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Combat Jacob et ange

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e d’une identité irrépressible mais chimérique. Il est celui qui « crut voler sur un bouc, rencontra le roi des Trolls, et le Grand Courbe, conduisit sa mère au Château de la Mort, quitta la Norvège, erra du Maroc à l’asile du Caire, entre les singes et les fous, revint en son pays par grande tempête, du affronter le diable, manqua d’être refondu dans la Cuiller universelle, finit dans le giron d’une femme qui l’avait toujours attendu… ». Récit picaresque d’un personnage solitaire, Peer Gynt se nourrit des grands mythes (Faust, Jacob…) qu’il articule autour du problème central de l’identité du héros : « être soi-même ». cf. Acte V scène l’oignon sur la dissolution du personnage dans une infinité d’identités.

Après avoir échappé, grâce aux filles du Pasteur, à la mort que lui avait promis le Roi des Trolls, Peer se retrouve seul, dans le noir, et lutte avec un personnage mystérieux, le Courbe.

Le combat est illustré par l’attitude offensive de Peer (« On entend Peer Gynt frapper et cogner autour de lui avec une grosse branche »). Dans la Génèse, Jacob demande son nom à Dieu après le combat qui les a opposés. Or Peer Gynt manifeste peu de ménagement : « Réponds ! Qui es-tu ? » violence du vocatif mise en valeur par l’exclamation. Peer use d’un langage vert et insolent (« Réponse stupide, garde-là pour toi », « Tiens donc »…) tandis que le courbe, d’abord évoqué sous le forme d’une « voix dans l’obscurité », se caractérise par son calme et le sentiment serein de sa toute-puissance. Réponse du Courbe paraphrase le Dieu de la Bible, une des trois significations de Yahvé : « Je suis celui qui est » (par opposition aux idoles). Introduit le problème de l’identité : le Courbe apparaît dans son irrépressible unité tandis que Peer joue sans cesse un autre personnage et se perd à mesure dans la fragmentation de son être véritable. Parole du Courbe assurée, impose sans combat sa puissance et sème le trouble dans l’esprit de Peer (« Peux-tu en dire autant ? »). Peer Gynt manifeste orgueil, entêtement, vanité et naïveté. Orgueil du menteur certain de la toute puissance d’un langage qu’il peut soumettre à sa fantaisie (« Je dis ce que je veux »), se livrant volontiers au mensonge (« Tout est faux, tout est fou », s’écriait la vieille Ase au début). Entêtement à vouloir appréhender l’esprit de Dieu, alors que celui-ci n’est pas matière. Oppose en effet la matérialité de son épée et la notion traditionnelle de combat, à l’immatérialité de la volonté divine, qui situe le combat sur un autre terrain, celui de la pensée. Vanité et naïveté enfin, dans l’allusion à Saül, évocation biblique accentue la dimension intertextuelle de cette page. Contraste non dénué de paradoxe : l’identité de Peer Gynt, personnage pourtant identifiable semble mal assurée (« Peux-tu en dire autant », se prend ici pour le Roi David), tandis que le Courbe, désigné de façon énigmatique comme une « voix dans l’obscurité », s’affirme dans son unité et sa puissance. L’énigme est à la mesure de l’être auquel Peer se trouve confronté. Variation de qui à quoi : comme le dit Pascal, l’homme (« qui ») n’est ni ange, ni bête : qui veut faire l’ange fait la bête. Peer manifeste ainsi la nature différente de l’être auquel il s’oppose (animal ou dieu). Parole divine assurée et bienveillante, anaphore « Fais le tour, fais le détour ». Naïveté de Peer Gynt, se lance sur le Courbe, mais combat ne peut s’effectuer. Définition du courbe en accord avec la Bible : image christique du martyre et de la résurrection (« le courbe qui est mort et qui vit »). Hypozeuxe (parallélisme des structures) figure l’enfermement du héros. Ne connaissant pas sa propre essence, puisque dénué de toute unité, Peer recherche l’unité du Courbe, volonté de définition, quête d’une connaissance qu’il puisse apprivoiser. Description du courbe par lui-même reprise en écho par Peer sous le mode de l’incompréhension : tandis que le Courbe voulait signifier son immatérialité, Peer le réduit à la matérialité épique appréhendable d’un tas d’ours contre lequel il aurait à combattre. Parole du Courbe possède plusieurs résonances : Le Courbe n’est pas fou : folie de celui qui invente des histoires sur son propre compte, mais également folie de celui qui se bat contre l’immatérialité. Ibsen se dégage de l’intertexte biblique en ce que l’ange « frappe Jacob à la hanche », emploie la force, comme si le Courbe, quant à lui, connaissait l’issue d’un combat sur lequel il ne peut avoir le dessus. Comportement puéril de Peer (« Je veux que tu te battes ») contraste avec la variation de l’hypozeuxe : de Courbe, à « Grand Courbe ». Peer se montre rétif à toute percée de l’esprit : le silence de Dieu doit favoriser la réflexion sur son propre être, sur sa propre nature, or Peer fermé à toute réflexion, ce qui lui fait vainement espérer un combat, pour demeurer ne serait-ce qu’un peu dans la matérialité du monde. L’épreuve consiste pour le Courbe à mettre Peer Gynt face à

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