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Note de Recherches : Cpge. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoireslongue histoire (nous développerons plus spécifiquement dans le cours suivant la question du droit).
L’exigence de justice
« J’errai et je vis les larmes des victimes de l’injustice et ils sont sans consolation, et du côté de l’injustice il y avait la force, et ils sont sans consolation. Alors je louais les morts qui étaient déjà morts, plus que les vivants qui étaient encore en vie ; et plus heureux que les deux autres, celui qui n’a pas encore été, et qui n’a pas vu l’iniquité qui se commet sous le soleil. » L’ecclésiaste.
Nous avons montré dans notre introduction qu’il était problématique de s’appuyer sur l’idée d’un sens de la justice antérieur à toute incarnation politique. Il est en effet délicat de prétendre définir le contenu de la justice ad vitam eternam. Cela n’empêche cependant pas que l’on puisse évoquer la permanence d’une demande ou exigence de justice. Celle-ci est liée d’emblée à l’injustice au sens d’un mal, d’un tort commis qui exige réparation. La justice a en ce sens un rôle cathartique ; elle doit rétablir l’ordre troublé, perturbé, transgressé. On peut ici penser à la tragédie grecque dans laquelle un tel « retour à l’ordre » naturel s’exerce au détriment des individus (Œdipe par exemple) impuissants à comprendre leur sort et entraîné par lui. Cette première forme de justice est donc étrangère à la compassion. Elle indique bien plutôt que chacun a ce qu’il mérite ; elle répond à la loi du talion : « œil pour œil, dent pour dent ». Cette justice prétend à une « vérité », à une objectivité, au-delà de toutes les conventions, apparences et hiérarchie sociale.
La justice dans l’Antiquité grecque
« La justice est une disposition d’après laquelle l’homme juste se définit celui qui est apte à accomplir, par choix délibéré, ce qui est juste, celui qui, dans une répartition à effectuer soit entre lui-même et les autres, soit entre deux autres personnes, n’est pas homme à s’attribuer à lui-même, dans le bien désiré, une part trop forte et à son voisin une part trop faible (ou l’inverse, s’il s’agit d’un dommage à partager), mais donne à chacun la part proportionnellement égale qui lui revient, et qui agit de la même façon quand la répartition se fait entre des tiers. L’injustice, en sens opposé, a pareillement rapport à ce qui est injuste, et qui consiste dans un excès ou un défaut de ce qui est avantageux ou dommageable. » Aristote, Éthique à Nicomaque.
Nous avons vu que la première conception de la justice était celle d’un « retour à l’ordre », d’une réparation. Cette conception s’enracine dans la pensée grecque dans laquelle la justice est de l’ordre de l’univers et non seulement de l’homme. Ce que transgresse celui qui commet une injustice, ce n’est pas seulement une limite instituée par l’homme, c’est une limite naturelle. En ce sens, la justice à l’œuvre dans la cité est une partie de la justice universelle. Loi et nature sont ainsi intimement liées. Les sophistes vont néanmoins briser cette union en affirmant que les lois sont artificielles, qu’elles n’existent que pour assurer la conservation de la communauté, la satisfaction de ses intérêts. Or, comme ces derniers peuvent être déterminés par les intérêts propres du tyran, la justice n’est plus que l’avantage du plus fort.
Platon s’oppose aux sophistes en tâchant d’arracher la justice aux intérêts particuliers, en l’instituant en absolu. Il faut en défendre l’existence contre tous ceux qui affirment que « personne n’est juste volontairement ». Selon lui, les sophistes donnent du plaisir au corps, mais le corrompent tandis que l’enseignement de la justice est comme la médecine qui préserve la santé du corps. La justice exige l’éducation des citoyens et le bon gouvernement de la cité. La justice dépend tout autant d’une bonne disposition de l’âme (vertu) que de la bonne organisation politique. C’est pourquoi dans La République, Platon établit un parallèle entre la justice de l’âme et la justice politique. La justice est en nous comme elle est dans la cité ; elle est ce qui maintient chaque chose à sa place dans un ordre gouverné par l’idée de Bien. La cité idéale est composée de trois classes ayant chacune leurs fonctions propres : les philosophes sont ceux qui dirigent ; les guerriers sont ceux qui défendent la cité ; les artisans sont ceux qui procure le bien-être matériel. Cette tripartition des fonctions sociales correspond à une tripartition de l’âme de l’homme. Celle-ci est divisée en intelligence (noûs), cœur (thumos), appétit ou désir (épithumia). Dans l’homme comme dans la cité, la justice consiste dans l’équilibre des parties, chacune accomplissant son devoir.
Pour Aristote, la justice est également une vertu. Plus précisément, c’est la vertu de l’échange, c’est-à-dire de la relation aux autres. La justice est « une disposition à accomplir des actions qui produisent et conservent le bonheur, et les éléments de celui-ci, pour une communauté politique. » Conformément à la définition générale des vertus, la justice est un juste milieu entre l’excès et le défaut dans l’échange entre les hommes. Aristote distingue la justice commutative (ou corrective) et la justice distributive. La première vise à ce que chacun perçoive l’équivalent de ce qu’il a donné dans ses transactions, elle repose sur l’égalité. La seconde vise à la répartition des avantages parmi les membres de la cité, elle repose sur la proportionnalité suivant laquelle chacun reçoit selon son mérite.
La justice est donc pour les Grecs une vertu morale (notons que le mot « vertu » signifie pour eux excellence ; il y ainsi des vertus qui ne sont pas morales mais intellectuelles, etc.). Elle occupe même parmi ces vertus une place tout à fait privilégiée. Elle fait partie de ce que, dans la pensée chrétienne (héritière de la philosophie grecque), on appellera les vertus cardinales. Ces vertus, ce sont la tempérance, le courage, la sagesse et donc la justice. Mais plus encore, cette dernière est la vertu qui réunit en elle toutes les autres en ce qu’elle est la condition de l’harmonie entre les hommes.
De la justice au droit
« De même donc que le pêché et l’obéissance (au sens strict) ne peuvent se concevoir que dans un État, de même la justice et l’injustice. Il n’y a rien en effet dans la nature que l’on puisse dire appartenir de droit à l’un et non à l’autre, mais tout est à tous, c’est-à-dire que chacun a droit dans la mesure où il a pouvoir. Dans un État au contraire, où la loi commune décide ce qui est à l’un et ce qui est à l’autre, celui-là est appelé juste, qui a une volonté constante d’attribuer à chacun le sien, injuste au contraire, celui qui s’efforce de faire sien ce qui est à un autre. » Spinoza, Traité politique.
La pensée chrétienne fait sienne la conception grecque de la justice. Saint Augustin s’inscrit dans la tradition selon laquelle la justice est ce qui assure que chaque chose soit à sa place dans un tout ordonné, élargissant cette tradition aux rapports de l’homme et de Dieu. Pour Saint Thomas d’Aquin (comme c’était le cas pour Aristote), la justice repose tout entière sur un ordre naturel qui gouverne tous les rapports entre les choses et les hommes. Cet ordre définit ce qui est juste ; il confère à chaque chose le droit naturel qui lui revient.
Il ne faudrait pas croire cependant que la pensée médiévale est une simple perpétuation de la tradition grecque. Deux aspects doivent être mentionnés. Premièrement, la pratique juridique intègre alors la notion romaine de justitia. Cette « justice » consiste en la codification des règles et des lois (n’oublions que le mot « justice » provient du latin jus qui signifie le droit). La justice se lie alors étroitement au droit. L’alliance de la vérité et de la justice se fait plus lâche car c’est d’une certaine manière la seconde qui définit la première : il faut que « la chose jugée soit acceptée comme une vérité ». Deuxièmement, la justice au sens moral ainsi que les autres vertus cardinales se voient complétées par les vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité. La justice en vient progressivement à renvoyer non plus tant aux actes qu’à une pureté intérieure intimement liée à l’amour.
À l’orée de la modernité, ce sont les théories du droit naturel qui vont conduire la justice à désigner avant tout des vertus privées ou des normes de vie en commun. Ce droit se fonde toujours sur une nature, la « nature humaine », et en ce sens il serait susceptible de promouvoir une justice fondée sur un ordre, même si ce dernier n’est qu’un ordre humain. Mais il peut également rompre tout lien avec la notion de justice naturelle. Tel est le cas chez Hobbes : à l’état de nature, il est impossible de parler de justice ou d’injustice ; il y a uniquement un droit illimité de chacun sur toutes choses ; c’est l’État
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