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Le biopouvoir

Synthèse : Le biopouvoir. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  8 Mars 2023  •  Synthèse  •  5 607 Mots (23 Pages)  •  283 Vues

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Le biopouvoir

Définition classique 

        Dans sa définition simple, la notion de biopouvoir désigne le pouvoir s’exerçant sur la vie des être humains, c’est-à-dire sur les corps de la naissance à la mort, sur les individus et sur la population, par un Etat ou une religion. Biopouvoir est un dérivé du mot « pouvoir », néologisme inventé par Michel Foucault dans la seconde moitié du XXème siècle. Le biopouvoir correspond ainsi, en philosophie politique, au pouvoir prenant compte des êtres humains en tant qu'espèces vivantes, qui se trouvent dans un milieu de vie déterminé, à savoir leur milieu d'existence. Ce biopouvoir prend ainsi en compte « la vie », et non plus des « âmes », mais des « hommes », avec d'un côté le corps, qui va être discipliné, maîtrisé et d'un autre côté la population entière, qui va être contrôlée. Prenons un exemple simple et d’actualité pour illustrer : lors d’une épidémie, telle que celle du Covid-19, une politique de santé publique s'est mise en place ; il y a ainsi maîtrise des corps (chacun dans son individualité) et de la population (à plus grande échelle, globale, les corps généralisés).

Naissance du terme biopouvoir par Michel Foucault

        Cette notion de « biopouvoir » est émise par Michel Foucault, philosophe engagé (participe à des mouvements contestataires notamment autour de mai 1968) du XXème, qui introduit de nouveaux objets de recherche (tels que la prison ou la sexualité) et renouvèle la réflexion notamment autour de la notion de pouvoir. Il travaille cette notion en s’attachant à observer le présent, c’es-à-dire l’exercice du pouvoir à son époque. Il appelle « biopouvoir » les techniques spécifiques du pouvoir s’exerçant sur les corps individuels et les populations, hétérogènes aux mécanismes juridico-politiques du pouvoir souverain.

        Dans les années 1970, Foucault s’approprie les deux termes de « biopouvoir » et de « biopolitique », qui sont liés. Ce terme « biopouvoir » apparaît en 1974 dans une conférence au Brésil sur le thème de « la médecine sociale ». Il est ensuite repris et défini en 1976, simultanément dans le dernier chapitre de l'œuvre publiée La Volonté de savoir, 1976 et dans deux cours publics au Collège de France : « Il faut défendre la société » et « Naissance de la biopolitique ». La Volonté de savoir est un texte charnière, qui ouvre les analyses du pouvoir disciplinaire menées dans Surveiller et punir (1975) au champ de la sexualité. Foucault y critique l’hypothèse selon laquelle le pouvoir vise à limiter le désir, pour montrer que les techniques de pouvoir, observées dans leurs effets, ne cessent au contraire de faire parler du sexe. Cette hypothèse est au principe de La Volonté de savoir (1976).

Le terme de biopouvoir apparaît à la fin son ouvrage comme une alternative au « pouvoir répressif ». Foucault parle à cette époque plus généralement de « biopouvoir », notion qui le fait distinguer une forme « traditionnelle » de pouvoir à une forme « moderne » de pouvoir exercé sur la vie. Cette distinction de forme de pouvoir le conduit à faire l'histoire des techniques par lesquelles la conduite des hommes est menée, leur corps investi.

Naissance chez Foucault ?

        Le philosophe italien Roberto Esposito a énoncé que la notion de biopolitique n’avait pas été inventée par Foucault, mais que la notion était plutôt apparue dans les années 1930, et énoncée par le Suédois Rudolf Kjellén. Ce terme désignait une politique d’expansion nécessaire à tout État entendu comme force naturelle. Puis le terme réapparaît dans les années 1960, en France, selon une acception néo-humaniste qui prend acte de l’histoire du régime nazi. Elle indique alors une philosophie politique qui adapte les valeurs civilisatrices aux transformations des concepts et des techniques biologiques par la révolution moléculaire, comme le fait Kenneth Cauthen dans Christian Biopolitics. A Credo and Strategy for the Future, publié en 1971.

         La (re)prise du terme par Foucault en 1976 apparaît donc davantage comme un effort de réflexivité sur une tendance en cours de formation : « Ce qui, dans les déclinaisons précédentes de la biopolitique, était présenté comme un donné inaltérable – la nature, ou la vie humaine en tant que telle – devient désormais un problème. » (Esposito, 2004) Il s’agit en effet pour Foucault de comprendre ce qui se transforme dans les relations de pouvoir lorsqu’elles se situent dans le domaine général de la vie.

Formes de pouvoir chez Foucault

        La forme traditionnelle du pouvoir est décrite par Foucault par le pouvoir pastoral : le pouvoir passe par la prise en charge intégrale par le berger, seul à la tête de son troupeau, du soin de la vie de celui-ci : il veille à le nourrir, à le soigner, à l'encadrer, à aider sa reproduction, à le distraire, etc. Il insiste sur les caractéristiques de cette forme de pouvoir : le pouvoir n’est ni autoritaire, ni répressif, le berger ne règne pas, comme un roi, sur un territoire, mais celui-ci guide le troupeau, veille sur lui, prend garde à ce qu’il ne s’égare ni ne dépérisse. Il s’agit d’un pouvoir de soin : le berger ne gouverne pas « pour lui-même », mais au contraire, entièrement « pour les autres ». C’est un mode de pouvoir non seulement global, mais individualisant. Il fait ainsi une comparaison avec le pouvoir monarchique, qui lui, donne la mort. La forme traditionnelle est le pouvoir de « souveraineté ». Il peut se manifester par des prélèvements contraints dans les ressources et/ou du marquage symbolique.  

        Nous pourrions illustrer cela par la soustraction d’une partie des récoltes, la réquisition des richesses matérielles ou des forces de travail, ou les cérémonies à l’honneur du prince. Ce premier pouvoir « fait mourir et laisse vivre ». Le souverain, le roi ou l'État, se défend de ses ennemis, soit en les tuant directement, soit en envoyant ses sujets mourir pour le sauver des ennemis extérieurs. Ce qui est très important de souligner ici, c’est que le pouvoir n'intervient sur la vie de ses administrés que sous la forme d'une menace de mort. Dans ce premier cas, le pouvoir s’exerce sur des sujets.  

        

        Le biopouvoir, qui apparaît durant l'âge classique, va fonctionner d'une manière très différente. Foucault définit ainsi la césure (fin du XVIIIe siècle), entre l’ancienne souveraineté monarchique et le nouvel ordre bourgeois, fondé sur la science biologique. Dans ce second cas, le pouvoir s’exerce sur la vie et les corps. Concrètement, selon lui, on passe ainsi du pouvoir de « faire mourir et de laisser vivre » exercé par le roi au pouvoir de « faire vivre et laisser mourir » : « On pourrait dire qu’au vieux droit de faire mourir et laisser vivre s’est substitué un pouvoir de faire vivre ou de rejeter dans la mort. S’ouvre ainsi l’ère d’un "biopouvoir". […] Ce ne fut rien de moins que l’entrée de la vie dans l’histoire – je veux dire l’entrée des phénomènes propres à la vie de l’espèce humaine dans l’ordre du savoir et du pouvoir » (Foucault, 1976). D’un côté, l’ancienne puissance de la mort, symbolisée par le pouvoir royal, tandis que de l’autre, le pouvoir passe par l’administration des corps visant à transformer et à améliorer la vie grâce à la science. Foucault en décrit deux grandes modalités : c’est le début de la discipline des corps et de la biopolitique des populations. Celle-ci est mise en œuvre dans des institutions telles que les casernes, les usines, mais aussi les écoles. La discipline consiste à investir le corps de chacun des individus par des techniques de répartition dans l'espace, de décomposition des gestes, d'examen des capacités, par des instruments de surveillance et de sanction, afin d'en extraire des forces utiles, et de les rationnaliser. Il ne s'agit plus simplement de marquer le corps physiquement (coups de fouets par exemple) ou d'exiger de lui des signes extérieurs de soumission (selon les tenues et costumes), mais, par cette « anatomo-politique », de rendre les corps dociles, adaptables, et finalement rentables.

        La « biopolitique », au sens étroit d'une des deux modalités du biopouvoir,  consiste, cette fois pour l'État, à réguler la « population » : modifier les taux de natalité selon les stocks, enrayer les endémies qui nuisent au royaume, réduire les infirmités ou invalidités qui empêchent les hommes de travailler, contrôler la cité avec des politiques de la ville... L'objet de la biopolitique devient la « population ». Par « population », il faut entendre un processus biologique anonyme et massif, quantifiable, évaluable à travers des études démographiques, les sciences statistiques qui commencent à se développer à la fin XIXème. Cette population est susceptible de varier positivement ou négativement. La régulation de la population par l'État se fait au travers de mesures plus ou moins souples et continues dans le temps : proposition de règles d'hygiène, politiques d'incitation au mariage… Celle-ci se retrouvent alors bien éloignées du tranchant autoritaire et brutal des manifestations du souverain. Tel est le biopouvoir, qui mène à une biopolitique, c’est-à-dire à une forme d’exercice de la gouvernance à travers, par exemple, une médecine sociale. Il y a ici la perspective d'améliorer l'état de santé d'une société et de ses individus à travers des règles d’hygiène de vie, un contrôle de la natalité (Pensons ici par exemple à la Politique de l’enfant unique menée en République Populaire de Chine entre 1979 et 2015), un assainissement de l’habitat… Cette organisation suppose un recul de la sacralité, c’est-à-dire plus d’explications théologiques. Cette gouvernance des corps se fait loin des croyances religieuses. Les dirigeants font appel à la science pour diriger les humains.

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