Disgrâce, J. M. Coetzee
Mémoire : Disgrâce, J. M. Coetzee. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresdes pionniers boers, elle y vit seule, en quasi autarcie, s’occupant de ses chenils et de ses modestes cultures, qu’elle vend au marché. Le désormais ex-professeur croit trouver chez sa fille un havre de paix propice au ressourcement. Or il n’en est rien. L’apartheid vient certes d’être aboli mais ses scories continuent de ravager les campagnes. Les tensions sont vives entre les propriétaires blancs et les populations noires, bien décidées à reconquérir les terres spoliées. Un matin, trois jeunes noirs désœuvrés s’en prennent au professeur et à sa fille: le premier est brûlé vif, la seconde violée. Suite à cette attaque d’une rare sauvagerie, le fossé qui sépare le père et sa fille devient béant. Lucy refuse de porter plainte contre ses agresseurs et est prête à garder l’enfant qu’elle porte suite au viol. David Lurie s’insurge: «Quelle sorte d’enfant peut naître d’une semence pareille, une semence forcée dans une femme non par amour mais par haine, mêlée pêle-mêle, destinée à la souiller, à la marquer, comme de l’urine de chien?»
Suite à l’attaque de la ferme, David Lurie en est réduit à aider une vieille femme à faire mourir des chiens malades. Le fait de coucher avec elle sonnera le glas de sa vie sexuelle. Les valeurs qui lui servirent de repères durant toute sa vie – respect du savoir, de la hiérarchie sociale, etc. – semblent mises à mal de façon irrémédiable. Il n’a plus sa place dans la nouvelle ère qui s’ouvre.
Disgrâce est certainement le meilleur roman de J. M. Coetzee. Le plus sombre aussi. Il ne s’agit nullement d’un récit bien-pensant où tout est simple, le mal comme le bien, les méchants comme les gentils. Coetzee y dresse, d’une plume sèche et claquante, un tableau extrêmement pessimiste de l’Afrique du Sud post-apartheid, déchirée par des inégalités sociales peu communes: «Il y a des risques à posséder quoi que ce soit: une voiture, une paire de chaussures, un paquet de cigarettes. Il n’y en a pas assez pour tout le monde, pas assez de chaussures, pas assez de voitures, pas assez de cigarettes. Trop de gens, pas assez de choses. Et ce qu’il y a doit circuler pour que tout un chacun ait l’occasion de connaître le bonheur le temps d’une journée.» L’insécurité est-elle devenue une créance exigible par l’histoire, comme semble le penser Lucy? Les Afrikaners sont-ils condamnés à souffrir le présent pour expier les crimes du passé? Pour Coetzee, les plaies de l’histoire ne cicatriseront pas facilement et la nation Arc-en-ciel va au devant d’un avenir aussi sombre que celui du professeur David Lurie.
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