Pages) • 387 Vues
Sagesses Antiques
[pic 1]
La figure du sage stoïcien
[pic 2]
« Les sages sont des hommes honnêtes et ils veillent constamment à présenter le meilleur d’eux-mêmes » écrit Diogène Laërce dans Vies et doctrines des philosophes (VII, 117-121). Or une telle caractéristique semble être attribuable à tout sage quel qu’il soit. Pourtant Diogène appartient au mouvement stoïcien dont le nom est tiré de stoa, portique où les penseurs avaient l’habitude d’échanger entre eux. Qu’est-ce alors que le propre du sage stoïcien ? Le terme « sage » vient de sapere qui signifie « avoir du jugement, s’y connaître », aussi le sage stoïcien est-il celui qui sait et est capable d’user de sa connaissance pour poser des actes cohérents. Et le terme « stoïcisme » renvoie à une doctrine de sagesse pratique qui, naissant des souffrances de la vie, offre des axes de discernement pour vivre heureux. Afin d’accéder au bonheur, les stoïciens incitent à vivre dans la mesure et selon les préceptes de la nature. Le sage stoïcien est donc pour ainsi dire un sage au milieu de la ville, loin d’être un ermite en continue méditation. Il est toutefois à noter que parler de la doctrine stoïcienne est tout particulièrement difficile étant donné que c’est dans un espace de près de six siècles que s’étendit le stoïcisme, entre le IIIe siècle avant et le IIIe siècle après Jésus-Christ. On parlerait plus facilement de stoïcismes au pluriel que du stoïcisme au singulier, mais dans cette étude nous nous bornerons à retracer les traits généraux prônés par les différents stoïcismes. Aussi ce qui fait se rejoindre les approches différentes du stoïcisme est la quête de connaissance de soi en vue d’une connaissance de ce qu’est la vie parfaite selon la nature. C’est en effet de l’ordre de la perfection qu’est la vie du sage stoïcien.
En quoi la théorie de la vie idéale du sage stoïcien s'enracine-t-elle dans l’exigence d’une transformation de la manière de vivre l’hic et nunc ? Il conviendra de voir que pour renouveler son rapport au réel, le stoïcien doit avoir un juste rapport au pathos, de manière à pouvoir exercer librement son jugement, deux exercices tournés vers une fine connaissance de la nature qui détient les règles de la raison.
Il est impératif pour être sage d’avoir un juste rapport au pathos. En effet, l’homme sage doit être guidé par sa raison et non par son impulsion, ce qui implique pour lui de se défaire de la passion, intransigeance finalisée par une quête de liberté et de bonheur.
Est-ce l’impulsion ou bien la raison qui doit guider l’action ? L’impulsion est bien cette tension qui pousse l’être à assouvir son désir, à altérer sa soif et à remplir sa panse. Diogène Laërce, dans son ouvrage Vies et doctrines des philosophes (VII, 85-86) explique qu’alors que certains disent « que l’impulsion première chez les êtres vivants se porte vers le plaisir, (les Stoïciens) montrent que c’est faux. Ils disent, en effet, que le plaisir, s’il existe vraiment, est un résultat accessoire, quand la nature elle-même et en elle-même, après avoir cherché ce qui est en harmonie avec sa constitution, s’en saisit ; c’est de cette manière que les animaux dégagent un bonheur de vivre et que les plantes prospèrent ». Dès lors, il semble que la doctrine stoïcienne affirme que l’être vivant doit chercher l’harmonie, le ce pour quoi il est fait, ce qui lui permet d’atteindre sa finalité sans guetter le plaisir, qui n’est qu’un surcroît « accessoire ». Aussi la source des passions, si elle n’est pas dans l’impulsion, serait dans la démesure qui témoigne d’un manque éminent de maîtrise de soi. C’est de facto ce que pose Cicéron dans Tusculanes (IV, 28-30) : « la source des passions n’est autre que l’excès, c’est-à-dire une défaillance de l’esprit tout entier et de la droite raison, si éloignée de ses préceptes que l’on ne peut plus du tout gouverner ni contenir les penchants de l’âme ». Celui qui fait des excès est celui qui ne peut pas se gouverner, dès lors il ne peut être sage. C’est donc bien celui qui ne recherche pas en premier lieu le plaisir qui est sage. Or pour pouvoir accéder à cette parfaite maîtrise de soi, il convient de se défaire des passions qui pourraient être des obstacles.
L’on peut distinguer quatre grandes passions dont il faut absolument se défaire aux yeux
des stoïciens pour pouvoir être maître de soi et donc sage. Ces passions sont la peine, la crainte, le désir et le plaisir. Nous avons déjà vu que le plaisir ne devait pas être cherché pour lui-même, or il convient aussi qu’il ne soit pas une cause d’asservissement. Dans le troisième chapitre des Vies et doctrines des philosophes, Diogène écrit ainsi que « la passion, considérée en elle-même, est un mouvement de l’âme irrationnel et contraire à la nature ou encore une impulsion excessive. [...] Zénon en distingue quatre genres : la peine, la crainte, le désir et le plaisir. Ils [= les stoïciens] sont d’avis que les passions sont des jugements, comme dit Chrysippe. L’amour de l’argent est, en effet, une opinion que l’argent est quelque chose de beau, et il en va de même pour l’ivresse, la licence et les autres passions. [...] Le trouble, qu’il appelle pathos, est un mouvement de l’âme qui s’écarte de la droite raison et qui est contraire à la nature ». Nous pouvons ajouter sur la peur que le sage étant par excellence celui qui a vaincu les peurs n’a donc pas peur de la mort : « tout coule » comme le dit Héraclite, « les feuilles tombent, la figue sèche remplace la figue fraîche, le raisin sec la grappe mûre, voilà [...] ; il n’y a pas de destruction, mais un aménagement et une disposition bien réglés » (Epictète, Entretiens, Livre III, fragment XXIV). L’homme doit donc nécessairement se défaire de ces passions qui ne sont pour lui pas sources de liberté mais d’asservissement. Il est impératif qu’il s’en défasse s’il souhaite être libre et donc accéder au véritable bonheur.
Cette intransigeance trouve donc sa raison d’être dans la fin qu’est le bonheur. Le
bonheur est la finalité du sage. Or ce bonheur est à distinguer du plaisir puisque nous avons pu voir qu’en effet la quête du plaisir est à fuir. Les stoïciens font dans leurs doctrines une synthèse des différentes sagesses qui les ont précédés et leur sont contemporaines. Ainsi la conception qu’ils ont du bonheur n’est pas sans similitude avec celle d’Aristote. Ce dernier distinguait trois types de « bonheur » vraisemblables, le premier étant le plaisir dont la caractéristique est d’être éphémère et de ne pas donner de vraie satisfaction. Ces caractéristiques l’ôte naturellement de la liste des types bonheurs. Le second type de bonheur vraisemblable est selon Aristote le bonheur suprême, celui des dieux dont l’exigence dépasse les aptitudes humaines. Enfin, l’ultime bonheur est celui qui est humain et qui s'acquiert par l’exercice et l’acquisition des vertus. Ce dernier type de bonheur est en fait le cœur de la philosophie pratique des stoïciens. Il est ainsi intrinsèquement lié à la liberté. En effet, croître en vertu est un exercice de liberté, liberté sans laquelle on ne peut être sage. Diogène écrit ainsi que « seul il [le stoïcien] est libre, les hommes mauvais étant des esclaves. La liberté est, en effet, le seul pouvoir de décider de sa propre action, l’esclavage la privation de ce pouvoir de décision » (Diogène Laërce, Vies des philosophes VII, 117-121). Le bonheur implique par conséquent la liberté intérieure qui rend apte à poser des actes libres et donc à concrétiser l’exercice du jugement.
Le sage stoïcien est celui qui a un juste rapport au pathos, c’est-à-dire à l’ampleur que pourraient prendre en lui émotions et passions. C’est bien la raison qui doit guider son action puisqu’il doit être capable de se défaire des passions qui pourraient obscurcir son jugement. Toutes ces exigences sont finalisées par une quête de bonheur qui n’est atteignable que par un juste exercice du jugement, preuve de liberté.
Il est impératif pour le stage stoïcien d’exercer son jugement de manière à être maître de
sa vie. Il convient d’abord pour lui de distinguer ce qui est de son ressort et ce qui ne l’est pas, de manière à accepter ce qui est, et de discerner la meilleure fin à choisir dans chaque action.
Le sage stoïcien doit reconnaître ce qui ne dépend pas de lui et ce sur quoi il peut agir. Il
est important et premier dans la sagesse stoïcienne de distinguer ce qui est de l’ordre du hasard et ce qui est de l’ordre de la volonté propre. Epictète travaille tout particulièrement la question de la liberté et indique que pour la saisir il faut exclure ce qui n’est pas compris en elle. Voici ce qu’il écrit dans les Entretiens :
...