Tourisme Sexuel : « Clone Maudit Du Tourisme » Ou Pléonasme ?
Dissertations Gratuits : Tourisme Sexuel : « Clone Maudit Du Tourisme » Ou Pléonasme ?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresmits are uncertain, sexuality and tourism topics can be developed by cross-questioning. Taking sexual orientation and behaviors of the tourists into account can help to describe their motivations and expectations regarding touristic places; and thus the meaning they can give to their own experience as a tourist. Several types of touristic places are organized so that the tourists can meet others allowing some of them to discover oneself. Gay tourism gives a good example: for gay men, touristic space-time, allowing a departure from an alienating day-to-day life; is essential in the construction of their identity.
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L’ assimilation du tourisme sexuel à un « clone maudit du tourisme » est due à l’ essayiste Philippe Muray (2005, p. 80) pour lequel le tourisme sexuel serait une sorte d’ épouvantail, un écran produit hypocritement par le secteur touristique pour empêcher toute critique sur le tourisme en général. Loin de partager la « touristophobie » latente d’ tel propos, comme celle de nombre d’ un écrits scientifiques sur le tourisme voire de guides touristiques (Equipe MIT, 2002), nous pouvons cependant nous interroger sur la pertinence d’ isoler un tourisme dit sexuel par rapport à l’ ensemble du tourisme. Opposer le tourisme sexuel au tourisme sous-entendrait du même coup que celui-ci n’ aurait pas de lien avec la sexualité. Classiquement, les recherches sur le tourisme mettent l’ accent sur des éléments de motivation plus valorisants et socialement acceptables comme le dépaysement, le bienêtre, la culture, l’ éthique, etc. La prise en compte des sexualités dans les études sur le tourisme n’ existe que depuis deux à trois décennies, avec des nuances importantes entre les pays et les disciplines. Un double retard caractérise ces recherches en France par rapport au monde anglo-saxon ou même au Québec, et les recherches géographiques sur le sujet par rapport à celles menées par les sociologues ou les anthropologues 1. Le champ
1 Pour une connaissance de la littérature sur le sujet, nous renvoyons aux ouvrages suivants et à leurs nombreuses références bibliographiques : Ryan et Hall (2001) ; Bauer et Mc Kercher (2003) ; Cousin et Réau (2009) ; Roux (2009a). A noter que la thèse de Sébastien Roux (2009a), contribution fondamentale à l’approche sociologique du tourisme sexuel à partir du cas thaïlandais, sera publiée dans le courant de l’année 2011. Nous mentionnons également le dossier « Tourisme et sexualité » de la revue Téoros, vol. 22, n°1, 2003.
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de la géographie du tourisme dans lequel nos recherches s’ inscrivent, marqué comme l’ ensemble de la géographie française par ce qui est socialement ou scientifiquement acceptable, s’ est orienté pendant longtemps vers des questions relevant du développement économique, de l’ aménagement des territoires ou de l’ environnement (Cazes, 1999), avec des approches surplombantes et désincarnées, oublieuses du corps et des sexualités des individus. Symétriquement, la dévalorisation du tourisme de masse dans nombre d’ écrits scientifiques s’ appuie sur des références à la présence des corps des touristes : « la critique du bronzer idiot est donc bien celle de cette masse-corps sans esprit » (Deprest, 1997, p. 178). Ecarter ces préjugés, prendre en compte le plaisir du corps et des sens, partir des pratiques, perceptions et représentations des individus nous semblent indispensables pour comprendre ce qui se joue dans le tourisme. Plus largement, il s’ agit de considérer les touristes comme des acteurs conscients et autonomes ainsi que l’ proposé l’ a équipe MIT (Stock, 2003). La sexualité à laquelle nous nous intéressons ne se limite pas aux seules pratiques sexuelles, mais recouvre aussi la question des identités sexuelles individuelles et collectives, avec la reconnaissance du caractère sexué et de l’ orientation sexuelle des touristes. Dans un premier temps et sur la base d’ examen de la littérature existante, notre un contribution souhaite présenter les critiques soulignant le caractère restrictif de l’ appellation de tourisme sexuel ; dans sa définition classique, le tourisme sexuel est ainsi loin d’ épuiser la question du sexe dans le tourisme. Nous voulons ensuite montrer que la sexualité participe de l’ expérience touristique, les lieux touristiques fonctionnant comme des espaces propices au relâchement des contraintes et à la rencontre de l’ autre. Enfin, à titre d’ illustration et en nous fondant sur des enquêtes de terrain menées dans plusieurs lieux touristiques investis par les gays, nous mettrons en évidence l’ importance de la dimension sexuelle dans les motivations et des pratiques de ces touristes (Jaurand, 2010 ; Jaurand et Leroy, 2010). Au-delà de l’ individualisation d’ tourisme gay dans lequel un acte sexuel, l’ objectif est l’ identité communautaire se construit à travers la rencontre et l’ de montrer tout l’ intérêt d’ une prise en compte des sexualités pour questionner les fondements, l’ existence et la nature du tourisme en général.
Le tourisme sexuel, envers ou avatar du tourisme ?
L’ expression « tourisme sexuel » est une catégorie du discours assez récente, désignant au départ les déplacements de touristes étrangers à la recherche de rapports avec des prostituées d’ Asie du Sud-Est. Cette catégorie a été construite à travers la convergence de mobilisations nationales et internationales successives menées depuis les années 1970 : activistes hostiles au tourisme international, militantes féministes et
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abolitionnistes condamnant la prostitution, campagnes de lutte contre la pandémie de sida puis mouvements de défense contre l’ exploitation sexuelle des enfants (Roux, 2009a et 2009b). Si le cas thaïlandais a été précocement abordé dans les études relatives au « tourisme sexuel » (Cohen, 1982), le phénomène de la prostitution touristique a accru son ampleur en liaison avec la diffusion et la massification du tourisme international et la circulation de l’ information sur l’ Internet. L’ OMT définit le « tourisme sexuel » comme « les voyages organisés de l’ intérieur du secteur touristique ou de l’ extérieur de ce secteur mais en se servant de ses structures et de ses réseaux, avec pour objet essentiel la réalisation d’ une relation sexuelle à caractère commercial entre le touriste et des habitants au lieu de destination » (Jaurand, 2005a, p. 490). Cependant, Sébastien Roux a bien montré comment l’ intégration de la catégorie « tourisme sexuel » dans le discours scientifique, sans prise de distance avec le discours militant, moral et politique et sans une analyse critique de la genèse de cette catégorie, posait problème (Roux, 2009a). Une partie des travaux sur le tourisme sexuel, sous l’ angle anthropologique, sociologique, économique, très rarement géographique, développent en effet une critique radicale du phénomène, souvent dans une perspective marxiste ou postcoloniale (Ryan et Hall, 2001). L’ émergence de l’ analyse scientifique de la prostitution dans le tourisme international à partir des années 1970 laisse entrevoir une large superposition des sciences sociales et du militantisme (Roux, 2009a). Le développement de la prostitution peut être invoqué pour condamner le tourisme (Crick, 1989) ; au-delà, le tourisme sexuel est considéré comme une question politique, expression de rapports de domination inhérents à l’ expansion de l’ impérialisme américain (Enloe, 1989) et du capitalisme mondialisé (Truong, 1990). Nombre de travaux se focalisent sur les risques sociaux et sanitaires pour les prostituées et les populations locales, en particulier en liaison avec l’ épidémie de sida (Bertrand et Okanga-Guay, 1997 ; Cohen, 1988 ; Maurer, 1992). Plus généralement, le tourisme sexuel est interprété comme un avatar du néo-colonialisme occidental, s’ emparant des corps des populations du Sud après avoir dû renoncer à leurs territoires (McClintock 1995). En France, le thème a été abordé plus tardivement que dans le monde anglo-saxon, et les contributions les plus connues sont celles de l’ anthropologue Franck Michel (1998, 2003, 2007). Les écrits de Franck Michel sont d’ ailleurs emblématiques des interférences fréquentes des préoccupations politiques et militantes dans la construction du « tourisme sexuel » par les écrits scientifiques (Roux, 2009a). L’ incorporation d’ une catégorie du discours militant au discours scientifique a ainsi plusieurs conséquences théoriques que l’ pourrait assimiler à des effet-loupes et à leurs corollaires, des effets d’ on occultation par rapport au phénomène (la prostitution en contexte touristique) :
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1) Le tourisme est supposé être le moteur, si ce n’ le déclencheur de la prostitution. Or est en Asie du Sud-Est notamment, la prostitution à destination des étrangers est antérieure à l’ essor du tourisme international, en liaison avec les bases militaires américaines pendant la guerre du Vietnam et plus encore la colonisation. En outre, il convient de souligner que la prostitution est loin de se limiter à la seule clientèle internationale : les études sur la prostitution domestique (à destination de clients nationaux) sont très peu nombreuses car pratiquement
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