Dissertation Agréable-Utile

d'y accéder sans difficulté.

En effet, un conte philosophique emploie les mêmes procédés que le conte traditionnel, utilisant ainsi le registre merveilleux. De plus, le conte est un récit court, présentant un grand nombre d'ellipses et des discours souvent rapportés à la forme indirecte car un conte est travaillé de façon à ne présenter que l'essentiel. Ainsi, même le lecteur le moins instruit peut accéder à la compréhension de celui-ci. De plus, un apologue ou un conte philosophique n'est jamais très clairement situé dans le temps, ce qui permet à chacun de l'appliquer à n'importe quel situation. En effet, tout conte présente une morale, une vision du monde différente qui permet au lecteur d'apprécier le monde de façon plus instruite. C'est le principe même de la littérature d'idée.

Un conte met en scène des personnages très peu fidèles à la réalité, parfois même irréels tels que les animaux dans Les Fables de La Fontaine, dont les défauts et les qualités sont accentués jusqu'à la caricature reprenant ainsi les procédés humoristiques. Par exemple, les personnages de L'Ingénu présentent chacun une caractéristique précise : Mlle de Saint-Yves représente la vertu, Mgr de Saint-Pouange la malhonnêteté car il profite de l'impuissance de Mlle de Saint-Yves et l'Ingénu, naïf, représente la candeur et assure la fonction didactique du roman. Dans ce conte philosophique, Voltaire met en scène un Huron - ce qui lui permet d'introduire une touche d'exotisme qui pique la curiosité du lecteur de l'époque ne connaissant que peu de choses du monde - au cœur d'une famille jésuite qui tentera par la suite de le convertir, bouleversant ainsi sa vie. Voltaire exprime par ce procédé la nécessité de combattre le fanatisme jésuite. De plus, lors de son emprisonnement à la Bastille, instruit par Gordon, l'Ingénu va émettre un grand nombre de réflexions philosophiques qui auront pour but de faire réfléchir le lecteur lui aussi. Ainsi, le lecteur s'identifie au personnage. Par exemple, les Fables de La Fontaine présentent elles aussi des personnages à une caractéristique unique : dans Le renard et le corbeau, le renard représente la ruse et le corbeau la naïveté ou bien encore, dans La cigale et la fourmi, la cigale représente la paresse et la fourmi le travail.

La Fontaine, lui même disait dans l'introduction au livre I des Fables : « Je ne doute point, Monseigneur, que vous en regardiez favorablement des inventions si utiles et tout ensemble si agréables », il a écrit aussi ceci dans Fables , chapitre VI, pages 1 et 2 :

« Les Fables ne sont pas ce qu’elles semblent être.

Le plus simple animal nous y tient lieu de Maître.

Une Morale nue apporte de l’ennui ;

Le conte fait passer le précepte avec lui.

En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire,

Et conter pour conter me semble peu d’affaire. »

ainsi que La Bruyère qui exprimait ceci dans la préface des Caractères : « On ne doit parler, on ne doit écrire que pour l’instruction ; et s’il arrive que l’on plaise, il ne faut pas néanmoins s’en repentir, si cela sert à insinuer et à faire recevoir les vérités qui doivent instruire ».

Ainsi celui qui rit est plus ouvert et prêt à accepter les choses qu’il n’accepterait peut être pas sur le ton plus sérieux.

Néanmoins, la perception de l'humour au cœur d'un ouvrage est variable d'un individu à un autre. Ainsi les principes de Voltaire subissent certaines limites. Par exemple, l'ironie dans certains ouvrages plus intellectuels tels que les essais est parfois moins bien perçue chez les lecteurs les moins. Pour n'en citer qu'un, l'ironie de Voltaire dans son Essai sur les mœurs et l'esprit des Nations sera plus difficile à déceler que dans l'Ingénu. De plus, un lecteur peu expérimenté peut, non seulement, ne pas déceler certaines réflexions mais aussi peut mal les interpréter. Voltaire affirme que « l'utile » et « l'agréable » sont liés, or si le lecteur ne perçoit pas l'un de ces deux principes, il ne percevra donc pas l'autre non plus. Ainsi, on peut dire qu'il existe différents degrés d'humour qui ne seront pas tous perçus de la meme façon par le lecteur qui, ainsi, passera à coté des réflexions que l'auteur évoque implicitement. De plus, il faut savoir rire des choses sérieuses à condition que cela ne touche pas à la dignité humaine et à un certain système des valeurs qui peut varier d’un homme à un autre. L'humour noir, par exemple, peut parfois choquer