Le Principe De Légalité.
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La légalité criminelle est l’objet de nombreuses références. Mais leur recensement ne s’apparente pas à une simple opération comptable. C’est de manière complémentaire qu’il convient de les considérer entre eux.
D’abord, l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme du 27 août 1789 (DDHC) énonce le principe en des termes dont la portée est aujourd’hui le symbole de la résistance du droit contre l’arbitraire. « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Divers textes internationaux consacrent par ailleurs le principe. C’est le cas de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CESDH) qui reprend le principe dans une formule équivalente dont le texte est lui-même reproduit, mot pour mot, dans l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et dont les dispositions sont reconnues par le Traité sur l’Union européenne. Enfin, le Code pénal (CP), dans son article 111-3, certes d’un rayonnement plus modeste, se veut l’héritier de la tradition. Mais la précision législative du principe n’est pas anodine puisqu’elle rompt avec le silence des dispositions antérieures à la réforme du Code pénal.
Tous ces instruments ne sont pas redondants. Ils forment un cadre hiérarchique à travers lequel la légalité constitue une garantie dont la portée est à la fois constitutionnelle et supranationale. La portée constitutionnelle est la conséquence de la consécration de la légalité dans le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958. Ainsi, les exigences inhérentes au principe s’imposent au législateur lui-même. Erigée en règle constitutionnelle, la légalité pénale revêt une double dimension. Elle gagne d’abord en symbole, pour dépasser le seuil d’un principe ordinaire, tel que l’article 111-3 CP le contient. Ensuite, elle gagne en certitude, par les contraintes qui pèsent sur les autorités disposant du pouvoir d’incriminer. Des contraintes qui ont pour effet de soumettre l’incrimination à des règles précises de formulation et de compréhension.
La portée supranationale est la conséquence de la consécration du principe de la légalité dans les conventions internationales auxquelles la France est partie. Il s’agit tout spécialement de la CESDH, qui a une autorité supérieure à celle des lois et qui, de ce fait, est directement applicable en droit interne. La conformité de l’infraction à la légalité peut donc être directement appréciée par le juge national de droit commun sur le fondement de CESDH, alors que seul le Conseil constitutionnel a ce pouvoir sur le fondement de la DDHC. Les décisions de la Chambre criminelle sanctionnant certaines modalités de la garde à vue, sur le fondement de l’article 6 CESDH, avant et après la fameuse décision du Conseil constitutionnel datée du 30 juillet 2010 (QPC n°14 et 22), sont à cet égard significatives.
La hiérarchie des textes amplifie la portée de la légalité pénale, qui va associer la réaction répressive à une philosophie inspirée des enjeux du recours à la loi.
B. Les enjeux de la légalité pénale.
La légalité criminelle est un moyen de protéger les libertés individuelles contre le pouvoir répressif. Cette quête de protection est doublement sensible, politiquement et surtout techniquement.
En érigeant en infractions certains comportements, la loi pénale n’est pas seulement descriptive d’un crime ou d’un délit. Elle définit aussi des valeurs sociales. Le droit pénal n’est donc pas neutre. Il symbolise l’extrême et l’essentiel. Ainsi, dans toute sa construction historique, le droit criminel témoigne de la primauté des libertés sur le pouvoir. Dès lors, le justiciable trouve dans le principe de légalité l’assurance de trois garanties essentielles qui sont la connaissance, la mesure et l’égalité.
Parce que les poursuites judiciaires peuvent avoir pour effet de priver l’accusé ou le prévenu de sa liberté, ou de l’affaiblir dans son patrimoine comme dans son honneur, il importe de les fonder sur une réaction prévisible, doublée de leur connaissance. C’est dire que la légalité passe par une contrainte rédactionnelle pour le législateur, qui se doit de définir les crimes et les délits « en termes suffisamment clairs et précis ».
A cet égard, l’article 8 DDHC oriente l’action du législateur puisque « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Cette référence à la nécessité impose au législateur une certaine mesure dans l’exercice de sa souveraineté. Elle vise les peines, mais elle ne peut que rejaillir sur la portée de l’incrimination. Dès lors, la définition des crimes et délits peut être constitutionnellement appréciée. Certes, le Conseil constitutionnel ne peut substituer sa propre appréciation à celle du législateur. La nécessité renvoie seulement aux situations extrêmes de « disproportion manifeste ». C’est dire que les incriminations doivent être pertinentes au regard de ce qui les justifie socialement. C’est ainsi que le Conseil constitutionnel a censuré l’infraction d’aide à la clandestinité, envisagée par le législateur pour lutter contre le terrorisme, en la dénonçant comme l’expression d’un choix inutile puisque les mêmes faits entraient déjà dans le champ de la répression de la complicité des actes de terrorisme (DC, 16 juillet 1996, Loi tendant à renforcer la répression du terrorisme).
Le principe de légalité est enfin garant d’une égalité de traitement entre tous les justiciables devant la loi pénale. Par la préexistence des incriminations, tous les citoyens ont la même connaissance des interdits. Et de la même manière, les poursuites exercées sur le fondement des textes répressifs doivent l’être à égalité entre tous. La légalité est donc un facteur de justice.
Mais cet enjeu d’égalité, qui porte la marque de la démocratie, est aujourd’hui fortement menacé. Au-delà de son affirmation, c’est par son déclin que la légalité se manifeste, ce qui peut faire douter de sa pérennité, avec des conséquences sur la manière de concevoir désormais le droit pénal.
II. Le déclin de la légalité.
L’évolution a consisté à abandonner peu à peu le légalisme fort et rigide au nom d’un besoin d’efficacité. Les manifestations en ce sens sont incontestables (A). Mieux encore, elles ont généré une certaine dénaturation de la légalité, qui, aujourd’hui, est davantage synonyme de sécurité (B).
A. Les manifestations du déclin.
C’est doublement que la légalité pénale accuse son déclin, et par l’ouverture des définitions des comportements incriminés, et par la personnalisation des sanctions prononcées.
Le législateur respecte de moins en moins les contraintes qui l’obligent à prévoir en termes clairs et précis les actions ou omissions qu’il érige en infractions. Ses définitions sont souvent incomplètes, vagues, peu sûres, voire inexistantes. Il est notamment difficile de prétendre à une légalité effective, lorsqu’une infraction n’est pas autrement définie que par sa propre qualification, tel le délit d’entrave à l’exercice du droit syndical, qui n’a pour support d’incrimination que la seule référence à l’« entrave ». Il faut de plus redouter les risques de conflits de qualifications qui peuvent en résulter. Il en est ainsi du délit d’entrave à l’exercice du droit syndical et de la discrimination syndicale, parce qu’une entrave peut être discriminatoire, et une discrimination source d’entrave.
Ce repli de la légalité peut s’expliquer. Il est d’abord lié à l’impossibilité pour le législateur de tout prévoir. Une anticipation dans le détail des comportements incriminés n’est ni réalisable, ni souhaitable. Elle n’est pas réalisable du fait de la part irréductible de l’imprévision dans la définition de toute infraction. Cela explique aussi qu’une prévision complète n’est pas souhaitable. A trop prévoir, le risque est de donner le moyen aux délinquants d’échapper à la répression, par la licéité de principe de ce qui ne rentre pas expressément dans l’incrimination.
Le déclin de la légalité s’explique ensuite par l’incapacité scientifique du législateur à tout prévoir. Faute pour le législateur de pouvoir anticiper sur les évolutions technologiques qui auront vite pour effet de générer une nouvelle délinquance, il est meilleur pour lui de donner la préférence à des incriminations générales. Mais l’effacement de la légalité induit une carence d’information pour le justiciable, avec tous les méfaits qui peuvent sans ressentir en termes de connaissance et d’égalité.
Par ailleurs, le principe de légalité va théoriquement de pair avec un régime de fixité des peines. Par la fixité, les peines encourues et les peines prononcées sont confondues. Aucun choix n’est laissé au juge. La connaissance du justiciable ne peut être mieux servie, et l’égalité devant la justice mieux garantie, la peine ne supportant aucun aménagement de par sa rigidité et son automaticité.
Cette conception n’est cependant pas celle du droit positif. La fixité traduit fort mal la dimension personnelle de la responsabilité pénale, qui ne peut être entièrement délaissée.
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