Le régime présidentiel américain est-il un régime d’équilibre des pouvoirs ?

« Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ». Par ces mots , Montesquieu , dans son ouvrage De l’esprit des lois décrit la nécessité d’une séparation des pouvoirs. C’est justement cette séparation des pouvoirs et donc cet équilibre que l’on peut trouver entre les pouvoirs ( législatif , exécutif et juridictionnel ) qui définit le régime présidentiel américain.

Le régime politique américain est un régime présidentiel. Ce régime se définit comme « un régime dans lequel le président détient la majorité des pouvoirs ». Cependant cette vision est quelque peu erronée En effet , le régime américain se définit également comme un régime de séparation des pouvoirs auquel on ajoute l’adjectif de « stricte » ou

« rigide » comme l’indique Julien Boudon. Cette séparation stricte , rigide signifie qu’il y a une « spécialisation des fonctions ». Chaque pouvoir correspond a une fonction. Le pouvoir exécutif est détenu par le Président élu indirectement par le peuple , le législatif par le Congrès, qui est un parlement bicaméral et le judiciaire/juridictionnel par la Cour Suprême. On notera cependant que c’est l’exécutif et le législatif qui occupent une place plus importante , car ce sont eux qui « articulent le régime présidentiel ».

Il est également important de rappeler que les Etats-Unis sont une fédération. La fédération est une association d’état , qu’on appelle états-membres/ états fédérés qui ont accepté de perdre une partie de leur indépendance au profit d’un super état appelé Etat Fédéral. Les Etats fédéraux reposent sur deux principes , le principe d’autonomie et le principe de participation. Dans un Etat fédéral , il y a une répartition des compétences entre les états fédérés et l’Etat fédéral , dans un but de limitation de la puissance de chaque ordre de pouvoir.

Tous ces principes de séparation des pouvoirs pour éviter que les pouvoirs soient entre les mêmes mains sont inscrits dans la Constitution américaine de 1787. Cependant , il est interessant de se demander si , dans la pratique , le régime repose toujours sur cet équilibre.

Le régime présidentiel américain est-il réellement un régime d’équilibre des pouvoirs ?

En l’état , le régime présidentiel américain est effectivement un régime d’équilibre des pouvoirs (I) , cependant on a pu remarquer avec la pratique et le temps , que cet équilibre peut s’avérer fragile et connaître des difficultés (II).

I - L’équilibre des pouvoirs dans le régime présidentiel américain : un équilibre prévu par la Constitution ?

La constitution américaine de 1787 avait en effet prévu une séparation stricte ou rigide des pouvoirs afin de maintenir l’équilibre des pouvoirs (A) , cependant certains auteurs comme Michel Troper et la pratique ont montré que l’équilibre provenait au contraire de l’absence d’une telle séparation (B).

A) La séparation stricte des pouvoirs : une garantie de l’équilibre des pouvoirs prévue dans la Constitution de 1787

La Constitution américaine de 1787 prévoyait une séparation stricte des pouvoirs afin de limiter les compétences de chaque pouvoir et ainsi établir un équilibre entre les pouvoirs et éviter que tous les pouvoirs ne se retrouvent entre les mêmes mains.

Dans un régime présidentiel , le titulaire du pouvoir exécutif est le Président , qui exerce donc le rôle de chef de l’Etat et de chef du gouvernement. Le Congrès ( parlement ) est titulaire pleinement du pouvoir législatif. La Cour Suprême dispose du pouvoir judiciaire. Intéressons nous plus particulièrement aux pouvoirs législatifs et exécutifs. Cette indépendance entre ces deux pouvoirs se manifeste au niveau des fonctions ainsi qu’au niveau de l’existence des organes. Ils ont chacun une sphère de compétence bien définie.

Le président dans ce type de séparation n’a pas l’initiative des lois , il n’a aucune compétence en matière de création de la loi. Il y a une autonomie entre ces deux pouvoirs , ils ne peuvent remettre en cause l’existence de l’autre . Par exemple , le président ne peut dissoudre le Congrès. Dissoudre le congrès signifie mettre un terme au mandat des parlementaires avant la fin « officielle » de leur mandat. Quant à lui ne peut pas mettre en cause ce que l’on appelle la responsabilité « politique » du président. L’équilibre entre ces deux pouvoirs vient donc de « l’indépendance réciproque entre les pouvoirs ». Cette indépendance permet d’éviter « qu’un des deux pouvoirs ne prennent l’ascendant sur l’autre et ne remettent en cause l’existence de l’autre.

Cependant des auteurs comme Michel Troper et Francis Hamon ont considéré que c’était

« l’absence d’une telle séparation (rigide) » et donc que c’était l’interdépendance des pouvoirs qui permettait un équilibre de ceux ci.

B) L’interdépendance des pouvoirs : la véritable garantie de l’équilibre des pouvoirs

Comme le disent Francis Hamon et Michel Troper dans leur ouvrage de Droit Constitutionnel , « L’équilibre constitutionnel américain résulte donc non d’une séparation rigide des pouvoirs, mais, au contraire, de l’absence d’une telle séparation ». L’histoire et la pratique leur donnent raison. En effet , même si il existe trois organes distincts , il n’y a pas une séparation « étanche » entre les différents pouvoirs. Il y a une interdépendance entre les fonctions. Le président peut tout à fait participer a la fonction législative , le Congrès a la fonction exécutive et la Cour suprême a la fonction législative par exemple. Comme l’expliquent Troper et Hamon , même si la « Constitution n’organise ni dissolution, ni responsabilité politique, il est clair que chacune ( fonction , ndlr) dispose vis-à-vis des autres des moyens d’action puissants ». Le président, par exemple, dispose d’un droit de VETO, il exprime ainsi son refus d’une loi. Le Congrès , quant a lui , a un rôle de surveillance sur l’action du président. Le Congrès vote également le budget du parlement. Cet équilibre du régime présidentiel repose également sur le principe des contrepoids. En effet, même si en apparence on pourrait dire que le président dispose de nombreux pouvoirs , il est néanmoins contraint a être continuellement en négociation