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Qu'Est Ce Que Le Bonheur Réel ?

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référence au seul désir est impuissante à rendre compte du sens de la quête du bonheur, parce que quelque chose dépasse, en l'homme, l'aspiration à la satisfaction du désir , qui est le mouvement même de la réflexion : "C'est ici qu'une analyse immédiate de la désirabilité humaine qui ferait l'économie de l'étape transcendantale de la réflexion, tourne court. Elle n'a pas de quoi distinguer cette totalité d'achèvement à quoi vise l'"acte de l'homme"', du sentiment, imaginairement prolongé, d'avoir atteint un résultat, rempli un programme,triomphé d'une difficulté. On le voit bien avec l'analyse aristotélicienne du bonheur : le Stagirite se borne à discerner le bonheur de la visée de fait du désir humain : "le principe en cette matière est le fait", dit-il ; mais la réflexion psychologique directe ne peut distinguer la totalité d'accomplissement d'une simple somme d'agréments : le "préféré suprême", l'"unique désirable", reste mêlé au "bien-vivre". C'est pourquoi il était nécessaire que Kant commençât par exclure le bonheur de la recherche du "principe" de la moralité en le repérant du côté de la puissance de désirer et en l'identifiant à l'amour-propre : "la conscience qu'a un être raisonnable de l'agrément de la vie accompagnant sans interruption toute son existence est le bonheur et le principe de prendre le bonheur pour principe suprême de détermination du libre choix est le principe de l'amour de soi." (Kant : Critique de la raison pratique) (...) Mais cette épochè du bonheur, compris dans l'agrément durable de la vie, restitue le problème authentique du bonheur, en tant que totalité d'accomplissement. Ce n'est pas en effet la "faculté de désirer" qu'il faudrait pouvoir interroger, mais ce qu'Aristote appelait l'ergon humain, c'est-à-dire le projet existentiel de l'homme considéré comme un indivisible ; l'investigation de l'agir humain et de sa visée la plus vaste et la plus ultime révélerait que le bonheur est une terminaison de destinée et non une terminaison de désirs singuliers ; c'est en ce sens qu'il est un tout , et non une somme ; c'est sur son horizon que se détachent les visées partielles, les désirs égrenés de notre vie ." (P. Ricoeur )

Cette distinction entre deux types de "terminaison", c'est-à-dire deux manières de "terminer" ce que nous faisons est essentielle à la compréhension du phénomène du bonheur : "Il existe, écrit P. Ricoeur, deux manières de "terminer" : l'une achève et parachève des opérations isolées, partielles ; c'est le plaisir ; à l'autre, il appartient de parfaire ce que Aristote appelait l'ergon , l'œuvre de l'homme, ce que Kant appelle la Stimmung , la destination de l'homme, et ce que les modernes appellent la destinée ou le projet existentiel de l'homme : c'est le Bonheur ou la Béatitude. Le plaisir est un achèvement fini, parfait dans la limitation, comme Aristote l'a admirablement montré. Quant au bonheur, il ne peut être compris par extension du plaisir ; car sa manière de terminer n'est pas réductible à une simple somme, à une addition d'agréments sans cesse renouvelés et que la mort interromprait ; le Bonheur n'est pas une somme , mais un tout . C'est ce que Kant n'a pas considéré , lorsqu'il a critiqué l'idée du bonheur ("l'agrément de la vie accompagnant sans interruption toute l'existence" , Critique de la raison pratique ) ; sa conception est celle d'une addition, d'une somme de simples "consciences de résultats" (Scheler)" (P. Ricoeur).

Bonheur et "totalité" ; le bonheur comme "totalité de contentement" (P. Ricoeur) et son rapport à l'exigence de totalité constitutive de la raison humaine :

Le bonheur ne saurait donc se résumer à une simple totalité additive, où les plaisirs s'ajouteraient les uns aux autres ; mais la question se pose alors de savoir comment l'homme peut avoir accès à cette idée de "tout" requise par l'essence même du bonheur. Il faut donc demander, avec P. Ricoeur : "Mais comment passerai-je de l'idée de somme à celle de tout ? L'oeuvre de l'homme , en tant que distincte de la somme de ses intentions partielles, m'échapperait si je ne pouvais en relier le mouvement d'ensemble au projet même de la raison qui est en moi ce qui expose la totalité . C'est l'exigence de la totalité ou raison (Critique de la raison pratique) qui me permet de discerner le bonheur comme souverain bien du bonheur comme addition de désirs saturés. Car la totalité que la raison "demande", c'est aussi celle que l'acte humain "poursuit" ; le verlangen kantien (demande, exigence, requête) est le révélateur transcendantal du sens de l' éphiestaï aristotélicien (poursuite, tendance, quête). Cette "demande", dit Kant, se perd dans l'illusion mais le ressort de cette illusion même , c'est une "perspective (Aussicht ) sur un ordre de choses plus élevé et immuable dans lequel nous sommes déjà maintenant et dans lequel nous sommes capables, par des préceptes déterminés, de continuer notre existence, conformément à la destination suprême de la raison ". Ce texte dense et admirable - cette "vue qui ébauche", cet "ordre dans lequel nous sommes déjà", cette continuation de notre existence conformément à la destination, à l'assignation de la raison - n'est ce pas cette totalité de contentement que nous cherchons sous le nom de bonheur, mais filtrée en quelque sorte par l'exigence de totalité de sens qui est la raison ? " (P. Ricoeur : L'homme faillible). Il y a donc une corrélation étroite entre l'exigence de totalité constitutive de la raison et l'aspiration au bonheur comme volonté d'accomplissement dans l'ordre du sens : " Il est aisé de montrer que cette idée du bonheur ou de la béatitude est un sentiment de même amplitude que la raison. Nous sommes capables de bonheur comme nous exigeons la totalité." (P. Ricoeur : A l'école de la phénoménologie). L'aspiration au bonheur exprime l'ouverture du sentiment : "c'est donc la raison en tant qu'ouverture sur la totalité qui engendre le sentiment en tant qu'ouverture sur le bonheur.". C'est parce que la raison veut la totalité que l'homme aspire au bonheur, mais c'est cette même fascination pour

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