Le blues

tations, puisqu’il vise à émouvoir et à faire passer un message de complainte. On emploiera donc la notion de « protest-songs », qui est propre au blues.

«A guy will promise you the world and give you nothin’, and that’s the blues. » Otis Rush

« Un homme vous promettra le monde et ne vous donnera rien, et ça, c’est le blues. »

A travers notre travail, nous analyserons l’évolution du blues au cours des années, et nous tenterons de répondre à la question suivante :

Quels liens pouvons-nous établir entre le développement de la société et l’évolution du blues ?

Nos recherches seront principalement orientées dans un cadre géographique précis, celui des Etats-Unis. Toutefois, nous évoquerons brièvement le Royaume-Uni, avec l’influence du blues « revival » (renaissance) qui a popularisé le mouvement en Europe.

Comme expliqué auparavant, le blues est donc un mouvement aussi bien social que musical. Afin d’étoffer cette notion, nous étudierons le sujet, en le segmentant en trois parties.

La lecture de certains ouvrages, l’analyse de certains documents issus d’internet, et le visionnement de plusieurs films, avec l’appui d’une interview instructive nous ont permis d’élaborer le plan chronologique suivant :

En premier lieu, le panorama économique et politique de l’époque nous permettra d’expliquer les origines et la naissance du blues dans un cadre d’exclusion sociale.

Dans un deuxième temps, nous analyserons les répercussions musicales et sociales telles que l’élimination du racisme, et l’inspiration à d’autres révolutions sociales (hippie, punk, grunge).

Enfin, nous suivrons l’évolution musicale de ce mouvement, avec la création d’un marché musical important jusqu'à nos jours, à travers sa médiatisation globale (d’où sa popularité).

I/ Les débuts du blues

Tout d’abord, nous illustrerons la naissance de cette musique à travers une analyse du contexte social de l’époque, puis ses évolutions en fonction de ses migrations.

A/ Panorama économique et historique

En 1607, le village de Jamestown est fondé en virginie. Et en 1619 (soit douze ans plus tard), les premiers « Noirs » d’Afrique y sont déportés en temps qu’esclaves « engagés », ce qui signifie qu’ils n’étaient pas tués après avoir accompli leur travail, mais qu’ils étaient destinés à rester et vivre sur cette île. La légalisation de l’esclavage est proclamée en 1661 en Virginie. A l’époque, les principaux travaux se trouvaient dans l’industrie du tabac, les champs de coton, de riz et de sucre. Et suite à l’abolition en 1807, les Etats du sud méprisent cette nouvelle loi et augmentent leurs nombres d’esclaves. C’est donc dans ces années que naissent les chansons de travail qui aboutiront plus tard au blues.

Dans son livre, George Pinckard nous raconte l’arrivée des noirs en Amérique : « Ils prennent grand plaisir à se rassembler en groupes et a chanter leurs chants africains préférés ; l’énergie qu’ils déploient a ce faire est plus remarquable que l’harmonie de leur musique »

C’est au début des années 1920, 25 ans après la Grande Dépression, que s’est enregistré le premier album blues, le 14 Février 1920, alors que Thomas W. Wilson est à la tête des Etats-Unis. C’est Mamie Smith, blueswoman, qui est à l’origine de ce succès : 75 000 vinyles sont vendus. Neuf ans de spéculations et d’inégalités s’écoulent alors, et aboutissent le Jeudi 24 Octobre 1929 au Krach Wall Street, nommé « Jeudi Noir ». C’est le tournant décisif : désormais les blancs sont si atteints par la crise qu’il n’y a plus d’énormes différences entre les deux « races ». Or, l’absence d’argent amplifie le racisme et la discrimination. Environ 50 ans après l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis (1865), la discrimination raciale n’avait pas été si présente depuis les débuts du commerce triangulaire.

Hoover et Roosevelt dirigeront le pays durant ces vingt ans (1929-1945), dont la séparation entre noirs et blancs sera très marquée, surtout dans le delta du Mississippi dans les années 1930 mais progressivement dans le Nord jusqu’à Chicago. On y trouvait couramment des bars pour noir, des toilettes pour noirs ou encore des fontaines pour noirs. Cette séparation rend la popularisation du blues impossible parmi les blancs, il faudra attendre les années 1960 pour que les Anglais redécouvrent les grands maîtres du Blues et soit créé le Blues Revival.

Exemple de séparation racial : Ici, un individu de couleur boit dans une fontaine pour les « colored » « colorés » indiquant la couleur de peau.

B/ Naissance d’un mouvement plus que d’une simple musique

Il est impossible de connaître avec exactitude la date de création du Blues, puisque c’était une musique populaire apparue parmi les afro-américains de l’époque. Ils ne le savaient pas encore, mais les premiers bluesmen venaient de créer une philosophie et un mode de vie, repris encore de nos jours par les sociétés de proteste ou par les musiciens. Musicalement, le blues est une mélodie simple et sobre qui repose sur les trois notes principales d’une gamme pentatonique : la tonique, la quarte et la quinte. Le blues invente la « pentatonique blues » dont la célèbre « Blue Note » qui correspond à une quinte diminuée.

A une époque où tout leur était enlevé, leurs instrument, leur culture et même leur langue, le seul moyen de rester unis et de communier était la musique. Le Blues est donc un mélange de cultures, ils prenaient les instruments américains de l’époque, y chantaient leurs peines par dessus le rythme des coups de marteau sur les pierres (champs de travail) ou encore prenaient des rythmes africains, souvenirs de leurs ancêtres. Au départ il n’est pas considéré comme une musique révolutionnaire, puisque les blancs ne l’écoutaient pas, ce qui leur permettait de dire ce qu’ils voulaient.

Robert Johnson introduit les premières allusions sexuelles, qui furent reprises par de nombreux groupes de Rock qui redécouvraient les artistes blues de l’époque.

Ainsi, ignorant l’ampleur que ça allait prendre, le blues commença à se développer, parallèlement au Gospel, au cœur du Mississippi.

Ici Robert Johnson, le Bluesman ayant vendu son âme au diable.

Légende créée par le propre artiste afin de multiplier ces ventes.

La relation avec le diable est une des excuses pour laquelle le KuKluxKlan chassait les afro-américains.

C/ Flux migratoires et premières évolutions

Ce mouvement musical, étant considéré comme le « frère diabolique » du Gospel, ne se popularise pas parmi les blancs, il reste jusqu’en 1960 une musique discriminée et surtout « reliée à l’alcool, le sexe et le diable » nous dit Martine Henriot associée du BagBlues à Genève. Les artistes, ne trouverons pas de source de revenus et déciderons d’immigrer vers le Nord dans l’espoir de trouver du travail, ce qui s’avère loin de la réalité.

[pic]

Ici nous apercevons quatre courants d’immigration, tous issus de la Nouvelle-Orléans ou du Mississippi (www.bagblues.com)

Le Mississipi est l’endroit ou tout commence avec le Delta blues. Il est considéré comme le « berceau du blues » et est l’un des premiers styles de blues dont les instruments dominants sont la guitare et l’harmonica.

Le trajet ici représenté en rouge traverse le Texas et aboutit en Californie, les mouvements musicaux créés seront le West Coast Blues (Ray Charles) qui nait dans les années 1940 avec comme principaux instruments le piano et la guitare (pour les solos), et le Texas Blues, qui nait au début des années 1960 dans les travaux pétroliers et forestiers (Lightnin’ Hopkins).

Le trajet bleu qui représente l’immigration vers le Nord, vers l’Illinois, et surtout à Chicago, sans doute l’endroit le plus populaire pour le blues de l’époque. En effet, le Chicago Blues naquit dans les années 1940, et fut l’introduction d’autres instruments que la guitare acoustique, comme la basse, la batterie, le piano ou le saxophone. Nous y retrouverons notamment John Lee Hooker, Howlin’ Wolf ou Bo Diddley.

Le flux d’immigration représenté par le trajet vert, arrivera à Detroit dans les années 1940-1950, et un nouveau style musical très proche du Chicago