Le bonheur résulte-t-il de la satisfaction de tous nos désirs ?
Dissertation : Le bonheur résulte-t-il de la satisfaction de tous nos désirs ?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar machin876529 • 8 Mars 2016 • Dissertation • 2 277 Mots (10 Pages) • 1 140 Vues
Sujet : Le bonheur résulte-t-il de la satisfaction de tous ses désirs ?
« Le bonheur est un art à pratiquer, comme le violon. », nous apprend John Lubbock, prix Nobel britannique de littérature du XIXème siècle. Au premier abord, le bonheur nous apparait effectivement comme le but d’une vie : pourquoi vivre, si ce n’est pour être heureux ? Cette question transcenda les époques, et occupa de nombreux philosophes… Mais si l’on admet que le bonheur est l’entéléchie de l’existence humaine, un problème de taille se pose alors : comment peut-on atteindre ce bonheur dont il est question, c’est-à-dire cet état durable de bien-être et de sérénité, tel que les vicissitudes quotidiennes ne pourrait aucunement altérer ? En ne manquant de rien, pourrait nous répondre la raison… Or, Platon nous apprend, dans ses discours regroupés dans l’ouvrage Le Banquet, qu’« on ne désire que ce qu’on manque ». Désirs satisfaits et bonheur seraient-ils ainsi synonymes ? La réalisation inconditionnelle de nos désirs, c’est—à-dire nos besoins et nos envies, est-elle donc une condition nécessaire et suffisante pour aspirer au bonheur véritable ?
Ainsi, il semblerait que le bonheur soit le but même de l’existence humaine : beaucoup de nos actions sont guidées, ou tout du moins semblent guidées, par cette quête. D’une part, nous cherchons à éviter conflits et privations, et d’autre part, nous aspirons à vivre des expériences satisfaisantes, à travers nos relations aux autres – amitié, amour, etc… –, l’élévation de l’âme par la réflexion, ou encore, d’un point de vue bien plus physiologique, notre sexualité… Cette notion se retrouve notamment chez les hédonistes les plus radicaux, et ainsi chez le personnage de Calliclès, dans le Gorgias, un dialogue de Platon. Contrairement à Socrate, celui-ci pense que seule la Nature, qui nous apprend à laisser libre cours à nos passions, doit illuminer l’existence humaine. Si l’Homme se retrouvait à borner ses pulsions, alors comment pourrait-il se revendiquer comme individu, c’est-à-dire enfant de la Nature ?
Bien plus récemment, le psychologue américain Abraham Maslow laissa au monde ses travaux sur les besoins humains, qui donnèrent lieu à une hiérarchisation de ceux-ci, connue sous le nom de « pyramide des besoins ». Cette dernière classe les désirs humains en deux catégories et cinq degrés : nos besoins vitaux – c’est-à-dire nos besoins physiologiques et de sécurité – seraient nécessaires à la réalisation de nos désirs – classés en trois groupes : appartenance et amour, estime, et finalement accomplissement de soi. Autrement dit, est bienheureux celui dont tous les besoins sont successivement assouvis, jusqu’au désir d’accomplissement de soi. L’intellectuel, curieux, se questionnant sur l’ordre établit et sur ce qu’il croit connaître semble donc être le plus à même de connaître la sérénité, car la sagesse – et donc la philosophie, étymologiquement l’amour de la sagesse – apparait être la clef du bonheur véritable : le sage, en transcendant les préjugés de la société, remet en question les valeurs communément admises de la réussite ; il est donc le plus à même d’avoir une estime de soi, et donc la plénitude de son âme.
Cependant, l’esprit raisonnable pourrait objecter que l’homme est un être déraisonnable : quand un de ses désirs est assouvi, l’esprit s’efforce d’en créer un nouveau, toujours moins atteignable. Le bonheur, ne découlerait-il pas plutôt de la recherche de l’accomplissement de nos passions ? Beaucoup pensent que de la routine nait le malheur : serait donc bienheureux celui menant une vie exceptionnelle, à savoir une vie dont le quotidien serait banni, et où chaque jour est différent. Quoi de plus efficace, donc, que de repousser ses limites, et ainsi ses désirs ? Comme le dit Calliclès, dans le Gorgias de Platon, « une fois les tonneaux remplis, on n’a plus ni joie, ni peine, mais ce qui fait l’agrément de la vie, c’est de verser le plus possible ». La quête sempiternelle de ses pulsions mèneraient ainsi au bonheur. Cependant, Platon tiendra en échec ce personnage, à travers Socrate, personnage prépondérant dans ses dialogues : philosophe moral, il exalte la place de l’éthique dans la vie de la Cité, et donc de ses habitants…
Il semblerait néanmoins que le propre de l’être humain, par rapport aux autres animaux, est sa faculté de vivre en société. Cadre de la vie de l’Homme, c’est aussi par conséquent le cadre de sa quête du bonheur… Il convient donc de définir ce qu’est la société. Une approche consisterait à la définir comme une construction intellectuelle de l’Homme, regroupant un ensemble de personnes partageant des caractéristiques communes – nationalité, localisation, langue, ou profession, par exemple –, et interagissant entre elles. Il serait donc plus exact de parler des sociétés et non d’une société pour définir l’ensemble des interactions et coopérations des Hommes. En outre, chacune de ces sociétés adopte, entre autres, des règles éthiques, pouvant être – partiellement – transcrites dans des lois, des morales, et une doxa. Par définition, les sociétés sont donc contre-nature : elles tentent de substituer à la violence le dialogue et la coopération, et transgressent les lois de la nature. La quête de son propre bonheur ne doit ainsi pas primer, mais s’inscrire dans cette question fondamentale : La satisfaction de mes besoins ne rentre-t-il pas en conflit avec le bonheur d’autrui ?
La pleine satisfaction de ses pulsions semble donc une approche indélicate, voire impertinente, du bien-être : le contentement de ses désirs apparaissant comme raisonnables au premier abord, ne saurait entrainer chez l’Homme que de nouvelles envies. Processus sempiternel, il ne pourrait seulement déboucher que sur des passions irréalisables – car l’Homme vit en société-s – , et mènerait donc à la frustration. Il s’agit donc de développer une nouvelle démarche, pour accéder à cet état de plénitude tant recherché… Et puisque l’Homme semble souffrir de ses désirs, et, par ailleurs, devoir endurer inexorablement certaines expériences qualifiées de mauvaises, alors, l’Homme bienheureux ne serait-il pas l’Homme libre ? Un être dont la liberté serait telle qu’il n’éprouverait plus de désirs, et qui accepterait pleinement les aléas de la vie, car affranchi de toute attente, ne serait-il pas heureux, ou du moins, le plus heureux des Hommes ? Le bonheur ne serait ainsi atteignable seulement en travaillant sur soi-même, de manière à ne pouvoir souffrir d’un quelconque désenchantement, et donc ne pouvoir que profiter des opportunités et moments plaisants qui nous sont offerts.
En effet, cette idée fut notamment exploitée par le stoïcisme, une école de pensée fondée par Épictète à l’aube du IIIème siècle av J-C. Selon cette philosophie : il faudrait se laisser traverser par les vicissitudes de la vie quotidienne, et s’abstenir de souhaiter la réalisation des désirs irrationnels ou dont la réalisation ne serait ni simple, ni vitale. D’ailleurs, le sage stoïcien retranscrit cette pensée dans cette maxime qu’il exhorte à quiconque cherche le bonheur : « Sustine et abstine », soit littéralement « supporte et abstiens-toi ». Ainsi, pour les philosophe de l’école du Portique, non seulement le bonheur ne résulte pas de la satisfaction de tous ses désirs, mais découle bien au contraire de l’inexistence de ces derniers… L’absence d’attentes éloigne toute déception ou trouble possible, et permettrait donc de mener l’âme à l’état d’ataraxie. Descartes, d’ailleurs, illustre parfaitement cette idée dans son Discours de la Méthode, près de vingt siècles après, lorsqu’il édicte qu’ « [il fallait] tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l’ordre du monde ». Puisqu’on ne peut altérer la « fortune », c’est-à-dire le destin, il faut alors remettre en question ses désirs, faute de quoi l’Homme ne peut atteindre un état de bien-être. Néanmoins, ce travail de remise en question nécessiterait, par sa profonde complexité, des capacités que seuls les plus sages possèderaient. N’existe-t-il donc pas des moins plus accessible au commun des mortels pour vivre le bonheur, ou du moins, tenter de s’approcher du bien-être ?
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